COMPRENDRE LES ZOONOSES ET PRÉVENIR LES ÉMERGENCES - La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021

ONE HEALTH

ANALYSE

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Lors d’un point presse organisé en ligne le 7 avril dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, l’Anses a présenté les travaux qu’elle mène sur les maladies zoonotiques, notamment liées au Sars-CoV-2.

Les maladies infectieuses n’ont pas de frontière, les chercheurs non plus », a déclaré Gilles Salvat, directeur général délégué et directeur de la santé et du bien-être animal de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Pour lui, le concept One Health de recherche de lien entre la santé humaine et animale « est d’actualité et prend tout son sens depuis que les maladies infectieuses sont mieux connues, car 60 % d’entre elles sont communes à l’humain et l’animal, et 75 % des maladies émergentes ont une origine animale ». Des études menées à l’Anses cherchent ainsi à prévenir les émergences, depuis la recherche des risques microbiologiques alimentaires, qui doivent être évalués de la ferme à la fourchette, à l’étude des impacts des activités humaines et du changement climatique sur l’épidémiologie des maladies infectieuses et les émergences. Selon Gilles Salvat, la démarche de l’Anses vise à connaître les agents infectieux, le rôle des laboratoires nationaux de recherche, à évaluer les risques et à protéger l’Homme et les animaux, en développant des moyens de lutte et des plateformes d’épidémiosurveillance. Il rappelle à ce propos qu’éleveurs et vétérinaires sont les premiers maillons de la chaîne permettant la détection d’une émergence.

Réplication et recombinaison

Concernant les coronavirus, des travaux précliniques sur le hamster ont permis de comprendre les mécanismes de l’anosmie liée au Sars-CoV-2 et de trouver sa porte d’entrée dans l’organisme. Des études sont également menées sur le passage de la barrière interespèces. Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort a expliqué que le potentiel évolutif important des coronavirus est lié à la grande fréquence d’erreurs lors de la réplication de l’ARN. Plus le virus se réplique, plus il risque de muter. De plus, si deux coronavirus différents sont présents dans la même cellule d’un animal infecté, l’enzyme de réplication d’un virus peut se décrocher et se raccrocher sur l’ARN de l’autre, et donc copier un ARN chimère : c’est le phénomène de recombinaison. Le Sars-CoV-2 est ainsi né d’une recombinaison entre un coronavirus de chauve-souris et le gène de spicule, dont l’origine serait un coronavirus d’un hôte intermédiaire, encore inconnu. L’intérêt de la vaccination est ainsi, en plus de protéger le sujet, de réduire la multiplication du virus, donc le risque de transmission, mais aussi d’erreur de réplication, et donc le nombre de variants produits. Avec le temps, le contenu vaccinal doit être actualisé mais élargir le spectre de la vaccination permet d’augmenter l’immunité contre d’autres variants et aboutir à une immunité collective.

Circulation dans la faune sauvage

Enfin, une étude, présentée par Élodie Monchâtre-Leroy, directrice du laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy, montre que des coronavirus circulent au sein de la faune sauvage française. La prévalence de coronavirus chez le hérisson, de genre β comme le Sars-Cov-2, serait de 50 %. Elle est plus faible chez la chauve-souris, où le virus est de type α. Chez le lapin et le campagnol, les genres α et β seraient retrouvés, avec possibilité de recombinaison. Et en novembre 2020, un élevage de visons sur quatre a été trouvé contaminé par le Sars-CoV-2 et abattu. La surveillance de la faune sauvage s’inscrit donc dans une approche One Health des santés humaine et animale, afin de détecter l’apparition d’un variant qui contaminerait l’Homme. Humains, animaux et vecteurs de maladies vivent au sein d’une même planète et nous avons la nécessité d’une vraie gouvernance One Health pour échanger et répondre d’une même voix aux émergences, conclut Gilles Salvat.

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