MALADIES VECTORIELLES TRANSMISES PAR LES TIQUES - La Semaine Vétérinaire n° 1895 du 16/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1895 du 16/04/2021

PARASITOLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS

CONFÉRENCIÈRES

MARIE-CHRISTINE CADIERGUES, Dipl. European College of veterinary dermatology (ECVD), professeure en dermatologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse

ÉLISABETH ROBIN, Dipl. European College of veterinary internal medicine (ECVIM), praticienne au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis, Arcueil (Val-de-Marne)

Article rédigé d’après une web conférence proposée par Zoetis le 25 novembre 2020.

Tiques et maladies vectorielles sont des sujets d’actualité qui impliquent les vétérinaires en tant que garants de la santé publique et animale. En France, Dermacentor reticulatus, Ixodes ricinus et Rhipicephalus sanguineus se partagent l’ensemble du territoire (voir tableau). Parmi les principales maladies transmises par les tiques chez le chien, la piroplasmose et la maladie de Lyme, aux signes protéiformes et parfois déroutants pour le praticien.

Piroplasmose

Une piroplasmose doit être envisagée face à un chien de tout âge, notamment de travail ou exposé au milieu naturel, au printemps-automne, présentant des signes cliniques modérés à sévères : hyperthermie, muqueuses pâles, tachycardie, abattement, pigmenturie, ictère. Des signes et anomalies paracliniques plus rares sont décrits : amaigrissement, pétéchies, polyadénomégalie, état de choc et troubles du rythme, douleur abdominale, uvéite, myalgie, difficultés respiratoires, glomérulopathie, troubles de la coagulation, etc. Lors de piroplasmose, l’hémogramme révèle de façon assez caractéristique une thrombopénie modérée à marquée associée à une anémie normochrome normocytaire. Cette thrombopénie, bien que systématique selon une étude1, n’entraîne cependant que rarement des signes cliniques (épistaxis). Pour augmenter la sensibilité diagnostique du frottis sanguin dans la recherche de piroplasme, le sang capillaire ou le sang situé juste en dessous du buffy coat (couche leuco-plaquettaire) est à privilégier. Bien qu’une étude2 illustre qu’un chien sur 100 présentant une parasitémie capillaire n’a pas de parasitémie dans un prélèvement de sang veineux, la limite de détection des piroplasmes par frottis est faible (seuil d’un parasite pour 100 000 globules rouges). Il est donc capital de diversifier les outils de diagnostic en utilisant la PCR - positive à partir de 9 parasites par millilitre. Le traitement de choix repose sur l’administration d’imidocarbe propionate : 7,5 mg/ kg par voie intramusculaire - ou sous-cutanée en cas de thrombopénie : Élisabeth Robin conseille cette posologie, différente du résumé des caractéristiques du produit (RCP).

Borréliose

Le diagnostic de borréliose inclut la présence de signes cliniques compatibles (notamment arthrite, néphrite, myocardite et autres signes encore soumis à controverse), de l’agent dans l’environnement du chien, un test sérologique positif, l’exclusion des autres causes pouvant entraîner la même symptomatologie et une réponse à la thérapeutique engagée (consensus du Collège américain de médecine interne, American College of veterinary internal medicine, ACVIM3). Les signes hémato-­biochimiques sont peu spécifiques (anémie non régénérative, neutrophilie, thrombopénie, hypoalbuminémie, etc.) et peuvent être associés à un syndrome néphrotique (hypercholestérolémie, protéinurie, ascite, œdème)4 ou une arthrite neutrophilique. Borrelia burgdorferi ss a une diffusion essentiellement interstitielle. Elle n’est donc pas retrouvée dans les milieux couramment prélevés (sang, urines ou liquide céphalo­rachidien). De plus, en tant que bactérie spirochétale, elle présente des protéines de surface qui changent au cours de son cycle de vie et participent à sa pathogénie. Dans le tube digestif de la tique, elle exprime une protéine OspA qui va disparaître au profit d’autres (OspC) lors de sa migration dans l’hôte. Les tests les plus efficients, mentionnés dans le consensus de l’ACVIM, sont ceux fondés sur la protéine C6 (Snap 4Dx). Ce test est positif 3 à 5 semaines après l’infection mais bien avant l’apparition des signes cliniques, et reste positif jusqu’à 69 semaines au moins. Il ne prouve néanmoins pas la responsabilité de l’agent pour les signes cliniques et peut rester positif des années après l’infection. Les chiots peuvent être infectés in utero ou être séropositifs après infection de la mère : un suivi est alors nécessaire pour différencier ces 2 situations. Le traitement de la borréliose consiste en l’administration de doxycycline (10 mg/kg, une fois/j pendant 1 mois), en parallèle de la prise en charge des syndromes associés (arthrite, glomérulopathie, azotémie, hyperthermie, etc.).

Choix des antiparasitaires

« Il est primordial de convaincre les propriétaires de bien traiter contre les tiques grâce à l’arsenal thérapeutique de grande qualité à disposition des vétérinaires », souligne Marie-Christine Cadiergues. Il n’y a pas de traitement parfait à conduire systématiquement, la prescription doit être raisonnée et individualisée. Ce choix de prescription inclut le spectre, le mode d’action, la présentation galénique, la rapidité d’action, la rémanence et l’innocuité. Il existe 3 familles d’acaricides : les isoxazolines, les phénylpyrazolés et les pyréthrinoïdes, qui peuvent être utilisés seuls ou associés à d’autres molécules au sein d’un médicament ou d’une prescription. Les produits à effet de surface (colliers, pipettes), au-delà de l’effet strictement acaricide, sont susceptibles de perturber la fixation des tiques et ont potentiellement un effet sur les insectes volants (pyréthrinoïdes). Cependant, la concentration en principe actif à la surface cutanée peut être altérée par les bains, les lésions, la localisation et la qualité d’application ou un défaut de serrage. Les produits systémiques sont d’administration facile et permettent d’obtenir une concentration homogène quelle que soit la région anatomique, sans résidu sur la peau. En revanche, ils ne possèdent pas d’efficacité répulsive sur les insectes volants et il est parfois nécessaire d’administrer le produit avec le bol alimentaire. Ils souffrent toutefois d’une certaine « crainte du risque ». Pour une bonne efficacité contre certains parasites, en particulier les Borrelia, le produit doit agir rapidement, dans les 16 heures : les isoxazolines et les pyréthrinoïdes répondent à cet impératif (les phénylpyrazolés sont plus lents à agir). Enfin, l’innocuité est vérifiée sur le RCP en fonction des poids et âges minimums, des statuts physiologiques ou des maladies intercurrentes. L’innocuité doit aussi être prise en compte par rapport à l’entourage de l’animal (colliers et produits à effet de surface à ne pas conseiller lors de présence d’enfants) et le ressenti du propriétaire. L’administration du médicament acaricide selon les recommandations du fabricant et la prescription du vétérinaire ne permet pas de s’affranchir d’une inspection systématique du pelage au retour d’une promenade en zone à risque. C’est en associant ces deux mesures que la prévention est optimale.

1. Solano-Gallego L., Trotta M., Carli E. et coll., Babesia canis canis and Babesia canis vogeli clinicopathological findings and DNA detection by means of PCR-RFLP in blood from Italian dogs suspected of tick-borne disease, Vet Parasitol, 2008;157:(3-4):211-221.

2. Böhm M., Leisewitz A.L., Thompson P.N. et coll., Capillary and venous Babesia canis rossi parasitaemias and their association with outcom of infection and circulatory compromise, Vet Parasitol, 2006;141 (1-2):18-29.

3. Littman M.P., Gerber B., Goldstein R.E. et coll., ACVIM consensus update on Lyme borreliosis in dogs and cats, J Vet Intern Med., 2018;32 (3):887-903.

4. Littman M.P., Goldstein R.E., Labato M.A. et coll., ACVIM small animal consensus statement on Lyme disease in dogs : diagnosis, treatment, and prevention, J Vet Intern Med., 2006; 20 (2):422-434.

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