LA CRISE ACCENTUE LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX - La Semaine Vétérinaire n° 1894 du 09/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1894 du 09/04/2021

QUALITÉ DE VIE

ENTREPRISE

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT

Déjà présents avant la crise sanitaire, le stress, l’absentéisme, l’intensité du travail augmentent depuis un an. Autant d’éléments qui influent négativement sur les risques psychosociaux. Risques qu’il est impératif de guérir, mais surtout de prévenir.

Depuis plusieurs années déjà, moult spécialistes alertent sur la dégradation des conditions de travail et son impact sur les risques psychosociaux (RPS). La crise, qui a bouleversé quasiment du jour au lendemain les organisations, vient ajouter son lot d’éléments déstabilisants, pour les dirigeants d’entreprises comme pour leurs collaborateurs. Et peut-être d’autant plus dans les cliniques vétérinaires où le télétravail n’est guère envisageable, alors que les contraintes se multiplient et que la charge de travail est forte. Cela étant, au-delà de la crise, bien d’autres facteurs indépendants de la pression sanitaire influent sur la qualité de vie au travail et donc sur les risques psychosociaux. Avec une difficulté supplémentaire, celle de cerner ce que sont précisément ces risques. « Il n’existe aucune définition légale des RPS. Le plus souvent, les situations dans lesquelles ils risquent d’apparaître sont celles où les conditions d’emploi sont difficiles avec une intensité du travail, une faible autonomie et un manque de clarté dans le partage des tâches », résume Claire Abate, avocate, fondatrice du cabinet AC Legal Avocat. Des organisations du travail qui peinent à se stabiliser, des tensions au sein de l’équipe, une communication difficile avec les collègues et/ou la hiérarchie, mais aussi un manque de reconnaissance au travail sont également des facteurs propices à l’apparition de risques psychosociaux.

Repérer les signes d’alerte

Avec l’accumulation de ces éléments et surtout leur pérennité, les RPS ne sont en général pas loin. Leurs conséquences sont multiples. C’est pourquoi elles ne sont pas toujours perçues comme des RPS, mais plutôt comme des phénomènes passagers sur lesquels on ne cherche pas forcément à agir. En tout cas, pas immédiatement. L’alerte doit pourtant venir dès lors que l’on constate certains dérèglements caractéristiques des RPS. « Le climat social se dégrade entraînant un sentiment de non-appartenance au collectif. Les taux d’accidents du travail et d’arrêts de travail pour maladies cardiovasculaires, troubles musculo-squelettiques, anxiété, épuisement professionnel menant parfois même au suicide augmentent de manière significative », note Claire Abate. Le turnover, l’absence de motivation et d’implication dans le travail doivent aussi alerter. « Au-delà du mal-être des collaborateurs, l’image de l’entreprise vis-à-vis du public risque d’être atteinte », prévient l’avocate.

Agir pour éviter l’enkystement

Autant de signes qu’il convient de prendre à bras-le-corps sous peine de voir la situation s’aggraver. Pour cela, pas de recette miracle toute faite, mais au contraire du sur-mesure. Les actions dépendent en effet des caractéristiques de la structure, des attentes des salariés et des moyens à disposition. Mais une chose est certaine : l’engagement de la direction est indispensable et le dialogue encore plus. Rien d’insurmontable, car bien souvent, si les conflits ou les causes des RPS sont pris dès leur apparition, les remèdes sont efficaces. Pour les situations plus complexes, des accompagnements existent à travers des conseils, mais aussi des acteurs tels que la médecine du travail. L’objectif étant de renouer avec un cadre de travail propice à l’épanouissement de tous. C’est en effet le bien-être au travail qui favorisera l’engagement des collaborateurs, augmentera leur motivation et viendra à bout de l’absentéisme et du turnover. « L’employeur a tout intérêt à conserver une qualité de vie au travail, qui aura un impact direct sur les résultats de l’entreprise », assure l’avocate.

S’il faut parfois agir dans l’urgence pour contrer l’installation de RPS, le plus efficace reste la prévention. « Une implication des acteurs de la clinique dans cette démarche de prévention est nécessaire », assure Claire Abate. Elle esquisse quelques outils : « Cela peut passer par des questionnaires envoyés aux collaborateurs, la mise en place de boîtes à idées et de baromètres. » La communication est la base du travail de prévention. En marge des outils, des groupes de travail réunissant les collaborateurs, pourquoi pas les services de santé au travail et les entreprises extérieures, si nécessaire, peuvent aussi être mis en place. Très souvent, ces espaces d’expression permettent de désamorcer les conflits naissants et de bien prendre la mesure des attentes des équipes pour ensuite pouvoir proposer des solutions de nature à faire consensus. Au sein de cliniques importantes, les représentants du personnel doivent être associés à ces démarches.

Quelles obligations s’imposent aux employeurs en matière de RPS ?

QUESTION À…

CLAIRE ABATE, avocate, fondatrice du cabinet AC Legal Avocat

De l’article L. 4121-1 du Code du travail découle pour l’employeur un certain nombre d’obligations. Il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Elles comprennent des actions de prévention, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation avec des moyens adaptés. L’employeur doit veiller à leur mise à jour régulière. En cas de risque avéré, l’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre avoir pris les mesures de prévention nécessaires et adaptées. Des outils juridiques sont à sa disposition pour l’aider. D’une part, le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp), document obligatoire dans l’entreprise rassemblant et formalisant les résultats de l’évaluation des risques professionnels, y compris les RPS.

D’autre part, le plan de prévention, document qui doit être établi quand une entreprise fait appel à une société extérieure pour effectuer des travaux représentant 400 heures sur une durée inférieure ou égale à 12 mois, et qui comportent des risques. L’employeur doit actualiser et diffuser son Duerp, tout en indiquant que cette évaluation doit aussi comprendre celle des RPS résultant spécifiquement de l’épidémie de Covid-19. Le Duerp doit rendre compte des effets sur la santé mentale des salariés, notamment des changements organisationnels issus des nouvelles contraintes de travail, des inquiétudes des salariés par rapport aux risques de contamination, de la surveillance soutenue du respect de la distanciation.

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