L’OSTÉOSYNTHÈSE DANS LES FRACTURES DE LA PHALANGE DISTALE - La Semaine Vétérinaire n° 1894 du 09/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1894 du 09/04/2021

ORTHOPÉDIE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : MARION BOIDOT

Les 5 et 6 novembre 2020 s’est déroulé le premier e-congrès de l’Association vétérinaire équine française (Avef), proposant aux adhérents plusieurs sessions thématiques de formation continue. Une demi-journée a été consacrée aux affections du pied chez le cheval, parmi lesquelles les fractures de la phalange distale, présentée par notre confrère Anton Fürst, directeur du département équin de l’université de Zurich, en Suisse.

Parmi les différentes affections du pied du cheval, les fractures de la phalange distale sont une entité assez fréquemment rencontrée, et pour lesquelles la question du vétérinaire et des propriétaires est toujours la même : faut-il entreprendre un traitement conservatoire ou réaliser une ostéosynthèse ?

Approche clinique

Les fractures de la troisième phalange (P3) résultent quasi systématiquement d’un choc du sabot contre une surface dure, et entraînent une boiterie d’apparition aiguë d’intensité moyenne à sévère. Le diagnostic est difficile, du fait notamment de la non-spécificité des signes cliniques, associant un pouls digité et un test de pince généralement positif. L’anesthésie tronculaire distale est évidemment positive, bien que sa réalisation en amont de l’examen radiographique soit très largement déconseillée du fait des risques d’aggravation des lésions lors de l’examen dynamique sous anesthésie loco-régionale.

La radiographie reste donc l’examen de choix, sur un pied parfaitement préparé – parage, nettoyage et remplissage des lacunes avec de la pâte à savon – en multipliant les incidences. En l’absence d’images radiographiques confirmant la fracture, et si la suspicion clinique est forte, il est recommandé de répéter l’examen radiographique quelques jours plus tard, ou de s’orienter vers des techniques d’imagerie complémentaires telles que l’IRM ou la scintigraphie.

Traitement conservateur ou ostéosynthèse ?

Il n’existe pas de consensus sur la prise en charge des fractures de la phalange distale chez le cheval, les nombreuses études ayant mis en évidence de façon égale les avantages et les inconvénients des prises en charge conservatrices ou chirurgicales (voir tableau).

Choix du traitement conservateur

De façon générale, il est recommandé de réserver le traitement conservateur aux fractures de type I et VI, notamment lorsque la taille du fragment ne permet pas la fixation par du matériel. Dans ce cas, la prise en charge repose sur : la gestion de la douleur avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la pose d’un fer à planche avec de grands pinçons en talons, en veillant à combler les lacunes et la voûte plantaire avec de la silicone, le repos strict au box pendant 4 semaines, la reprise de l’activité au pas pendant 2 mois. Le pronostic est favorable, d’autant plus que le cheval est jeune.

Choix du traitement chirurgical

Une prise en charge chirurgicale est fortement recommandée pour toutes les fractures de type II, III, IV et V, notamment en raison de l’implication de l’articulation dans la fracture qui augmente le risque de dislocation et de non-union, et ce même après plusieurs mois de repos, et le risque de développement d’une arthrose sévère pouvant aboutir sur une boiterie chronique incurable.

La technique chirurgicale consiste en la pose d’une vis d’ostéosynthèse, perpendiculairement à l’axe du trait de fracture. Elle nécessite un plateau technique chirurgical équipé d’un scanner permettant le juste positionnement de la vis. Il est fondamental de choisir une vis dont la longueur ne dépasse pas la largeur de la phalange, afin de limiter le risque de complications septiques. Lors de fracture de type IV, la taille du fragment conditionne le choix d’un retrait sous arthroscopie ou d’une ostéosynthèse.

Les soins post-opératoires reposent sur : une antibiothérapie large spectre (3 jours) ; une gestion de la douleur avec des AINS (5 jours) ; un pansement stérile changé 2 semaines après la chirurgie ; une ferrure orthopédique (fer à planche avec grands pinçons en talons) posée à 4 semaines ; un repos strict au box pendant 4 semaines post-opératoires ; une reprise de l’activité au pas à partir de la 4e semaine.

Parmi les principales complications, il est possible d’observer le développement d’abcès tardifs jusqu’à plusieurs mois après la chirurgie. Dans la grande majorité des cas, le matériel d’ostéosynthèse doit être retiré pour les éviter ou les soigner : cela se fait sous sédation et anesthésies loco-régionales.

Le pronostic est globalement bon : une étude menée sur 20 chevaux par Anton Fürst révèle une cicatrisation de la fracture dans 100 % des cas opérés, la littérature sur le sujet établissant un taux de succès de 94 % après ostéosynthèse. Une boiterie chronique après chirurgie a toutefois été constatée chez 10 % des chevaux opérés.

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