LES PERCEPTIONS DES VÉTÉRINAIRES SUR LE BIEN-ÊTRE DES ANIMAUX - La Semaine Vétérinaire n° 1893 du 02/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1893 du 02/04/2021

ENQUÊTE

ANALYSE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

La chaire bien-être animal de VetAgro Sup1 vient de réaliser une enquête d’envergure auprès des vétérinaires pour évaluer leur rapport au bien-être animal. Entretien avec Luc Mounier (directeur des formations et responsable de la chaire bien-être animal de VetAgro Sup) et Valentin Renault (étudiant à l’ENSV, chaire bien-être animal de VetAgro Sup).

La chaire bien-être animal de VetAgro Sup vient de publier les résultats d’une enquête menée auprès des praticiens et étudiants vétérinaires pour évaluer leur perception de la notion de bien-être animal. Qu’est-ce qui vous a poussé à mener ces investigations ?

Luc Mounier : Cela fait plusieurs années que je travaille sur l’amélioration du bien-être des animaux et que je dis que les vétérinaires doivent prendre une place plus importante sur cette thématique. En effet, les vétérinaires sont pour moi des acteurs incontournables du bien-être, qu’il s’agisse des animaux d’élevage ou des animaux de compagnie. Ils sont incontournables à plusieurs titres. Évidemment pour leurs compétences en santé mais aussi pour leur approche globale ou leur relation étroite avec leurs clients. Pour autant, les vétérinaires sont encore peu visibles alors que beaucoup d’autres acteurs se positionnent… Et je trouverais vraiment dommage que les vétérinaires laissent passer le train. On me dit souvent que l’investissement sur cette thématique est actuellement difficilement valorisable. C’est sûrement vrai. Pour autant, je suis convaincu que ce sera bientôt le cas, et qu’il faut que, dès maintenant, les vétérinaires s’affichent comme les experts du bien-être. D’où une certaine incompréhension de ma part et la volonté de lancer cette enquête pour savoir quelles sont les perceptions des vétérinaires sur le bien-être des animaux.

Valentin Renault : Le rôle du vétérinaire semble, à bien des égards, souvent indissociable des problématiques soulevées par la thématique du bien-être animal. Or, peu d’études se sont consacrées spécifiquement au rapport qu’entretiennent les vétérinaires au bien-être animal, d’où la volonté de ce travail.

Le vétérinaire perçoit-il comme une évidence son rôle de garant du bien-être animal, que ce soit dans l’exercice de la médecine et de la chirurgie vétérinaires ou en matière de santé publique ? Se sent-il un acteur incontournable ou plutôt un maillon parmi d’autres ?

V. R. : Notre travail a montré que plus de 80 % des vétérinaires interrogés ont estimé qu’ils avaient un rôle central à jouer vis-à-vis du bien-être animal, et 16 % d’entre eux ont estimé qu’ils n’étaient qu’un acteur parmi d’autres. Pour autant, sur la nature de ce rôle, ils esquissent des réponses dont la diversité reflète celle des enjeux qui s’y rattachent. Ainsi, lors des entretiens, les vétérinaires ont qualifié ce rôle de garant, mais aussi de lanceur d’alerte ou encore de médiateur à l’interface entre les différentes filières du monde de l’élevage et la société civile. Les vétérinaires ont conscience qu’ils constituent des interlocuteurs privilégiés concernant le bien-être animal mais, paradoxalement, ils ont estimé que leur rôle était insuffisamment compris. Leur rôle en élevage a également été souligné comme souffrant d’un manque de reconnaissance par les populations. Je dirais donc que le vétérinaire, quel que soit son exercice, a conscience de son rôle vis-à-vis du bien-être animal, mais qu’il peine à définir clairement ce rôle et à en obtenir la reconnaissance.

L. M. : Ces résultats montrent qu’il est important de mieux définir les rôles que peuvent avoir les vétérinaires vis-à-vis du bien-être… Mais aussi de mieux communiquer vers le grand public.

Les vétérinaires ont-ils une définition claire et homogène de la notion de bien-être animal ? Se sentent-ils armés en termes de connaissances pour répondre aux attentes autour du bien-être animal ?

V. R. : L’étude montre que 77 % des vétérinaires se sont estimés capables de définir précisément à très précisément la notion de bien-être animal. 23 % pensaient pouvoir donner une définition approximative. Paradoxalement, lors des entretiens, les vétérinaires ont parfois exprimé des difficultés à définir précisément le bien-être animal, une notion qu’ils estimaient subjective et parfois abstraite. Et la diversité des définitions données montre qu’ils ne maîtrisent parfois pas si bien cette définition. Je pense qu’il est intuitif pour les vétérinaires de dire qu’ils savent ce qu’est le bien-être animal. Mais lorsqu’on leur demande d’objectiver ce qui en relève véritablement, cela leur est finalement relativement complexe. 67 % des vétérinaires interrogés ont estimé leurs connaissances relatives au bien-être animal comme bonnes à très bonnes, et 30 % ont estimé leurs connaissances comme intermédiaires. Une majorité de vétérinaires s’estimait donc disposer de connaissances solides, même si certains ont évoqué qu’une marge de progression restait perceptible.

L. M. : La définition du bien-être animal est maintenant bien établie scientifiquement. Il est important que les vétérinaires s’en saisissent pleinement. Pour cela, il me semble qu’ils doivent mieux se former à ce qu’est le bien-être, les émotions ressenties par les animaux, comment se positionner, etc.

Le Livre bleu de la profession vétérinaire identifiait déjà le bien-être animal comme une préoccupation croissante et d’avenir. Partagez-vous ce constat ? Est-ce une source de pression morale et/ou de sens et de motivation pour les confrères et consœurs ? Y a-t-il des critères qui montrent une corrélation entre la perception qu’en ont les vétérinaires et leur type d’exercice ?

V.R. : L’étude n’a pas pu mettre en évidence de corrélations statistiques entre la perception qu’ont les vétérinaires de l’implication de la profession et leurs caractéristiques socio-professionnelles. Néanmoins, 79 % des vétérinaires sondés estimaient que le positionnement de la profession vétérinaire sur les grandes questions liées au bien-être animal devrait être systématique, et ont témoigné leur volonté d’une réaffirmation de l’engagement de la profession sur ces questions. Je pense qu’il s’agit effectivement d’une préoccupation croissante et d’avenir, et c’est ce que suggèrent par ailleurs nos résultats.

L. M. : Je suis 100 % en phase avec le Livre bleu : la prise en compte du bien-être va être croissante de la part de la société, des clients. Les vétérinaires doivent devenir les professionnels de la santé ET du bien-être des animaux.

Quels résultats marquants ou surprenants de l’étude retenez-vous ?

V. R. : Je retiendrais que 99 % des vétérinaires et des étudiants sondés ont estimé que leur activité professionnelle était concernée par la question du bien-être animal. Il s’agit bien ici, à mon sens, d’une preuve manifeste que cette thématique est intimement liée aux enjeux auxquels devront faire face les vétérinaires dans leur activité à venir. Les résultats de notre étude sont pour la plupart attendus, mais viennent confirmer plusieurs hypothèses qui n’avaient pas été portées à la lumière d’une étude jusqu’alors.

L. R. : Je retiens notamment que la majorité des vétérinaires trouve que l’évolution sociétale sur le bien-être animal est positive et source d’opportunités pour la profession !

1. http://chaire-bea.vetagro-sup.fr/

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