« LE DEUXIÈME CONFINEMENT A INSTALLÉ LA FILIÈRE DANS UN TEMPS LONG DE PANDÉMIE ET, DONC, DE MANQUE DE PERSPECTIVES FLAGRANT » - La Semaine Vétérinaire n° 1893 du 02/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1893 du 02/04/2021

INSTITUT FRANÇAIS DU CHEVAL ET DE L’ÉQUITATION

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

En 2020, l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) a célébré son dixième anniversaire. Il vient aussi de publier son rapport annuel1. Dans ce contexte, et aussi celui de la pandémie de coronavirus, notre confrère Jean-Roch Gaillet, directeur général de l’IFCE, revient sur les moments majeurs de ces derniers mois, sur les enjeux de l’établissement et ceux de la filière.

Un an après le premier confinement lié à la pandémie, que sait-on de l’impact qu’il a eu sur la filière équine et l’IFCE ?

L’État a chargé l’IFCE de coordonner une analyse des effets de la pandémie actuelle sur le secteur « cheval ». Les trois principaux points que l’on a pu remarquer au cours de cette année sont les suivants. Tout d’abord, le premier confinement a été perçu de façon très sévère, toutes les activités étant arrêtées, entraînant des pertes d’activités et de revenus de l’ordre de 80 % dans certains secteurs. Ensuite, les périodes d’été et d’automne ont été vécues comme une embellie, avec une reprise d’activité forte à tous les niveaux. En revanche, le deuxième confinement a installé la filière dans un temps long de pandémie et, donc, de manque de perspectives flagrant, avec une baisse forte d’activité et un manque de visibilité pour l’avenir.

En ce qui concerne l’IFCE, le décès en mars 2020 de Thierry Le Borgne, architecte de l’IFCE, a été un drame humain que nous gardons en mémoire.

En termes économiques, les pertes de l’établissement s’élèvent à 1 million d’euros. Elles sont notamment liées à l’annulation des galas du Cadre noir et des formations de courte durée. La pandémie nous a obligés, dans un premier temps, à adapter notre plan de continuité d’activité, en particulier en matière de gestion des chevaux : ils ont été mis au pré au printemps 2020 pour faire face à l’urgence. Aujourd’hui, les équidés sont gardés au niveau des sites habituels et poursuivent leurs activités, avec des protocoles sanitaires adaptés. En outre, chez nous comme ailleurs en France, les concours amateurs sont suspendus, notamment dans nos installations de Saumur. Les concours professionnels et les concours d’élevage sont maintenus (en dehors de l’épidémie de rhinopneumonie bien sûr). Ils se déroulent à huis clos, avec des masques et sans accompagnants.

Enfin, au titre du bien-être animal, comme pour les animaux de compagnie, la filière a obtenu des dérogations afin que les cavaliers des centres équestres puissent se déplacer pour aller sortir les chevaux, même en période de confinement. Des protocoles sont établis pour maintenir une activité dans les centres équestres (selles et filets à l’extérieur, buvettes fermées, etc.) et assurer la sécurité sanitaire des cavaliers et des personnels.

Des aides ont-elles été attribuées aux structures en difficulté ?

Une première aide a été attribuée aux structures propriétaires de chevaux et poneys d’instruction à hauteur de 120 € par équidé, jusqu’à 30 équidés. Pour ce faire, le gouvernement nous a confié un budget de 20 millions d’euros. En répondant à toutes les demandes, nous avons attribué 14 millions d’euros. Les vérifications de propriétés ont été grandement facilitées par l’utilisation de la base SIRE (système d’identification relatif aux équidés) et les contrôles par notre présence en territoires. Tout cela a permis de réduire les délais d’instruction et de mise en paiement.

Depuis le second confinement d’octobre 2020, les centres équestres nous sollicitent pour une deuxième aide dans le cadre du PLFR4 (4e projet de loi de finances rectificative) de 2020. Nous avons la confirmation que 8 millions d’euros seront bientôt disponibles. Ils nous permettront d’attribuer 60 euros par équidé d’instruction selon le même principe. Notons que les centres équestres ont pu tenir la tête hors de l’eau grâce à une période estivale qui leur a été favorable, les Français étant restés sur le territoire national.

Une communication large, relayée par la FFE (fédération française d’équitation) et en région par les conseils des chevaux a permis de toucher 5 500 établissement sur les 6 500 identifiés sur le territoire national. Ces établissements sont à plus de 90 % affiliés à la FFE.

Quelles sont les conséquences de la crise actuelle de rhinopneumonie ?

Il s’agit d’une maladie non réglementée. Sa gestion est donc compliquée car, si nous pouvons formuler des propositions, elle n’entraîne pas d’obligations réglementaires. Afin de faciliter le retour des chevaux des clusters espagnols apparus lors de compétitions, la filière a mis en place des centres d’accueil en quarantaine pour les personnes ne pouvant pas réaliser cette quarantaine chez eux. Des centres de transit ont aussi été mis en place pour les transporteurs. Ainsi, le site fédéral siège de la FFE à Lamotte-Beuvron, le parc équestre de Chazey-sur-Ain ou encore le pôle européen du cheval au Mans offrent des capacités d’accueil à des chevaux en transit.

La vaccination est-elle suffisante en France ?

La segment courses, tant au trot qu’au galop, a l’obligation de vacciner alors que le segment des chevaux de sports n’a pas encore cette obligation vaccinale contre la rhinopneumonie. Si l’on veut vacciner correctement, il faut en effet augmenter la couverture vaccinale des chevaux de sport (100 000 chevaux), et il faudrait vacciner les chevaux des centres équestres, ce qui correspondrait à 500 000 de plus. La base SIRE recensant un peu plus d’1 million d’équidés, nous sommes loin d’une couverture vaccinale de tout le territoire national. Or la défaillance d’un seul maillon, par exemple un centre équestre à activité saisonnière de vacances, peut tout remettre tout en cause, de même que des poneys utilisés en tondeuse à gazon !

À terme, si l’on passait à la vaccination de 500 000 chevaux, cela changerait la donne et cela pourrait entraîner une baisse du coût du vaccin.

L’IFCE aide la gendarmerie nationale dans la lutte contre les actes de cruauté dont ont été victimes des équidés depuis plus d’un an. Quel bilan dressez-vous notamment du numéro vert mis en place ?

Le numéro vert a été mis en place le 9 septembre 2020 à la demande du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Nous avons formé sept agents, deux à quatre répondant en rotation. Nous avons reçu 1 600 appels avec un nombre qui a diminué fortement dès la 5e semaine, lié au fait que les médias en parlaient de moins en moins. Deux actes de cruauté concomitants ayant été commis à deux extrémités de la France, confirmation a été faite que les auteurs de ces actes n’étaient pas une seule personne. Le numéro vert a concerné pour 80 % des propriétaires (inquiets) ou détenteurs de chevaux, 2 % de journalistes, 2 % de gendarmes, 16 % de divers. Les appels - d’une durée moyenne de 5 minutes - étaient donc assez longs. L’inquiétude des propriétaires persiste pour les chevaux au pré difficiles à protéger. Malheureusement, des cas sont encore recensés à l’heure actuelle.

Nos relations avec la gendarmerie nationale et les vétérinaires ont été précieuses. Nous les poursuivons et les consolidons.

Où en est la dématérialisation du carnet d’identification/passeport des équidés ?

Au niveau européen, le secteur des courses demande une dématérialisation du carnet. La révision en cours du règlement européen traitant de l’identification pourrait ouvrir à l’utilisation d’outils dématérialisés, tout en conservant l’obligation d’un suivi du document d’identification papier. L’IFCE propose déjà de nombreuses démarches SIRE en ligne (déclarations de saillie, naissances, changements de propriété, lieux de détention) et un accès aux données de la base via Infochevaux. Nous avons récemment lancé une application mobile pour les identificateurs, et travaillons au projet Equiface. Il s’agit d’un logiciel qui, à l’aide de la photo, facilite le dessin du signalement de l’équidé, l’aspect et l’évolution de la robe, les listes, les pelotes, les marques en tête, etc. C’est un outil performant. Le gain de temps à la réalisation d’un signalement est considérable et ce signalement est plus précis.

Quels sont les enjeux politiques dans les mois à venir ?

Ils sont nombreux. L’impact du règlement européen en santé animale sera important. Son entrée en vigueur était prévue en avril 2021, mais son application va s’étaler dans le temps. Nous avons tissé des relations étroites avec la commission européenne afin d’y porter la voix de la filière équine française.

En outre, nous avons été le premier contributeur au rapport visant à lutter contre la maltraitance animale. Un projet porté par notre confrère Loïc Dombreval. Si nous souhaitons avancer en matière de contrôle en protection animale, il faudra du monde. À l’IFCE, 35 agents nous permettraient d’apporter une aide concrète sur le terrain. Si l’IFCE a un contrat d’objectifs se terminant fin 2022, nous avons déjà commencé à travailler au contrat suivant en intégrant cette dimension bien-être animal.

Un des autres grands enjeux est l’intégration de la filière cheval dans la prochaine PAC (politique agricole commune) en cours de préparation. Les atouts verts du cheval ou son intérêt dans le développement des territoires ruraux en font autant de pistes pour une PAC plus verte.

1. www.bit.ly/3u5V2Eu