UN VÉTÉRINAIRE À LA TÊTE DE LA SCC - La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021

NOMINATION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : VALENTINE CHAMARD

Notre confrère Alexandre Balzer est le nouveau président de la Société centrale canine. Un mandat qu’il souhaite tourné vers la sensibilisation du public aux achats raisonnés de chiots, une modernisation des outils proposés aux éleveurs ou encore la conservation du savoir-faire français en termes de cynophilie.

Alexandre Balzer (T 03), praticien canin à Bellerive-sur-Allier, dans l’Allier, a pris la présidence de la Société centrale canine (SCC) suite à la démission de Gérard Thonnat le 18 février dernier. Pour le nouveau président, une sélection réussie passe par la prise en compte de nombreux critères, à la fois esthétiques, comportementaux et médicaux.

Quel est votre parcours au sein de la SCC ?

Lorsque je suis entré à l’école vétérinaire de Toulouse en 1998, j’ai fait comme beaucoup de première année : j’ai acheté un chien. Au sein de l’école, il y avait un club d’éducation et d’ agility. J’y suis allé et mon bouvier bernois a adoré ce sport. J’ai donc naturellement poursuivi le chemin classique de l’adhérent progressivement passionné : découverte puis compétitions d’ agility, premiers examens d’éducateur canin, puis quelques années plus tard formateur pour ces stages. En 2006, j’ai remplacé Jean-Claude Proy comme vétérinaire de la Commission nationale éducation et activités cynophiles (CNEAC) de la SCC. À force de traîner dans les couloirs, j’ai fini par devenir membre de l’association canine territoriale de ma région d’adoption, le Bourbonnais, puis membre du comité de la SCC. J’en suis devenu le vice-président en 2018 et maintenant son président. Entre-temps, ma formation de vétérinaire m’a permis de travailler avec les salariés en charge du pôle santé et ressource génétique de la SCC et d’en intégrer la commission scientifique, qui a pour vocation de répondre aux demandes d’avis médicaux des clubs de race.

Avoir un vétérinaire à la tête de la SCC va-t-il avoir un impact sur les axes de travail de l’organisme ?

Je prends la suite de présidents qui avaient déjà une vision d’avenir pour notre fédération. Je vais donc poursuivre les axes de travail qu’avaient tracés mes prédécesseurs : agir sur la santé des chiens, permettre aux éleveurs d’avoir des outils de sélection fiables et modernes, étendre les formations destinées au monde cynophile… Il est évident que ma formation va certainement placer le bien-être animal, la lutte contre les hypertypes et la recherche scientifique sur l’espèce canine au cœur des efforts de la SCC. J’aimerais avoir la possibilité de contribuer à ce que le chien soit à la fois beau, bon et en bonne santé. Il est important de garder notre système de sélection morphologique par les expositions canines, de conserver la sélection par le travail pour certaines races, mais il faudra aussi être attentif à ne pas tomber dans les exagérations. Par ailleurs, les relations entre les vétérinaires et la SCC se sont nettement améliorées depuis dix ans. Sa collaboration avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) se concrétise depuis de nombreuses années au travers d’Icad1. Le partenariat est intéressant et maintenant fondé sur une confiance réciproque. Par ailleurs, la SCC travaille aussi avec l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) et des relations étroites sont établies entre ces deux entités. J’espère ainsi poursuivre et favoriser ces relations entre les mondes cynophile et vétérinaire, qui sont grandement intriqués.

Quels sont les axes de travail de la SCC pour les années à venir ?

La SCC a pour ambition de fédérer encore plus largement tous les cynophiles. Il est important que chacun puisse y trouver sa place. Un gros travail sera effectué vers les propriétaires et les futurs propriétaires pour les aider dans le choix raisonné d’un chien : quel type de chien choisir pour la vie en famille, quels types d’activité lui proposer, quels engagements cela sous-entend… Il serait intéressant que la SCC puisse prendre toute sa part dans les débats actuels sur la place du chien dans notre société. Au-delà de cet aspect, d’autres axes sont importants comme la lutte contre certaines pathologies favorisées par des abus de sélection ou par des déviances d’origine humaine : hypertypes, maladies génétiques, etc. Le travail débute seulement, mais commence déjà à porter ses fruits. Depuis un an, un nouveau test d’effort est proposé pour certaines races : le Breath (brachycephalic exercice aptitude test for health). Ce test, encadré par un vétérinaire et un expert de la race concernée, est organisé depuis 2020 par les associations canines lors des rassemblements de sélection.

Quelle est la place actuelle du chien de race en France ? Le contexte de pandémie a-t-il changé les choses ?

Le chien de race se porte bien. Le nombre d’inscriptions au LOF [livre des origines français] augmente chaque année doucement. La crise sanitaire a obligé les gens à se recentrer sur eux-mêmes et leur confort domestique. L’animal de compagnie est alors revenu au centre des préoccupations de la maison. On note un engouement pour le chien très net depuis mars 2020. Les éleveurs ont eu des difficultés pour se déplacer (saillies, livraisons, etc.) mais ont pu bénéficier de conditions de vente intéressantes. Peu de chiots restent invendus. Le choix du futur propriétaire est alors plus simple car il est ainsi plus facile de choisir le chien adapté à chacun. Bien entendu, la pandémie a stoppé toutes nos manifestations canines, des expositions aux concours d’utilisation. Cela représente un grand chamboulement dans la vie de tous les passionnés de ces rencontres.

Comment la SCC accueille-t-elle la proposition de loi contre la maltraitance animale2 ?

La SCC est toujours favorable aux avancées concernant le monde animal dans son ensemble. Nous sommes donc parfaitement en accord sur le principe de respect de l’animal et de celui des conditions physiologiques de garde et d’utilisation des animaux. Concernant le chien, nous sommes tout à fait favorables à certaines mesures visant à limiter les ventes d’impulsion, les élevages irrespectueux de la condition animale et les points de ventes illégaux ou sans garanties. En revanche, nous restons vigilants que ces mesures, certes indispensables dans certaines conditions, ne viennent pas à mettre en péril les élevages français de qualité et la biodiversité de nos races canines. En effet, certaines races confidentielles peuvent s’éteindre si des adaptations ne sont pas faites pour ces élevages « de niche ». Il convient aussi d’être très prudent, lors des régulations de vente, de ne pas pénaliser notre production autochtone au profit de chiens issus d’importation. La France est un grand pays cynophile et d’élevage, il est fondamental de bien garder ces richesses.

La SCC peut-elle agir sur les trafics d’animaux ? Comment mettre en avant le travail des éleveurs face à ce phénomène ?

Nous avons alerté notre confrère et député Loïc Dombreval sur l’importance de la régulation des importations de chiens, a fortiori illégales. Nous avons attiré son attention sur les puces difficilement traçables de certains pays d’Europe de l’Est. Il est parfois dans ces cas difficile de tracer la provenance du chiot. Ces importations doivent devenir impossibles pour le respect de ces animaux. Les éleveurs font pour la plupart un travail remarquable de sélection et apportent aux futurs propriétaires toutes les garanties possibles lors de l’achat du chiot. J’aimerais que nous lancions prochainement un travail de sensibilisation du grand public sur ce point pour favoriser l’élevage français.

De plus en plus de tests génétiques sont disponibles : comment la SCC les intègre-t-elle dans sa politique de sélection ?

Les tests génétiques sont une avancée considérable pour la sélection et l’éradication de certaines maladies. Ils sont donc intégrés pour certains dans les pédigrées, permettant à tout sélectionneur de choisir ses futurs reproducteurs. Un programme – LOF Select – permet de visualiser les pédigrées de tous les chiens en France et de simuler les croisements souhaités. Grâce à cet outil, il est désormais possible de s’informer sur les résultats de santé officiels de n’importe quel chien LOF ou encore de prévoir le taux de consanguinité d’une portée. Il est accessible gratuitement pour tous les éleveurs. Au-delà de ces tests, il faut aussi noter tout le travail de sélection sur les autres critères : morphologie, comportement, travail, etc. La SCC collabore aussi à une étude sur la longévité des chiens. En effet, cet aspect est tout aussi fondamental : la durée de vie doit aussi entrer maintenant dans les critères de sélection. Ainsi, les tests génétiques sont des atouts majeurs dans certaines races et pour certaines maladies, mais ils ne représentent pas l’élevage dans son ensemble. C’est simplement un outil supplémentaire mis à disposition. Mais il ne faudra pas tomber dans une sélection médicale, au détriment du plaisir et de tous les autres facteurs aussi importants.

Comment la SCC agit-elle face à la pression des propriétaires pour des chiens à conformation extrême ?

La SCC a une position claire et précise sur ce sujet : nous ne cautionnons en aucun cas les hypertypes. Si ce sujet a pris de l’importance dans les médias depuis quelques années, cela fait plus de dix ans que la SCC alerte ses éleveurs et ses juges sur les méfaits de cette hypersélection. Comme toujours, il est important d’éduquer tous les acteurs face à ces sujets : les éleveurs pour cesser cette production, les vétérinaires pour cesser de permettre certaines reproductions entièrement assistées, les juges pour ne pas mettre en avant ces sujets et bien entendu les propriétaires pour que ces chiens ne soient pas achetés. C’est tous ensemble que nous reviendrons progressivement vers des chiens, bons, beaux et en bonne santé.

1. Icad : Fichier national d’identification des carnivores domestiques.

2. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 5 février 2021, pages 8 à 10, et n° 1887 du 19 février 2021, pages 8 et 9.

BIENTÔT UN TEST COMPORTEMENTAL ?

Alexandre Balzer, alors responsable du pôle santé de la Société centrale canine (SCC), s’est déplacé en Suède en 2017 pour y évaluer le test de comportement pratiqué à grande échelle – plus de 200 000 chiens testés – par le Swedish Kennel Club (société canine suédoise). La SCC déploie actuellement une version française de ce test afin d’intégrer ce nouvel outil aux stratégies de sélection canine. « Ce test permet de façon très standardisée de photographier à un instant T les différents traits comportementaux du chien : peur, caractère joueur, tendance à l’agressivité, etc. », souligne notre confrère. « Il serait alors envisageable de conseiller plutôt telle lignée ou race à un propriétaire à la recherche de tel ou tel profil de chien. »

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