IMPORTATION ILLÉGALE - La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Non sanctionnable, le fait d’importer illégalement des médicaments vétérinaires n’est pas dénué de risques pour son auteur. Bien que relaxant en appel un éleveur condamné en première instance pour importation illicite de médicaments vétérinaires, la cour d’appel requalifie les faits et le condamne pour exercice illégal de la médecine vétérinaire.

Les faits

M. D. est éleveur de volailles. À la fin de l’année 2011, il est arrêté par les services de douanes, revenant d’Espagne avec un véhicule contenant des quantités importantes de médicaments vétérinaires. L’enquête révèle que, depuis 2008, il s’était rendu à plusieurs reprises dans une « venta » espagnole pour se fournir en médicaments, non autorisés en France, sans ordonnance délivrée par un vétérinaire ayant examiné ses animaux. En décembre 2017, le tribunal correctionnel le condamne pour : détention de marchandise réputée importée en contrebande ; importation de médicaments vétérinaires sans autorisation, enregistrement ou certificat ; administration de produit ou substance interdit à des animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine ; transmission d’informations incomplètes sur la chaîne alimentaire par l’exploitant de production primaire animale.

L’arrêt de la cour d’appel

Infirmation du jugement

La cour se fonde sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 octobre 2016. « Les articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) s’opposent à une réglementation nationale qui réserve l’accès aux importations parallèles de médicaments vétérinaires aux distributeurs en gros (…) et exclut de l’accès à de telles importations les éleveurs désirant importer des médicaments pour les besoins de leurs propres élevages. » En conséquence, il est impossible d’imputer pénalement à un éleveur une importation illicite pour les besoins de son élevage alors qu’en infraction avec le droit européen, la réglementation nationale leur interdit l’accès à une telle autorisation (Cour de cassation 5 novembre 2019). L’applicabilité directe des articles 34 et 36 du TFUE impose aux États membres de prévoir une procédure d’importation parallèle simplifiée ouverte aux éleveurs qui souhaitent importer des médicaments vétérinaires pour les besoins de leur propre élevage, que cette modalité n’existe pas en l’état de la réglementation interne.

Remarque : la Commission européenne a adressé, le 30 octobre 2020, une lettre de mise en demeure à la France en raison des obstacles qu’elle impose à l’importation parallèle de médicaments vétérinaires par les agriculteurs.

La Cour de cassation a jugé (arrêt du 5 novembre 2019) que les éleveurs n’étaient pas tenus, en présence d’une réglementation non conforme, de solliciter une autorisation administrative préalable pour l’importation de médicaments vétérinaires. Il n’y a donc pas lieu d’imputer pénalement à M. D. une importation sans autorisation – et la détention qui en est la conséquence – alors que, en infraction avec le droit communautaire, la réglementation nationale lui interdit d’accéder à cette autorisation.

Requalification des faits

Il est établi que M. D. s’est rendu à de nombreuses reprises en Espagne pour acheter des médicaments vétérinaires qu’il administrait aux animaux de son élevage sans en informer son vétérinaire. Les médicaments administrés ne figuraient ni sur le registre d’élevage, ni sur la fiche sanitaire transmise notamment aux abattoirs. Ces médicaments étaient accompagnés d’ordonnances délivrées par un nommé J.M.G., vétérinaire espagnol n’ayant jamais été en contact avec l’élevage de M. D., non inscrit à l’Ordre des vétérinaires en France.

Ce faisant, en exécutant à titre habituel un acte de médecine des animaux, en leur administrant des médicaments, acte expressément réservé aux vétérinaires, M. D. s’est rendu coupable d’exercice illégal de la médecine vétérinaire. Les faits reprochés sont donc requalifiés en exercice illégal de la médecine vétérinaire.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, de leur durée dans le temps, de leurs incidences éventuelles, mais aussi de sa situation personnelle, M. D. est condamné à une peine de 10 000 euros dont 3 000 assortis du sursis.

Source : Arrêt de la cour d’appel de Rennes du 25 février 2021.

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