DES ÉTUDIANTS PEU DIVERSIFIÉS SOCIALEMENT - La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1891 du 19/03/2021

ENV

ANALYSE

Auteur(s) : TANIT HALFON

Un récent rapport de l’Institut des politiques publiques a mis en lumière les inégalités d’accès aux grandes écoles françaises, suivant l’origine sociale et géographique des étudiants, ainsi que le genre. Un manque d’ouverture que l’on retrouve aussi au niveau des écoles nationales vétérinaires.

Quelle démocratisation des grandes écoles depuis le milieu des années 2000 ? » est le titre d’un rapport de l’Institut des politiques publiques (IPP), publié fin janvier. La conclusion : les politiques d’ouverture de ces écoles n’ont pas atteint leur objectif de diversification. Qu’en est-il pour les écoles nationales vétérinaires ? Selon les données du rapport1, les ENV ne font pas exception pour ce qui est de l’origine sociale des étudiants. En 2016-2017, 63 % des effectifs des écoles vétérinaires appartenaient aux catégories socioprofessionnelles (PCS) très favorisées2, un pourcentage similaire à celui des grandes écoles toutes confondues (64 %), alors que 23 % de la population générale3 sont issus de cette catégorie. À l’autre extrême, les étudiants PCS défavorisées ne représentent que 8 % des effectifs des ENV, contre moins de 10 % des effectifs des grandes écoles, alors que cette catégorie englobe 36 % de la population générale. D’un point de vue cinétique, cette tendance de surreprésentation des catégories les plus favorisées, ou de sous-représentation des moins favorisées, est globalement stable dans le temps, même si une baisse sensible des PCS très favorisées a été notée. Ainsi, entre 2009 et 2016, les étudiants PCS très favorisées sont passés de 70 % des effectifs des ENV à 63 % : une réduction qui n’a toutefois pas été profitable aux PCS défavorisées, dont le pourcentage est resté stable autour de 7-8 %. C’est en fait la part des étudiants des catégories PCS moyennes et favorisées qui a augmenté, respectivement de 16 à 18 % et de 7 % à 11 % entre 2009 et 2016.

74 % de filles, 26 % de garçons

En revanche, les ENV diffèrent des grandes écoles en ce qui concerne l’origine géographique des étudiants, qui apparaît assez représentative de la population générale. Ainsi, en 2016-2017, 3 % des effectifs des ENV étaient originaires de Paris, 15 % d’Île-de-France et 82 % hors région francilienne, ce qui colle exactement à la répartition de la population générale. De plus, l’évolution de l’origine géographique entre 2009 et 2016 est légèrement en faveur des régions hors de l’Île-de-France, avec 77 % des effectifs des ENV originaires de départements non franciliens en 2009 contre 92 % en 2016. Un bémol cependant pour l’ENVA qui comptait en 2016-2017, 9 % d’étudiants parisiens, 37 % d’étudiants franciliens et 54 % d’étudiants hors Île-de-France. Par ailleurs, sans surprise, la répartition femmes/hommes est à l’extrême inverse de la tendance globale des grandes écoles caractérisée par une sous-représentation des filles (42 % des effectifs). En 2016-2017, les ENV comptaient ainsi 26 % de garçons et 74 % de filles : dans la population générale, on dénombre 51 % de garçons et 49 % de filles. À noter aussi que les boursiers tout échelon confondu représentaient en 2016-2017, 19 % des effectifs des grandes écoles contre 32,33 % des effectifs des ENV, et 34 % des étudiants bac + 3/5. Un bon résultat pour les ENV à nuancer car 70 % des boursiers sont d’échelons 0, 0 bis et 1, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas issus des familles les plus défavorisées. L’ensemble des résultats présentés ci-dessus se retrouvent au niveau des classes préparatoires – BCPST (biologie, chimie, physique, sciences de la terre) et TB (technologie, biologie) –, qui reflètent, en moins marqué, ce qui sera observé ensuite dans les écoles. Ainsi, en 2016-2017, les classes préparatoires comptaient dans leurs rangs 57 % d’élèves de PCS très favorisées contre 11 % de PCS défavorisées.

Les performances scolaires n’expliquent pas tout

Au-delà de ces données, il est intéressant de s’attarder sur un des constats du rapport : les inégalités d’accès aux grandes écoles ne se justifient qu’en partie par les écarts de performance scolaire4. Ainsi en ce qui concerne l’origine sociale, ces différences expliquent moins de la moitié (41 %) des disparités d’accès entre élèves de PCS très favorisées et de PCS défavorisées. Cécile Bonneau, doctorante en économie à l’École normale supérieure de l’École d’économie de Paris et coautrice de ce rapport, avance plusieurs hypothèses explicatives : phénomènes d’autocensure (freins socioculturels et psychologiques), manque d’informations suivant le lycée d’origine, barrières financières et géographiques. Quelles solutions ? Pour les ENV, le choix a été fait de diversifier les voies de recrutement. Si à la lecture de ce rapport il ressort finalement que l’ouverture des voies B et C n’a pas joué fortement sur la diversification sociale, reste à voir si la nouvelle voie post-bac aura plus d’influence sur l’origine sociale des étudiants recrutés.

1. www.bit.ly/3tqhZlv. Les données ont été fournies par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp, service statistique du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports) et par le Système d’information et des études statistiques (SIES, service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation). Pour accéder aux données, suivre le lien www.bit.ly/3eKNv9K

2. Catégories PCS de la Depp : très favorisées – cadres et assimilés, chefs d’entreprise, professions intellectuelles et professions libérales ; favorisées – professions intermédiaires ; moyennes – employés, agriculteurs, artisans, commerçants ; et défavorisées – ouvriers et personnes sans activité professionnelle.

3. Il s’agit de la population globale des jeunes de 20 à 24 ans.

4. Les performances scolaires correspondent aux notes obtenues aux épreuves écrites du brevet (mathématiques et français).

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