QUESTIONS À CAROLINE GILBERT - La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

PROFESSEURE D’ÉTHOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUÉE À L’ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT (ENVA)

Plusieurs facteurs de risque de morsure ont été identifiés. Que peut-on retenir ?

Certains facteurs de risque font l’objet d’un consensus de la littérature, pour d’autres c’est moins clair. On peut retenir en particulier le sexe du chien, avec les mâles qui apparaissent plus mordeurs que les femelles. Des études analysées, indépendamment des facteurs liés au propriétaire, et quel que soit le pays, les chiens ayant mordu sont pour 75 % des mâles et 25 % des femelles. Il faut aussi souligner que tous ces facteurs de risque sont intimement liés : un chien qui mord est la conséquence d’une conjonction de facteurs.

A-t-on une idée du poids de ces différents facteurs suivant le contexte de morsure ?

Pas du tout, d’autant que dans la littérature, ces contextes1 ne sont pas définis de la même manière. Cela signifie que face à un chien mordeur, il faut analyser le contexte et l’ensemble des facteurs de risque - l’historique de l’animal, ses conditions de vie et relations avec le propriétaire, afin de pouvoir arriver à des hypothèses explicatives de déclenchement de la morsure. C’est du cas par cas. Cette complexité rend d’autant plus difficile le travail de prévention.

Le rapport montre l’importance de reconnaître les signaux émis par l’animal pour limiter le risque de morsure. Comment former à l’apprentissage des signaux, notamment les jeunes enfants ?

Pour les enfants, soyons très clairs : il ne faut jamais laisser un enfant sans surveillance avec un chien. Pour ce qui est des adultes, le vétérinaire a un rôle à jouer dans la sensibilisation au risque de morsure, et il y a un vrai travail à faire en médecine préventive à ce sujet. Très concrètement, la consultation de primo-vaccination peut permettre de vérifier la présence de signaux d’agression, par exemple des grognements, retroussements des babines, morsures à vide, morsures non tenues au cours des interactions avec le vétérinaire. Ces signaux doivent alerter le vétérinaire sur la nécessité de questionner les propriétaires sur les comportements du chien au quotidien. C’est avec ces chiens, qu’il faudra se montrer précis dans l’analyse du risque de morsure - sans oublier de s’assurer de l’absence de processus douloureux ! - ainsi que dans ses conseils.

Pour les autres chiens, bien entendu il faut aussi sensibiliser les propriétaires en parlant d’éducation positive, des conditions de vie… mais la situation est probablement moins urgente en termes de prévention. La consultation pubertaire est utile pour tous les chiens et peut permettre de faire le point sur l’évolution du comportement de l’animal. C’est aussi l’occasion d’indiquer au propriétaire qu’il n’y a pas de liens avérés entre stérilisation et comportement. Soulignons aussi que certains propriétaires ne parlent d’agression que lorsqu’on en arrive au stade de la morsure. Il faut donc être vigilant et le rôle du vétérinaire sera de déplacer les curseurs et ouvrir les yeux sur la réalité des signaux d’agression. L’objectif n’est évidemment pas de stresser ou de culpabiliser les propriétaires, ni de stigmatiser leur animal. Tous les chiens ne mordent heureusement pas.

Le rapport souligne l’importance de l’éducation positive. Quels en sont les points clés ?

Ne pas employer de punition physique, ni être menaçant, agressif, et privilégier l’éducation par récompenses alimentaires ou verbales. Attention aussi à ajuster son comportement quand le chien montre des signes d’agression : il faut s’enlever de la tête que faire céder un animal est utile dans l’éducation ! Cela ne veut pas dire de laisser tout passer et oui, il faut bien entendu toujours montrer son mécontentement à son chien : typiquement lorsqu’il a fait une bêtise, il faut dire « non » !

1. Trois contextes de morsure sont décrits : agression (autoprotection par peur ou douleur et protection de ressources), prédation et jeu. Une morsure peut-être multi-contextuelle.

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