PARTICULARITÉS DU DIABÈTE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT - La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021

ENDOCRINOLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

CONFÉRENCIÈRE

ÉLODIE DARNIS, Dipl. ECVIM-CA, spécialiste en médecine interne, praticienne au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis, Arcueil (Val-de-Marne). Article rédigé d’après une webconférence organisée par le CHV Frégis le 20 octobre 2020

Il existe de nombreuses différences dans l’étiologie, l’épidémiologie et la prise en charge du diabète canin et félin. Des guides pratiques à destination du praticien sont disponibles pour les deux espèces1,2. Il est fondamental d’établir d’emblée une bonne communication avec le propriétaire pour favoriser la réussite du traitement.

Le diabète du chien

Présentation clinique

Chez le chien, le diabète est majoritairement de type I. Son origine est multifactorielle : génétique, dysfonctionnement immunitaire, pancréatite, traitement à base de glucocorticoïdes, maladie de Cushing, gestation, etc. Il se manifeste chez les chiens âgés de 5 à 12 ans. Certaines races sont prédisposées comme le beagle et le spitz-loup.

Les signes cliniques d’appel sont les suivants : présence d’une polyurie qui favorise une polydipsie, d’une polyphagie et d’un amaigrissement (catabolisme augmenté). Les cas de diabète acido-cétosique sont souvent détectés tardivement. Les symptômes sont alors différents : anorexie, vomissements, léthargie.

Le diagnostic se base sur les signes cliniques, la présence d’une hyperglycémie (à plus de 2,2 g/l) et d’une glucosurie. Le dosage des fructosamines conforte le diagnostic mais ce n’est pas un test parfait. Il est en effet influencé par diverses maladies : la fructosaminémie augmente en cas d’hypothyroïdie et d’hyperglobulinémie. Elle est abaissée en cas d’hypoalbuminémie, d’hyperlipidémie, d’azotémie et d’hémolyse. Il faut donc associer sa mesure avec a minima un dosage de la T4 et des protéines totales.

Après avoir établi le diagnostic de diabète, il est nécessaire de rechercher des maladies concomitantes à l’aide d’un bilan hémato-biochimique, d’une analyse d’urine et, selon le contexte, d’une échographie abdominale et d’une mesure de la lipase spécifique.

Importance du choix de l’insuline et d’une alimentation spécifique

Les objectifs du traitement consistent à faire disparaître les symptômes, à réguler la glycémie et à éviter un diabète acido-cétosique et des hypoglycémies. Il est impératif de stériliser les femelles diabétiques et de traiter les maladies concomitantes.

Le choix de l’insuline doit respecter le principe de la cascade. Chez le chien, Caninsulin doit être choisi en première intention selon la conférencière, à une dose initiale de 0,2 UI/kg. En général, un chien est stabilisé avec une dose située entre 0,25 et 0,5 UI/kg.

L’alimentation doit être spécifique : faible teneur en carbohydrates, protéines de bonne qualité, pauvre en matière grasse, riche en fibres insolubles et enrichie en L-carnitine (pour favoriser la conversion des graisses en énergie). La ration doit être fractionnée en deux repas par jour, à heures et quantités fixes, après l’admi nistration d’insuline. Il est important de favoriser l’exercice.

La réalisation d’une courbe de glycémie 7 à 10 jours après le début du traitement est conseillée. Elle s’effectue idéalement à la maison par le propriétaire, qui doit s’équiper du seul glucomètre homologué en médecine vétérinaire (l’AlphaTrak). Les glucomètres humains indiquent parfois de fausses hypoglycémies. Les glycémies se mesurent toutes les 1 à 4 heures – en commençant avant l’injection d’insuline –, sur 12 à 24 heures.

L’objectif est d’obtenir des glycémies situées entre 0,9 et 2,7 g/l, avec un nadir entre 0,8 et 1,5 g/l. La durée d’action entre l’injection d’insuline et la glycémie la plus élevée est idéalement de 12 heures. Elle est trop courte si elle est inférieure à 8 heures – il faudra alors changer d’insuline pour une molécule d’action lente – et trop longue si elle est supérieure à 14 heures – il est conseillé dans ce cas de diminuer la fréquence d’injection ou de choisir une insuline de durée d’action plus courte. L’effet Somogyi, qui peut durer jusqu’à 3 jours, est une hypoglycémie sévère (inférieure à 0,5 g/l) qui induit une hyperglycémie rebond.

Chaque changement de dose est effectué par palier, en augmentant ou diminuant de 10 à 25 % par rapport à la dose initiale. En cas d’hypoglycémie, il faut baisser la dose d’insuline de 50 %.

Il faut refaire une courbe 7 à 10 jours après chaque changement de dose. Si le diabète est stabilisé, un suivi est préconisé tous les 3 à 6 mois selon le contexte.

En cas d’impossibilité de réaliser des courbes de glycémies en clinique ou à la maison, une nouvelle solution est proposée : le FreeStyle Libre3. Il s’agit d’un implant cutané qui mesure en continu le glucose interstitiel. Les valeurs obtenues sont cependant moins précises que des glycémies sanguines pour des valeurs inférieures à 0,9 g/l. Ce capteur fonctionne pendant 14 jours.

Lorsque le diabète n’est pas équilibré, le praticien doit d’abord vérifier avec le propriétaire l’observance du traitement, notamment la technique d’injection et le type de seringues utilisées. Il faut ensuite chercher la présence de maladies concomitantes, notamment infectieuses – une infection urinaire ou simplement du tartre peut entraîner une insulinorésistance –, inflammatoires – maladies rénales chroniques, pancréatite – ou endocriniennes – hypothyroïdie, maladie de Cushing.

Il est important d’informer le propriétaire sur les potentielles complications, notamment les hypoglycémies et les cataractes, constatées chez 80 % des chiens diabétiques plus d’un an après le diagnostic. Le pronostic dépend principalement de la motivation et de la vigilance du propriétaire. La mortalité est élevée durant les six premiers mois (diabète acido-cétosique, pancréatite). À 1 an, 40 % des chiens survivent, et seulement 33 % trois ans après le diagnostic.

Le diabète du chat

Présentation clinique

Chez l’espèce féline, le diabète est majoritairement de type II, résultant d’une sensibilité réduite à l’insuline et d’une diminution de la sécrétion d’insuline par les cellules bêta. Une pancréatite, une acromégalie ou une maladie de Cushing peuvent causer un diabète. Une hyperthyroïdie, une infection urinaire et une maladie rénale chronique peuvent être des facteurs favorisants. La glucotoxicité est une particularité du chat : il s’agit d’un dépôt de substance amyloïde au sein des cellules bêta qui engendre un dysfonctionnement et une toxicité sur ces cellules. Les chats d’âge avancé, mâles, obèses, sédentaires, de race burmese, ainsi que ceux recevant une corticothérapie sont prédisposés au diabète.

Le diagnostic se réalise grâce aux signes cliniques – polyuro-polydipsie, polyphagie, amaigrissement, plantigradie –, et une glycémie supérieure à 1,8 à 2,8 g/l. Chez le chat, le dosage de la fructosaminémie peut aider au diagnostic, car une hyperglycémie de stress est possible. Une mesure concomitante de la T4 est conseillée, ainsi qu’un dosage de l’IGF-1.

Rémission

L’objectif du traitement est d’obtenir une rémission clinique. En 6 mois, 84 % des chats sont en rémission avec un suivi rigoureux et un diagnostic précoce. Cependant, 25 à 30 % d’entre eux récidivent. Chez le chat, la conférencière conseille d’utiliser Prozinc en première intention en raison de sa durée d’action, à la dose de 0,25 à 0,5 UI/kg toutes les 12 heures. L’interprétation des courbes est similaire à celle des chiens. Le suivi est idéalement effectué par la réalisation de courbes de glycémies à la maison. Ces dernières doivent être comprises entre 0,7 à 2 g/l, le nadir doit être situé entre 8 à 12 heures après l’injection d’insuline. Il faut réaliser des changements de dose par palier de 0,5 UI/kg. Le traitement par des hypoglycémiants oraux n’est pas recommandé car il peut empêcher une rémission clinique. Si un propriétaire est réfractaire aux injections, il est absolument nécessaire de le motiver pour qu’il donne un aliment adapté. Une alimentation humide spécifique est à privilégier chez le chat. La ration doit être composée d’un minimum de carbohydrates (pas plus de 12 %). Il est fondamental de faire maigrir un chat diabétique en surpoids car l’obésité est une cause d’insulinorésistance. Il est conseillé de mesurer la quantité journalière à administrer et de répartir la dose sur toute la journée. Après une rémission, il est important de maintenir l’alimentation spécifique pour contrôler le diabète. En cas d’insulinorésistance, il conviendra de rechercher une acromégalie ou une maladie de Cushing.

1. Behrend E., Holford A., Lathan P. et coll., 2018 AAHA diabetes management guidelines for dogs and cats, J Am Anim Hosp Assoc., 2018;54(1):1-21.

2. Sparkes A.H., Cannon M., Church D. et coll., ISFM consensus guidelines on the practical management of diabetes mellitus in cats, J Feline Med Surg., 2015;17(3):235-250.

3. Voir La Semaine vétérinaire n° 1874 du 6 novembre 2020, page 22.

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