LE MICROBIOTE, CLÉ DU RETOUR EN GRÂCE DES GLUCIDES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021

NUTRITION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX

La famille des glucides est loin d’être composée uniquement de « sucres », les fibres en font aussi partie et sont indispensables à la santé digestive.

La tendance actuelle à incriminer les glucides de tous les maux oublie que cette famille de nutriments comporte aussi les fibres sans lesquelles la santé du microbiote, et donc de l’organisme, est compromise.

Un organe à part entière

Le microbiote intestinal est composé de bactéries, mais pas uniquement. Il regroupe aussi des archées, virus, bactériophages, levures et protozoaires. La plupart d’entre eux ne sont pas cultivables, c’est pourquoi il a fallu attendre le développement des techniques de séquençage par polymerase chain reaction (PCR) pour cartographier précisément les microbiotes. Malgré tout, « actuellement, on ignore plus de choses sur les microbiotes que l’on en sait », relève Juan Hernandez, spécialiste en médecine interne, responsable du service de médecine interne d’Oniris. Si l’ampleur du microbiote est connue (1 kg chez l’humain, avec autant de bactéries que de cellules humaines et 150 fois plus de gènes bactériens qu’humains), la découverte de ses capacités métaboliques n’en est qu’à des débuts. Se développe actuellement la notion d’holobionte qui intègre l’organisme (humain ou animal) et ses microbiotes pour tenir compte de leurs multiples interactions. Ainsi, le microbiote intestinal constitue un organe à part entière avec une capacité métabolique équivalente à celle du foie. Il produit des molécules actives à l’échelle de l’organisme (les postbiotiques) et intervient dans de nombreuses voies métaboliques. Les bactéries sont responsables de la digestion des fibres pour lesquelles le corps ne dispose pas des enzymes nécessaires. Ces fibres sont alors qualifiées de prébiotiques puisqu’elles servent à nourrir les bactéries. Elles sont fermentées en acides gras volatils (AGV) qui sont essentiels à la santé intestinale. Ainsi, les colonocytes ne se nourrissent que de butyrate, qui est un AGV produit par le microbiote intestinal. Une nourriture optimale des cellules du côlon nécessite donc la présence de fibres fermentescibles dans l’alimentation. Celles-ci se trouvent dans la famille des glucides au sein des céréales, comme les flocons d’avoine ou l’amidon résistant présent dans le riz refroidi, des fruits, comme la banane ou la pomme, et des légumes. Dans les croquettes pour animaux, les fibres fermentescibles sont souvent retrouvées dans la pulpe de betterave ou de chicorée et dans l’inuline.

Le meilleur levier d’action reste l’alimentation

Si l’intestin, appelé le deuxième cerveau, semble être d’une importance capitale, les moyens d’action actuels sur ce microbiote sont limités. L’administration de probiotiques, intéressante en théorie, peine à faire ses preuves en pratique. La transplantation de microbiote fécal, qui a montré son efficacité dans les infections à Clostridium difficile chez l’humain, est à l’étude chez des chiens souffrant de maladie inflammatoire chronique de l’intestin à Oniris1 : elle aurait une efficacité de 30 %. Pour autant, le meilleur levier d’action disponible facilement à l’heure actuelle reste l’alimentation. Il a ainsi été prouvé que des régimes contenant plus de glucides favorisaient la présence de Faecalibacterium prausnitzii, bactérie ayant des propriétés anti-inflammatoires. Les vilains « glucides toxiques » seraient-ils en fait l’avenir de l’alimentation antiinflammatoire ? Affaire à suivre.

1. Voir La Semaine vétérinaire n° 1791 du 11 janvier 2019, page 22.

DYSBIOSE, L’ŒUF OU LA POULE ?

Si de nombreuses maladies – rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, dépression, schizophrénie, obésité, diabète, Alzheimer, etc. – sont corrélées à des perturbations du microbiote, qualifiées de dysbiose, il n’est pas possible à l’heure actuelle de trancher si celles-ci sont les causes ou les conséquences du trouble observé. Ainsi, si la transplantation de flore de souris obèses à des souris non obèses a provoqué une obésité, la manipulation inverse n’a pas permis le retour à un poids de forme.

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