LA VACCINATION CONTRE LA RHINOPNEUMONIE EST D’UTILITÉ PUBLIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1890 du 12/03/2021

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

JEAN-YVES GAUCHOT, PRÉSIDENT DU RÉSEAU D’ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE EN PATHOLOGIE ÉQUINE (RESPE)

Depuis fin février, le site du Valencia Spring Tour est le siège de cas de HVE1, dont certains très graves avec des symptômes neurologiques, voire des décès. Plusieurs départements en France sont aussi touchés en lien avec le foyer espagnol. À Valencia, on déplore sur place le manque de moyens pour endiguer la propagation de l’épidémie. La coordination européenne et internationale est-elle à revoir à l’avenir pour réagir plus rapidement face à une telle situation ?

Il semble effectivement qu’il y ait eu de sérieuses déficiences, voire de graves manquements sur place en termes de biosécurité et de gestion de cette crise par les différents organisateurs, les moyens vétérinaires mis en œuvre n’ont pas été suffisants. Afin de faire un état des lieux de la situation début mars la FFE a envoyé sur place Anne Couroucé, présidente du conseil scientifique du Respe, afin de faire un point de situation épidémiologique, d’assurer un suivi des chevaux français et d’organiser au mieux leurs retours. Il y a désormais en France quelques cas en lien avec le site de Valence qui viennent se surajouter, sans être dramatiques à ce stade, mais nous restons extrêmement vigilants aux cas habituels de rhinopneumonie qui tournent à bas bruit comme chaque année. Je salue l’initiative des sociétés mères (FFE, SHF, SFET1) d’avoir suspendu les événements sportifs prévus sur le mois de mars.

Plusieurs chevaux et cavaliers français sont bloqués sur place en raison du statut réglementé de la rhinopneumonie en Espagne. Là aussi, pourquoi est-il si difficile d’assurer le rapatriement des chevaux français ?

Vu l’ampleur de cette crise dans un contexte avec plus de 800 chevaux, la contagiosité des herpès virus, une situation sur place avec de graves manquements en termes de biosécurité, des formes neurologiques avec de la mortalité, il était nécessaire de faire un point : afin d’une part d’assurer des conditions de transport sécurisé pour les chevaux présents sur le site de Valencia, mais aussi pour éviter une dissémination dans la filière équine en France. Un protocole de rapatriement a été validé entre l’Espagne et la France, qui devrait permettre le retour de ces chevaux dans les meilleurs délais.

Le Code des courses impose depuis fin 2018 la vaccination contre la rhinopneumonie. Ne devrait-elle pas être rendue obligatoire pour les concours hippiques internationaux ? Quels freins observez-vous ?

Le contexte international de la pandémie de Covid-19 a permis une sensibilisation vaccinale. Les épisodes récurrents d’herpèsviroses dans la filière équine sont des éléments qui permettront dans les mois qui viennent de faire évoluer l’obligation de la vaccination contre les herpèsviroses. En termes de coût et de balance bénéfices-risques, l’épisode de Valencia fera date, comme il y a quelques décennies l’épisode d’influenza équine sur le continent australien. Dans l’urgence également, il se pourrait que l’on doive faire face à une rupture d’approvisionnement en vaccins, les laboratoires ont un peu de stocks-tampons. Un autre point de vigilance que relèvent les épidémiologistes et les chercheurs du laboratoire Labéo Frank Duncombe, proches du Respe, c’est qu’il serait bien que les laboratoires travaillent sur une production régulière des vaccins et surtout à de nouveaux pouvant offrir une meilleure protection contre les formes neurologiques.

En France, chaque année, des foyers de rhinopneumonie sont aussi recensés. Ces épizooties touchent principalement la filière des chevaux de sport, en raison des nombreux rassemblements hippiques, mais n’est-ce pas aussi le constat de précautions sanitaires insuffisantes et d’une population équine insuffisamment vaccinée ?

La dernière épizootie de HVE remonte à 2018 pour la France. Concernant la vaccination, les sociétés mères des courses ont montré la voie. Que ce soit au niveau international ou national, la vaccination contre la rhinopneumonie est d’utilité publique pour la filière. Avec l’impulsion du Respe, la filière sport devra s’organiser pour imposer la vaccination. Par ailleurs, la récente mise en place par l’État des visites sanitaires obligatoires équine (VSOE) est un moyen efficace pour aborder les notions de biosécurité et les prophylaxies médicales. En France, la filière dispose d’un formidable outil de sensibilisation, de surveillance des maladies équines avec le Respe. Ce réseau, dont l’originalité est la gouvernance partagée entre tous les acteurs, s’appuie sur un réseau de plus de 950 vétérinaires sentinelles, à même d’accompagner les professionnels mais aussi les particuliers. Ces derniers faisant la spécificité de cette filière animale, car il s’agit d’une population d’équidés souvent peu médicalisés pouvant être source de diffusion de maladies et dont, parfois, seul le vétérinaire est en mesure de porter à la connaissance de ces détenteurs les bonnes pratiques. Dans les semaines qui viennent, avec le démarrage de la saison de monte, les centres de reproduction seront des points critiques où les mesures devront être renforcées : vaccination, traçabilité, dépistage éventuel, biosécurité.

1. Fédération française d’équitation (FFE), Société hippique française (SHF), Société française des équidés de travail (SFET).

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