VISITE D’ÉLEVAGE POUR UN ÉPISODE AIGÜ D’EHRLICHIOSE - La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIERE

MARIE-ANNE ARCANGIOLI, Université de Lyon, VetAgro Sup, médecine de populations.

Article rédigé d’après la conférence Une visite d’élevage pour répondre à un épisode aigu d’ehrlichiose compliquée d’une « hémoplasmose », présentée lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.

La visite d’élevage présentée ici1 avait pour objectif d’accompagner un éleveur de vaches laitières dans le cadre de sa transition vers un système hors-sol avec un robot de traite et une aire d’exercice limitée. Ce nouveau type d’élevage a été imaginé pour résoudre définitivement les problèmes de bactérioses sanguines, d’origine vectorielle, et de reproduction des animaux.

En 2018, l’éleveur a constaté le décès de sept adultes dans son élevage : mort directe ou euthanasie (arthrite, mammite incurable), conduisant à des pertes économiques importantes. Outre la hausse des frais vétérinaires - de 7 000 euros annuels à plus de 16 000 -, les performances de production n’étaient pas satisfaisantes, avec un intervalle vêlage-vêlage qui est passé de 415 jours à 475 jours (données BDIVet) et la survenue de deux avortements. De plus, la production laitière a été fortement affectée - nombreuses mammites, augmentation des taux cellulaires - même si la fertilité est restée correcte (présence d’un taureau dans l’élevage) et que le taux de gestation, faible à 20 jours (36 % vaches et 50 % génisses), était bon à 90 jours. Enfin, sur l’année 2018, 10 animaux avaient présenté des problèmes d’hyperthermie. À l’analyse, la sérologie Lyme était positive, deux PCR étaient positives pour Anaplasma phagocytophilum et trois pour Mycoplasma wenyonii.

L’intérêt de la production hors-sol

C’est pourquoi, après avoir beaucoup dépensé dans la prévention anti-arthropodes et insectes, l’éleveur a sollicité une visite vétérinaire pour évaluer les risques et les intérêts du passage de l’élevage en système hors sol. À l’analyse des documents, les vétérinaires ont constaté que le rapport du taux butyreux sur le taux protéique du lait du tank (TB/TP) était stable et satisfaisant - autour de 1,3. Toutefois, les taux de matière utile atteints au cours de l’année n’atteignaient jamais le niveau des objectifs de l’éleveur - TP attendu à 34 g/L et TB limité à 40 -, l’alimentation n’était donc pas encore parfaitement maîtrisée. Cependant, les valeurs hivernales étaient plus stables, révélant qu’elle était mieux maîtrisée hors pâturage. Ce facteur devrait, selon eux, faciliter l’adaptation de la production au hors-sol. En outre, les performances de reproduction relevées ne sont pas satisfaisantes. Alors que la fertilité semble correcte sur le bilan du centre d’insémination avec 1,64 Insémination artificielle/première IA (IA/IAP), la différence entre l’intervalle vêlage-IAP (179 jours) et l’intervalle vêlage-IA fécondante (205 jours) montre que ce taux est plus proche de 2. Or, comme les résultats de non-retour en chaleur à 90 jours sont bons (64 %), les vétérinaires ont estimé que les résultats faibles à 120 jours (36 %), certes surprenants, pourraient s’expliquer par la présence d’un taureau dans l’élevage et un problème de détection de chaleurs ou un problème de résorption embryonnaire.

Des bâtiments à repenser

Lors de la visite, les risques du bâtiment ont également été évalués. Ils ont permis de constater qu’en l’état, le confort des vaches n’était pas garanti, limitant leur repos et leur accès à une alimentation correcte. Dans la prévision de réaménagement, des espaces devaient être redistribués entre les génisses et les vaches taries pour laisser un accès suffisant aux cornadis. De plus, la présence d’une mélangeuse et d’un robot de traite devait permettre de prévenir l’hétérogénéité du troupeau (note d’état corporel, fèces, remplissage du rumen). En effet, deux mesures de beta-hydroxybutyrate réalisées sur des vaches fraîches vêlées ont révélé un état de sub-cétose (>= 1,5 mmol/l), et les fibres dans les bouses indiquaient que la digestion et/ou l’assimilation ruminale de la ration n’étaient pas satisfaisante.

Le risque parasitaire

Parmi les conseils complémentaires, les vétérinaires ont enfin insisté sur la gestion des vecteurs parasitaires. Ainsi, les génisses sont encore mises dehors, sur les pâtures éloignées qui auraient été principalement impliquées dans la contamination des premiers animaux en 2018, et il était prévu d’y mettre les vaches taries. La visite d’élevage a donc été l’occasion d’insister sur la nécessité de ne pas laisser les vaches en fin de gestation pâturer sur ces terrains, du fait du manque de surveillance et de l’effet désastreux d’une hyperthermie sur la fin de gestation. De plus, les génisses, si elles rentrent infectées ou si elles hébergent des vecteurs, peuvent rapporter des bactéries sanguines au troupeau en retour de pâture. Pour gérer ces parasites temporaires, l’éleveur devra donc mettre en place un insecticide externe sur les taries et les génisses avant leur retour des pâtures éloignées et surveiller les abords de « l’aire d’exercice ».

1. Visite réalisée par des étudiants de VetAgro Sup encadrée par Marie-Anne Arcangioli dans un élevage suivi par Roland Van Unen et Sébastien Davrou, cabinet des Vingtains à Saint-Germain-Laval (Loire)

EHRLICHIOSE ET MYCOPLASMOSE, LES ÉLÉMENTS MAJEURS À CONNAÎTRE

En ce qui concerne l’ehrlichiose1 à Anaplasma phagocytophilum, la transmission de la bactérie se fait par morsure de tique et/ou piqûre de mouche, à partir d’un animal infecté. Il existe un réservoir dans la faune sauvage mais aussi, selon les données récentes, chez les bovins eux-mêmes. La maladie se traduit par une baisse majeure d’immunité : leucopénie majeure, thrombocytopénie et hyperthermie souvent sans symptômes.

La mycoplasmose à Mycoplasma wenyonii, quant à elle, est due à une petite bactérie sanguine, qui se transmet par transfert d’un sang infecté à un animal sain, par la tique, la mouche ou l’aiguille et dont le réservoir est inconnu. La bactérie génère une destruction de globules rouges par la rate accompagnée d’une hyperthermie et d’une hypoglycémie, avec une cyclicité d’environ 5 semaines (délais de multiplication), répétée 2 ou 3 fois.

Par conséquent, l’épisode décrit dans l’élevage étudié ici, conjuguant mammites, chute de production, arthrites (germes non spécifiques) et avortements, est très semblable à ce qui a été précédemment décrit2 dans un cheptel laitier co-infecté par ces deux germes, même si dans ce cas il n’a pas été noté de phénomène d’anémie.

1. Devos J. et Arcangioli M.-A., L’ehrlichiose granulocytaire bovine, Le Point Vétérinaire n° 349 du 1er octobre 2014, pages 60-64.

2. Lebœuf C. et Pouliquen H., Infection d’un cheptel laitier par Mycoplasma wenyonii : 2e description en France, Le Point Vétérinaire n° 379 du 1er octobre 2017, pages 54-58.

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