RUPTURE D’APPROVISIONNEMENT DE MÉDICAMENTS : LE CASSE-TÊTE VÉTÉRINAIRE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL

La pénurie sur certains médicaments est devenue monnaie courante pour les praticiens. Ils doivent donc s’adapter pour prendre en charge le plus efficacement possible leurs patients. Comment perçoivent-ils ce phénomène ? Quelles solutions adoptent-ils ?

C’EST DEVENU DU COMMERCE

VINCENT THOMAS (L 84)

Vétérinaire canin à Besançon (Doubs)

Quand je regarde mon bon de livraison, sur 50 produits commandés, 25 sont indiqués en rupture. On nous avait promis, juré, craché que l’on aurait du Semintra en décembre. Or, à Noël, rien. En janvier, rien non plus, et rien début février. Ce que j’aimerais c’est que les laboratoires nous disent vraiment quand ils fabriquent, où ils fabriquent et que l’on ait des dates précises sur les ruptures, et non un bon de livraison avec d’hypothétiques promesses repoussées de semaines en semaines. Toutes les gammes sont concernées, jusqu’aux aliments, preuve que ce n’est pas un problème de qualité ou de matières premières, c’est plutôt l’endroit où l’on fait fabriquer. C’est devenu du commerce et ça pose de vrais problèmes d’exercice. Il faut parfois trouver un pharmacien compréhensif qui puise dans l’humaine, refait les dosages et les conditionnements, mais très peu d’officines le font.

ON DÉPLORE UNE DIMINUTION DE L’ARSENAL THÉRAPEUTIQUE

JÉRÔME RUBON (T 04)

Vétérinaire mixte à Saint-James (Manche)

C’est clairement un problème. Et on ne le vit pas très bien. En rurale, on a des ruptures sur des molécules uniques. Je peux comprendre les arrêts de production, mais je ne les accepte pas sans explication. L’arrêt de certaines molécules diminue notre arsenal thérapeutique et les ruptures temporaires engendrent forcément un report sur les concurrents et un effet de rupture en cascade, dû au stockage des cliniques. On le voit sur la pénicilline, les vaccins, etc. On l’a connu sur des vaccins de rhinopneumonie, alors on est à l’affût de ces possibles ruptures pour nous protéger au sein de la structure. Et on va commander 25 flacons au lieu de 4 habituellement. En rurale et en équine, cela impacte 10 % à 15 % de notre arsenal thérapeutique.

IMAGINER DES MÉCANISMES DE RÉGULATION

DAVID LAFAY (T 96)

Vétérinaire mixte à La Châtre (Indre)

Stocker est illusoire, on ne sait jamais sur quoi va tomber la rupture. Et ce sont des denrées périssables, parfois livrées avec des durées de péremption à moins de 6 mois, alors, à notre échelle, nous venons de demander à notre centrale d’imaginer des mécanismes de régulation. Nous avons établi une liste d’une dizaine de produits, dont les ruptures sont sensibles sur le terrain. Un genre de stock-tampon sur des périodes critiques. Des produits sans lesquels, s’ils nous manquent à l’instant T, nous ne pourrons pas soigner correctement les animaux ni organiser efficacement les protocoles d’élevages. Comment cela va-t-il se mettre en place ? Pour le moment, on l’ignore, le logiciel ne sait pas trop faire ça… C’est une gymnastique intellectuelle, mais nous sommes un petit groupe, homogène, nous faisons tous la même chose, au même moment, et travaillons tous avec la même centrale, alors on espère pouvoir faire bouger les choses.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr