« NOUS ESPÉRONS UNE PROCHAINE PROPOSITION DE LOI SPÉCIFIQUEMENT CONSACRÉE AUX ANIMAUX D’ÉLEVAGE » - La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021

PROTECTION ANIMALE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) a mené du 22 février au 2 mars une campagne de communication dans les grandes villes1 pour sensibiliser sur l’abattage des animaux sans étourdissement, sujet qu’elle porte depuis longtemps. Décryptage avec Frédéric Freund, son directeur.

Ce type de communication est inédit, pourquoi avoir choisi ce format ? D’autres initiatives vont-elles prendre le relais dans les mois à venir, notamment par le biais de campagnes numériques ?

Le sujet de l’abattage sans étourdissement est toujours compliqué à aborder et nombre de journalistes préfèrent des sujets plus consensuels, comme nos politiques d’ailleurs. Une campagne d’affichage a le mérite de faire passer l’information au plus grand nombre, en particulier les consommateurs. Elle est relayée par une campagne digitale sur les réseaux sociaux durant deux mois grâce à un prestataire spécialisé et devrait toucher plus de 10 millions de personnes. Nos concitoyens sont de plus en plus attentifs au bien-être animal et toujours en attente d’informations sur les conditions d’élevage et d’abattage. Le visuel avec notre message est de nature à susciter leur réflexion : aujourd’hui, 62 % des abattoirs de boucherie pratiquent l’abattage sans étourdissement !

En décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a clairement précisé qu’un État membre pouvait, au nom du bien-être animal, imposer l’étourdissement des animaux lors d’abattages rituels. Dans les faits, ce jugement est-il un tournant en France ? En Europe ?

Cet arrêt de la plus haute instance juridictionnelle européenne rappelle d’abord qu’un consensus scientifique s’est formé quant au fait que l’étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l’animal au moment de sa mise à mort. Il poursuit ensuite avec une déduction juridique : des considérations de protection animale peuvent légitimer une norme imposant cet étourdissement lors d’abattages rituels, du moment que la technique utilisée est réversible et ne tue pas l’animal. Désormais, le Gouvernement français ne pourra plus soutenir qu’une intervention normative est impossible au nom de la liberté de culte puisque la CJUE considère que les États membres peuvent parfaitement légiférer sur la pratique des abattages rituels. Ce faisant, si la France ne fait rien, c’est qu’elle ne veut rien faire…

La proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale met en lumière la place de l’animal dans nos sociétés. Qu’attendez-vous des prochaines étapes ?

Il est certain que cette proposition de loi était attendue par nos concitoyens et par les ONG de protection animale. Mais le compte n’y est pas. Les animaux d’élevage sont les grands oubliés du Parlement. Il est inconcevable que toute la réglementation relative à l’élevage, au transport et à l’abattage de ces animaux soit de la compétence exclusive du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation2. Les représentants du peuple doivent reprendre la main sur ces questions qui font régulièrement débat. Nous espérons donc une prochaine proposition de loi (PPL) spécifiquement consacrée aux animaux d’élevage. On leur prend leur vie pour nourrir une grande partie de la population. Ils méritent bien autant de temps parlementaire que les chiens et les chats.

1. www.bit.ly/2MzzzU9

2. Voir les dispositions de l’article L. 214-3 du Code rural et de la pêche maritime.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr