LA RÉMANENCE OVARIENNE : ORIGINE ET DIAGNOSTIC - La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021

REPRODUCTION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

CONFÉRENCIÈRE

LAETITIA JAILLARDON, Dipl. ECVCP, maître de conférences en pathologie clinique, responsable LDHVet (LabOniris).

Article rédigé d’après une présentation faite au e-congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) en décembre 2020.

La rémanence ovarienne est la réapparition des signes de chaleurs chez des femelles stérilisées. Elle surprend toujours les propriétaires, qui ont tendance à remettre en cause les compétences du vétérinaire. Son incidence est inconnue. Au laboratoire LDHVet/ LabOniris, entre 300 et 500 cas sont observés chaque année. Lors d’une stérilisation, il convient de toujours mentionner ce risque sur le consentement éclairé.

Étiologie

Environ 50 % des cas de rémanence ovarienne sont dus à la persistance d’un résidu ovarien lors de la stérilisation. Il peut s’agir soit d’un fragment microscopique laissé en place, soit d’une réimplantation de quelques cellules ovariennes sur le péritoine ou l’utérus par les gants ou un instrument chirurgical. Dans les deux cas, le résidu ovarien grandit en quelques mois sous l’action trophique d’hormones (LH, FSH) et de facteurs de croissance (IGF1)1.

Des causes iatrogènes sont également fréquemment observées : il peut s’agir d’une ingestion accidentelle par l’animal de traitements hormonaux pris par une personne à son contact, d’une intoxication passive - les personnes traitées sécrètent des stéroïdes sexuels dans leur sueur par exemple -, ou encore d’effets secondaires de certains médicaments, notamment pour traiter une incontinence urinaire, une alopécie de castration ou une galactorrhée.

Une origine également courante, notamment chez la chatte, est la production de stéroïdes sexuels par les glandes surrénales. D’autres causes existent, bien que beaucoup plus rares : présence d’un ovaire surnuméraire, dédifférenciation de la bourse ovarique, métastases sécrétantes d’origine ovarienne ou hypersécrétion de prolactine par exemple. Des vaginites par insuffisance œstrogénique peuvent induire un excès de production de phéromones, mimant des signes d’œstrus (œdème vulvaire, attirance des mâles).

Recueil de l’anamnèse

Il est nécessaire de connaître les conditions de la stérilisation - intervention de convenance ou en raison d’une tumeur, lésions sur l’utérus, ovariectomie ou ovario-hystérectomie, exérèse de la bourse ovarique, âge de l’animal au moment de la stérilisation - et les antécédents de l’animal - trouble du cycle avant la stérilisation, traitements en cours. Le délai entre la stérilisation et l’apparition des signes de pseudo-chaleurs est une notion importante : lorsqu’ils interviennent immédiatement après la chirurgie, cela est dû à une libération excessive d’hormones suite à l’intervention, les symptômes disparaissent alors en 5 à 6 semaines ; quand ils surviennent plusieurs années après la stérilisation, cela oriente vers une augmentation de la production des stéroïdes sexuels par les glandes surrénales ; si l’apparition est progressive sur plusieurs mois, cela est en faveur de la persistance d’un résidu ovarien.

Il est nécessaire d’interroger le propriétaire sur les signes cliniques observés : changement de comportement, œdème de la vulve, attirance des mâles, saignements vulvaires, présence d’une lactation. À titre d’exemple, un saignement sans attirance des mâles peut évoquer une lésion non gonadique de l’appareil génital.

Il convient de noter les dates précises d’apparition des symptômes pour objectiver la cyclicité. Celle-ci ne permet pas à elle seule de conclure à la présence d’un résidu ovarien car les sécrétions surrénaliennes ou l’hypersécrétion de prolactine peuvent entraîner également une activité cyclique. Enfin, il ne faut pas oublier de questionner le propriétaire sur la prise éventuelle d’un traitement hormonal par une personne en contact avec son animal.

Examens complémentaires

La première étape du diagnostic après l’examen clinique est de réaliser un frottis vaginal. Il permet d’exclure ou de confirmer la présence d’une vaginite et de rechercher les signes d’une imprégnation hormonale. En cas d’anœstrus chez un animal ayant des signes de pseudo-chaleurs, la présence d’un résidu ovarien et la production ectopique de stéroïdes sexuels peuvent être écartées. Une hyperprolactinémie doit être suspectée dans ce cas.

En cas d’imprégnation hormonale de nature œstrogénique et/ou progestagénique, il convient d’en établir l’origine - attention, le frottis est souvent différent de celui habituellement observé chez une femelle entière. Il est conseillé alors de commencer par réaliser un dosage sanguin de l’hormone anti-müllerienne (AMH) et de la progestérone. L’AMH est une hormone produite exclusivement par les gonades chez l’adulte. Elle est élevée en pré-œstrus, puis sa concentration diminue lors de la lutéinisation et au moment où la concentration en progestérone augmente. Une valeur détectable d’AMH de façon concomitante avec une progestéronémie normale ou élevée permet donc de démontrer la présence d’un résidu ovarien, même en dehors des signes de chaleurs. Cependant, dans environ 5 % des cas, ces dosages ne sont pas concluants - valeurs limites ou en discordance avec le frottis vaginal. Il est alors nécessaire de mesurer la concentration en estradiol et en progestérone dès que les signes de pseudo-chaleurs apparaissent. Trois cas de figure sont possibles :

- Concentrations en estradiol et en progestérone faibles : cela indique une absence de résidu ovarien. Une exploration des glandes surrénales est à envisager : test de stimulation à l’ACTH avec dosage des stéroïdes sexuels.

- Concentrations en estradiol et en progestérone élevées : cela permet de conclure à la présence d’un résidu ovarien.

- Concentration en estradiol élevée et en progestérone faible : plusieurs origines sont possibles - production ovarienne, ectopique ou iatrogène. Il faut alors réaliser un suivi de l’AMH, de l’estradiol et de la progestérone sur plusieurs jours à plusieurs semaines pour mettre en évidence une augmentation de l’AMH ou de la progestérone (témoins de la présence d’un résidu ovarien). La mise en place du protocole suivant est conseillée :

1. Doser les concentrations sanguines d’estradiol et de progestérone dès que les signes de pseudo-chaleurs apparaissent,

2. Induire la lutéinisation par injection d’hCG2 (analogue de LH, 50 UI/kg en IM),

3. Et 7 (chez la chatte) à 10 (chez la chienne) jours plus tard, doser la progestéronémie. Si celle-ci augmente, un tissu ovarien est présent. Le test peut ne pas être concluant dans le cas où le résidu ovarien n’a pas eu le temps de croître suffisamment. Dans certains cas, la lutéinisation ne peut être mise en évidence qu’après deux ou trois cycles de rémanence ovarienne. Les tests rapides LH, disponibles en clinique chez la chienne, évaluent également le statut gonadique mais, comme tout test diagnostic, il existe des faux positifs et des faux négatifs. Le principe est qu’en l’absence de tissu ovarien (femelle stérilisée), la concentration en LH augmente (absence de rétrocontrôle négatif) mais elle diminue avec le temps. Il est donc possible d’obtenir une concentration en LH faible chez une femelle stérilisée. Attention, la LH est élevée lors d’œstrus, il faut donc réaliser ce test en dehors des périodes de pseudo-chaleurs.

Conduite à tenir

Lors de la présence avérée d’un résidu ovarien, une intervention chirurgicale doit être effectuée. Chez la chatte, la présence de multiples îlots de cellules ovariennes sur le péritoine et l’utérus peut être observée. Chez la chienne, notamment de grand format et grasse, ce n’est pas facile. Il est conseillé de retirer l’utérus et de cautériser toute lésion visible ainsi que le col, notamment lors de métrorrhagie. En ce qui concerne les autres causes de pseudo-chaleurs, le traitement dépend de l’origine. L’administration de progestatifs pour arrêter les chaleurs est déconseillée car elle favorise les affections de l’utérus et des mamelles. L’administration de dopaminergiques et la pose d’implant de desloréline ont un effet variable. Il n’y a pas d’études concernant les conséquences de ces traitements répétés.

1. LH = luteinizing hormone. FSH = follicle stimulating hormone. IGF-1 = insulin-like growth factor-1.

2. hCG = human chorionic gonadotropin.

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