« C’EST TOUT LE MODÈLE SOCIÉTAL QUI DOIT ÉVOLUER » - La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1889 du 05/03/2021

DOSSIER

TÉMOIGNAGE DE LAURENCE CRENN (ALFORT 2003), VÉTÉRINAIRE EN CANINE À LONS-LE-SAUNIER (JURA)

La conciliation entre vie professionnelle et vie privée fait-elle partie des thèmes abordés dans le Collectif vétérinaire féministe que vous avez cofondé ?

Oui, car de nombreuses études sociologiques montrent qu’encore actuellement ce sont les femmes qui assument la majorité des tâches familiales et domestiques. La profession vétérinaire ne fait pas exception. Le collectif veut agir pour l’égalité femme-homme et cela passe par la déconstruction des stéréotypes de genre. Cela permettra d’améliorer la répartition des charges domestiques au sein d’un couple.

Avancer sur ce sujet suppose donc un changement de mentalité ?

Les vétérinaires ont souvent des semaines bien remplies, d’autant plus quand ils sont libéraux et/ou s’ils doivent assurer en plus des astreintes. Avoir un conjoint vétérinaire permet peut-être une meilleure compréhension de ces contraintes chronophages, mais pour autant conjuguer les plannings de deux vétérinaires en couple reste une gageure. Je crois que c’est tout le modèle sociétal qui doit évoluer. La vie professionnelle ne devrait être qu’un pilier de la vie parmi d’autres, avec la vie familiale, les loisirs, la vie associative, etc. Avoir plus de temps libre et d’autres secteurs d’épanouissement conduirait sans doute à faire baisser le nombre de burn-out ou de réorientations professionnelles.

Que faudrait-il changer dans l’organisation et avec quel financement ?

La permanence et la continuité de soins (PCS) pèsent souvent lourd sur la vie familiale, surtout pour nos consœurs et confrères en rurale où il est difficile de déléguer à d’autres structures. Selon moi, l’avenir est dans des solutions collectives. Par exemple, le modèle des structures spécialement dédiées aux urgences, avec des vétérinaires qui n’ont pas à enchaîner travail de jour et travail de nuit, existe déjà en canine dans de nombreuses grandes villes. Je pense qu’on pourrait imaginer des fonctionnements de ce type en milieu semi-rural ou rural. Pour y rendre une organisation similaire rentable, il faudrait obtenir une aide financière de la part des collectivités territoriales : elles ont en eff et tout à gagner à maintenir un maillage vétérinaire local. D’autres solutions sont également envisageables pour permettre un meilleur équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle, tels le congé parental ou les modes de garde.

Personnellement, comment vous en sortez-vous ?

Je suis seule associée avec une collègue vétérinaire salariée, en activité canine. J’ai deux enfants de 8 et 12 ans. Mon conjoint part travailler à l’extérieur en semaine. J’ai mis en place une organisation « millimétrée », qui roule plutôt bien actuellement. L’avantage de mon statut de libérale, c’est que j’ai la chance de m’accorder pour le moment entre 7 à 8 semaines de vacances par an. Ayant choisi de travailler moins, je gagne naturellement moins. Mais du coup, c’est peut-être également l’occasion de poser la question de la valorisation de nos actes ?

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr