MAILLAGE VÉTÉRINAIRE RURAL : DES CONTRAINTES RÉGIONALES SPÉCIFIQUES - La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1888 du 26/02/2021

ENQUÊTE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MATHILDE CHERVET*, AURORE LELEU**, CÉLINE PINSARD***, ELISA RAPENNE****, CHARLINE TENAUD*****, CLOTHILDE BARDE******

Fonctions :
*inspectrices élèves de la santé publique vétérinaire (ENSV)

Face à la fragilité du maillage vétérinaire en zone rurale, une étude a été menée par cinq étudiantes de l’École nationale des services vétérinaires afin de proposer des pistes de réflexion pour son amélioration en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et plus particulièrement sur la zone du parc national régional des Préalpes d’Azur.

Malgré de nombreuses études sur la question, les solutions semblent difficiles à trouver, ou à mettre en place, pour maintenir la permanence et la continuité des soins vétérinaires dans chaque territoire rural. C’est pour tenter de répondre à ces multiples enjeux qu’une étude bibliographique et 18 entretiens semi-directifs d’acteurs issus des mondes vétérinaires et de l’élevage, ainsi que des collectivités territoriales, commandités par le groupement technique vétérinaire Provence-Alpes-Côte d’Azur (GTV PACA) et le parc naturel régional (PNR) des Préalpes d’Azur, ont été menés par cinq étudiantes de l’École nationale des services vétérinaires (ENSV).

Ainsi, en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), le maillage vétérinaire est peu dense. Comme l’ont constaté les auteures de l’étude, les départs en retraite récents de vétérinaires ruraux sont venus bousculer l’équilibre fragile de la région, et l’attractivité globale de la zone semble être un frein à l’installation et au maintien de vétérinaires. En effet, la densité d’élevage est faible et la topographie du territoire complexe, avec des reliefs montagneux, des vallées parfois très isolées et un réseau routier peu dense. Les longs temps de trajet et l’élevage majoritairement ovin et extensif ne sont pas favorables à la rentabilité de la médecine vétérinaire rurale. L’entretien d’une activité canine parallèle paraît donc indispensable pour compenser ce manque à gagner, l’activité rurale étant chronophage et peu rémunératrice. Pourtant, c’est bien l’offre de médecine rurale qui vient à manquer : les vétérinaires de la zone sont donc face à un dilemme. De plus, comme l’ont permis de constater les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude, la demande des éleveurs en soins vétérinaires est hétérogène : si certains manifestent leur désir d’obtenir du conseil et du suivi d’élevage, beaucoup souhaitent seulement disposer d’un vétérinaire disponible pour assurer les urgences et les prophylaxies.

Redéfinir la relation vétérinaire-éleveur

Face à cette situation, les auteures préconisent tout d’abord de repenser la relation entre le vétérinaire et l’éleveur. Cela implique d’évaluer les besoins réels des éleveurs en rapport avec les organisations professionnelles agricoles. Il serait souhaitable de « réussir à les impliquer au développement de solutions conjointes en valorisant le conseil et la médecine préventive, ainsi qu’en communiquant sur le conventionnement et la contractualisation. Il s’agit surtout d’instaurer un partenariat durable entre l’éleveur et son vétérinaire », indique le rapport. Au cours des discussions, la piste de l’ouverture d’un cabinet secondaire a également été explorée mais elle ne répondait pas aux attentes des éleveurs pour la gestion des urgences, puisque le cabinet, qui prévoyait de n’ouvrir qu’un à deux jours par semaine, n’aurait pas été rentable pour les seules activités rurales ni viable pour un vétérinaire seul, notamment à cause des gardes. De même, « l’idée de disposer d’un camion aménagé permettant de limiter les frais fixes liés à la possession d’une clinique a été envisagée mais rejetée car cela pourrait s’apparenter à de la médecine ambulante, non autorisée à ce jour dans le Code de déontologie vétérinaire », relèvent les auteures de l’enquête. D’autre part, le rapport souligne que le soutien des collectivités territoriales et de leurs groupements est indispensable. À cet égard, davantage de compétences en matière de développement de projets locaux leur sont accordées par la nouvelle loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (Ddadue) en date du 3 décembre 2201. Les collectivités éligibles pourront alors participer au maintien et à l’installation de vétérinaires ruraux dans les « déserts vétérinaires » grâce à des aides financières ou par la mise à disposition de locaux. La loi prévoit aussi que ces dispositifs bénéficient aux étudiants vétérinaires lors de stages (aides au logement et au déplacement), ou encore au projet professionnel en échange d’un engagement à exercer sur la zone pendant cinq ans2. Toutefois, sur le terrain, au sein même des collectivités territoriales et de leurs groupements, « certains ne semblent pas connaître les nouvelles possibilités qui pourraient leur être confiées lors de la mise en place du dispositif prévu par la loi Ddadue ». Il apparaît donc essentiel de les sensibiliser à la faiblesse du maillage vétérinaire sur le territoire des Préalpes d’Azur et aux possibilités d’action concrètes localement.

Sensibiliser dès la formation

Enfin, pour un maillage vétérinaire qui se maintient dans la durée, il est essentiel de favoriser l’attractivité du territoire et de le faire connaître aux jeunes vétérinaires. C’est pourquoi, les auteures recommandent d’agir au sein des écoles en y sensibilisant les enseignants et en faisant la promotion de la région auprès des étudiants vétérinaires. Cela peut consister à faire intervenir des vétérinaires locaux via des conférences thématiques ou encore à proposer des offres de stages et des logements pour les jeunes souhaitant expérimenter la pratique dans la région. En effet, en région PACA, le tutorat, ouvert aux étudiants en cinquième année de formation dans l’une des quatre écoles nationales vétérinaires françaises, n’est pas adapté aux spécificités du territoire, souligne le rapport. En effet, les vétérinaires ruraux exercent majoritairement seuls et, l’activité rurale bovine étant trop faible, les structures de la région ne correspondent pas aux critères permettant d’être accrédité et d’accueillir des étudiants en tutorat.

La problématique du maillage vétérinaire en PACA s’illustre donc actuellement par une inadéquation entre l’offre que les vétérinaires sont en mesure de proposer et les demandes des éleveurs. « Si les collectivités territoriales (département, région) connaissent la problématique et s’y investissent, la portée des actions des groupements de collectivité (communauté de commu nes ou d’agglomération, métropole) semble actuellement limitée par un intérêt et une prise de conscience hétérogènes de ces enjeux sur leurs territoires. Il est par conséquent nécessaire de renforcer les relations et le dialogue entre les acteurs et en particulier de renouer les liens dans le quatuor composé par les vétérinaires, les éleveurs, les collectivités ainsi que les services de l’État », concluent les auteures de l’étude.

1. Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (Ddadue) : www.bit.ly/3qsXN1e

2. La loi Ddadue est adoptée !, Le Point Vétérinaire.fr : www.bit.ly/37kPxJa

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