LOI CONTRE LA MALTRAITANCE ANIMALE : QU’EN PENSEZ-VOUS ? - La Semaine Vétérinaire n° 1887 du 19/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1887 du 19/02/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, adoptée par l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier, comporte des mesures suscitant l’enthousiasme, mais génère aussi, sur d’autres points, de l’incompréhension, et même des regrets.

JE ME RÉJOUIS DE CERTAINES MESURES

JEAN-PIERRE KIEFFER (T 75)

Président de l’OABA, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs

Je salue le travail des députés, comme notre confrère Loïc Dombreval, qui ont réussi à faire adopter, à la quasiunanimité, ce texte relatif au bien-être animal. Je relève des mesures importantes comme la levée du secret professionnel des vétérinaires pour des actes graves de cruauté envers les animaux, le renforcement des sanctions pénales pour un acte de cruauté mortel. Cependant la corrida reste une exception qui autorise à faire souffrir un animal jusqu’à la mort au titre des traditions… En tant que président de l’OABA, je regrette aussi l’absence de mesure contre des maltraitances infligées en élevages et abattoirs. Les parlementaires ont choisi d’éviter de débattre sur ces maltraitances qui auraient fait s’opposer les lobbies agricoles et animalistes. Il faudra pourtant bien les réglementer en 2021… Enfin, je note la modification de l’article 99-1 du Code de procédure pénale, que souhaitait l’OABA, qui concerne les retraits d’animaux pour maltraitance, en tenant compte du rapport entre le coût de leur maintien sous la garde de la justice et leur valeur économique.

DES MESURES ÉLOIGNÉES DES RÉALITÉS DE TERRAIN

GWENAËL BOILLINOUTTERS (N 98)

Vétérinaire canin et comportementaliste (DIE) à Saint-Germain-Lespinasse (Loire)

La signature d’un certificat d’engagement et de connaissance de leurs besoins spécifiques n’est pas une nouveauté puisque déjà tout chiot ou chaton doit être vendu avec un document d’accompagnement spécifiant lesdits besoins. Mais la vraie problématique de terrain est surtout l’applicabilité d’une telle mesure relative à leur cession de la « main à la main », comme cela se pratique toujours. Je rappelle les mesures listées dans la loi de 2016 sur l’élevage étant toujours loin d’être appliquées, je doute que ces nouvelles recommandations puissent avoir un quelconque réel impact… Par ailleurs, je regrette que la proposition de loi ne comporte aucun élément concernant la maltraitance passive par défaut d’apport des besoins physiologiques. Je pense par exemple aux problèmes que génèrent les aliments vendus sur le Net ou en grande surface, qui sont notamment à l’origine d’une augmentation gravissime des cas d’obésité, de maladies dermatologiques ou urinaires… Un encadrement des fournisseurs par des experts en nutrition devrait être une obligation légale.

DES INCOHÉRENCES, MAIS AUSSI DES AVANCÉES

CÉLINE PECCAVY

Avocate en droit équin et en droits du chien et du chat à Toulouse (Haute-Garonne) et à Paris

Il est écrit que « tout particulier qui acquiert pour la première fois un animal de compagnie signe un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce ».

Mais comment le vendeur va-t-il pouvoir savoir s’il s’agit d’une première fois ou non ? Ensuite, l’expression même utilisée « d’animal de compagnie » n’est pas judicieuse. En effet, ledit animal de compagnie - défini par l’article L. 214-6 du Code rural - est un « animal détenu par l’homme pour son agrément ». Il se différencie donc du chien d’expositions, du chien de reproduction, du chien de chasse, du chien de garde.

En conséquence, on peut légitimement s’interroger : si on achète pour la première fois non pas un animal de compagnie mais un reproducteur, doit-on signer lesdits certificats de connaissance et de primoacquisition ou en est-on dispensé ? En revanche, le fait que donner volontairement la mort à un animal sans nécessité ne soit plus puni d’une simple amende mais désormais d’une possible peine de prison ainsi que de peines complémentaires, je dis bravo ! Il était largement temps de pouvoir sévir davantage dans ce cas.

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