LE PICAGE SÉVÈRE CHEZ LES POULES PONDEUSES - La Semaine Vétérinaire n° 1887 du 19/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1887 du 19/02/2021

COMPORTEMENT

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : TANIT HALFON

Article rédigé d’après une conférence des 3e Journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, Mika A., Guinebretière M., Coton J. et coll., État des lieux et voies de progrès pour limiter le picage chez la poule pondeuse, 20 et 21 mars 2019, à Tours.

Le picage stricto sensu correspond à l’utilisation normale du bec par la poule qui interagit avec un autre individu, de façon douce ou agressive. Il est à distinguer du picage plus sévère qui va induire des pertes de plumes, des lésions corporelles voire du cannibalisme, au détriment du bien-être et de la santé des animaux. Pour l’éviter, l’épointage du bec est pratiqué en élevage, et consiste à raccourcir légèrement l’extrémité du bec des poussins à l’aide d’un laser infrarouge. Quelle est la réalité de cette pratique en élevage de poules pondeuses ? Quels en sont les facteurs associés ? Quelles recommandations faire aux éleveurs pour élever des poules non épointées et limiter le risque d’apparition du picage ? Ces trois questions ont été explorées dans le cadre du projet CasDar1 Épointage mené entre 2015 et 2018.

Différencier systèmes plein air et cages aménagées

Une première enquête épidémiologique a permis d’appréhender l’ampleur du picage dans les élevages de poules pondeuses. L’enquête a été menée dans 79 lots avec des cages aménagées (56 élevages) et 80 lots au sol avec parcours (75 élevages), répartis sur 4 zones - Bretagne/Normandie, Pays de la Loire, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais. Il en ressort que le picage sévère est présent quel que soit le système d’élevage, mais avec une prévalence réduite en système plein air : 23,8 %, contre 32,9 % en cages aménagées. Dans ce système, il est néanmoins plus souvent associé à du cannibalisme - 8,8 % contre 2,5 % en cages -, avec toutefois une grande variabilité entre les élevages. De fait, si le picage sévère existe en cages, il est rarement associé à de la mortalité en fin de lot. De plus, la dégradation de l’état du plumage est associée à plusieurs facteurs de risque : la souche génétique, ce qui a déjà été conforté dans de précédentes études, la densité, la taille du groupe, l’éclairage et la localisation géographique. En élevage plein air, une sous-utilisation du parcours peut également être à l’origine de l’apparition du picage. De même, l’usage d’ampoules à incandescence est associé à un mauvais état des plumes comparé à un éclairage LED.

Enrichir le milieu de vie

Une deuxième partie de l’enquête s’est penchée sur l’impact de l’enrichissement de l’environnement chez les poules pondeuses au bec non épointé. Dans la première étude portant sur les cages aménagées, il en ressort que, comparé à un milieu non enrichi, l’enrichissement a un impact positif sur la santé et les performances des animaux : moins de lésions, meilleur état du plumage, moins de mortalité et un meilleur taux de ponte sur toute la durée d’élevage. Une mortalité plus faible est observée dans une seconde étude chez les poules élevées au sol en milieu enrichi par rapport à un milieu sans enrichissement. Une dernière étude a permis d’évaluer l’intérêt des animaux vis-à-vis de la nature des enrichissements de milieu. Il semble qu’un enrichissement de type consommable - blé, luzerne et maïs - soit plus intéressant pour les animaux qu’un enrichissement de type objet - corde, chaîne. De même, renouveler et varier la nature de l’enrichissement régulièrement contribue à limiter le picage. Pour les chercheurs, plusieurs pistes apparaissent possibles pour limiter la dégradation du plumage : tout d’abord, la piste génétique, qui est une solution majeure pour résoudre ce problème ; puis l’enrichissement du milieu de vie, à adopter aussi pour les élevages avec les poules au bec épointé afin de leur laisser la possibilité d’exprimer leur répertoire comportemental ; enfin, le renforcement de l’accès au parcours extérieur. Des résultats de ce projet, découlent plusieurs fiches techniques2 détaillant les pratiques d’élevage à adopter pour limiter le risque de picage sévère.

1. Le CasDar, compte d’affection spécial au développement agricole et rural.

2. www.bit.ly/2Z7hoI6

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr