IAHP : LES ABATTAGES PRÉVENTIFS, UN ÉCHEC DE LA POLITIQUE SANITAIRE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1886 du 12/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1886 du 12/02/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Depuis décembre, la France est touchée par une épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) à H5N8. Au 8 février, 460 foyers domestiques ont été enregistrés dans 12 départements, contre une soixantaine début janvier. Cette évolution a amené à une stratégie d’abattages massifs, et au 25 janvier, ce sont 2 millions de volailles qui ont été abattues dans le Sud-Ouest.

UNE FAILLITE DE LA LOI, PAS DU SANITAIRE

LAURENT DEFFREIX (T 87)

Vétérinaire aviaire à Amou (Landes)

Cette crise, la troisième en cinq ans, est un aveu d’échec de la politique qui prend le pas sur les aspects sanitaires, notamment à travers la dérogation de sortie accordée pour 3 200 canards aux élevages de plein air. Nous avons réalisé des audits pour vérifier que les mesures de biosécurité visant à éviter que le virus entre dans les bâtiments étaient mises en place. Cependant, à quoi cela sert-il de remplir des grilles montrant que les animaux sont protégés à l’intérieur s’ils sont mis dehors par dérogation ? C’est absurde. C’est comme si on s’assurait que votre ceinture de sécurité fonctionne, et que, parce que tout est dans les normes, on vous autorise à la détacher. Rien ne peut être reproché à ceux qui ont respecté la loi, ce que tout le monde a fait. Si la règle ne devait pas être appliquée, il ne fallait pas l’écrire. Désormais, il semble que la solution est de rentrer les animaux, et certains de nos éleveurs en système traditionnel plein air se disent qu’ils vont arrêter de produire l’hiver. Enfin, peut-on échapper éternellement à une vraie réflexion sur la vaccination face à un virus pareil ?

LA FILIÈRE DOIT ÊTRE DÉCISIONNAIRE

LÉNI CORRAND (T 08)

Vétérinaire aviaire à Arzacq-Arraziguet (Pyrénées-Atlantiques)

Le premier constat est le retard pris dans la décision et la mise en œuvre des abattages préventifs autour des premiers élevages infectés. Les praticiens de terrain qui ont alerté, il y a quatre ans, que ces abattages seraient décisifs, ont l’impression de ne pas avoir été écoutés par les autorités. Bien que ce délai de prise de décision soit compréhensible pour des raisons sanitaires, économiques et sociales, il a pour conséquence que nous nous sommes laissé déborder par le virus. Le second problème est l’insuffisance des moyens, et leur inadéquation, notamment logistique, pour les élevages locaux. Le rayon initial d’abattage de 3 km autour des foyers s’est aussi avéré trop faible. Il n’est toutefois pas constructif de taper sur l’État, car la gestion de cette crise est difficile et les abattages préventifs étaient nécessaires. La filière ne doit pas tout attendre de lui. Elle doit s’organiser et devenir décisionnaire, notamment dans la mise en place d’outils internes d’abattage préventifs adaptés, qui risquent, hélas, de servir de plus en plus à l’avenir.

DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES

JOCELYN MARGUERIE (N 02)

Président de la commission aviaire de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV)

Devant la violence de l’expression terrain et les conséquences économiques et sociales des virus IAHP, nous restons humbles et concentrés sur la gestion de l’urgence. La biosécurité a permis d’éviter la propagation du virus autour de certains foyers dans des zones de forte production. En collaboration avec les professionnels des filières, les référents scientifiques et l’administration, nous sommes force de proposition pour la faire progresser encore. Les règles de la claustration obligatoire en période de risque et les pratiques d’introduction de véhicules ou de litière dans les unités de production, par exemple, doivent évoluer drastiquement. Quand la pression environnementale est si forte, l’enjeu est également la rapidité du diagnostic et de la gestion du foyer index. D’après les retours terrain, il conviendrait de dépeupler plus vite le foyer et les élevages à risque des zones réglementées. Ces évolutions sont indispensables à la réflexion sur d’autres mesures complémentaires comme l’organisation saisonnière à l’échelle régionale ou la vaccination.

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