FIÈVRE Q : UN IMPACT SUR LA REPRODUCTION DES BOVINS - La Semaine Vétérinaire n° 1886 du 12/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1886 du 12/02/2021

ENQUÊTE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : GRÉGOIRE KUNTZ*, VINCENT JEGOU**, CLOTHILDE BARDE***

Fonctions :
*Groupement de défense sanitaire (GDS) de Bretagne
**responsable des projets Ruminants chez CEVA Santé animale

Alors que la fièvre Q fait l’objet d’une surveillance lors d’avortements en élevage de bovins en France depuis plusieurs années, les dernières données d’une étude menée par le Groupement de défense sanitaire de Bretagne et CEVA Santé animale en collaboration avec Evolution, une coopérative de service d’insémination, ont permis de confirmer son incidence sur les performances de reproduction des bovins.

Par an, 23 euros. Telle est l’estimation du coût moyen par vache et par an lié aux baisses de performance de reproduction des vaches dans des troupeaux présentant des avortements dus à la fièvre Q, selon les conclusions d’une étude menée par le Groupement de défense sanitaire (GDS) de Bretagne et CEVA Santé animale, en collaboration avec Evolution, une coopérative de service d’insémination1. Cette enquête s’inscrit dans la démarche de nombreux travaux de recherche2,3,4. Pour mieux connaître l’incidence de la fièvre Q, mais aussi celle de la diarrhée virale des bovins (BVD) et de la néosporose, sur les avortements des bovins en France, un protocole national de diagnostic différentiel des avortements de l’Observatoire et suivi des causes d’avortements chez les ruminants (protocole Oscar) a été mis en place en 2017 dans les départements et régions volontaires.

Deuxième cause abortive dans les cheptels bretons

En 2019, 26 départements étaient ainsi engagés dans le dispositif pour une ou plusieurs espèces de ruminants domestiques (bovins, ovins, caprins), dont la Bretagne avec le GDS (2015). Parmi les dossiers résolus dans cette région, il a été montré que la fièvre Q était responsable de la majeure partie des avortements en élevage après la néosporose (12 % des avortements). Ces données étant proches des résultats nationaux, et au vu du nombre conséquent de prélèvements étudiés dans la région, les auteurs de l’étude ont donc pris les informations bretonnes comme support pour objectiver plus précisément l’impact de la fièvre Q sur les paramètres de reproduction des cheptels présentant des avortements à la fièvre Q.

Une fertilité diminuée

Pour cela, les données de reproduction fournies par la coopérative Evolution ont été étudiées pour 642 élevages. La moitié des protocoles Oscar retenus pour cette étude présentaient des sérologies positives à la fièvre Q, ce qui est comparable aux données de prévalence troupeau moyenne de 35,9 % de la Plateforme d’épidémiologie en santé animale (ESA) de 2012 à 20155. Selon les données récoltées, il a été montré que lors d’avortements répétés, une baisse significative de 6,99 points de taux de réussite en première insémination artificielle (IA1) était observée en cas de fièvre Q. En comparant les troupeaux pour lesquels il y a au moins une PCR positive sur vache avortée aux autres troupeaux, une tendance à un moins bon taux de réussite en IA1 ainsi qu’un allongement de l’intervalle vêlage-vêlage (IVV) sont également constatés : respectivement - 5,7 points de fertilité et + 3 jours d’IVV.

Des données à compléter

Par ailleurs, la simulation de l’impact économique de la dégradation de la reproduction6 révèle que les pertes économiques sont également très importantes lors de fièvre Q. Ainsi, une dégradation de 7 points de l’IA1 est observée, conduisant à une perte de 23 euros par vache et par an, à laquelle il faut rajouter les pertes engendrées par les avortements – 450 euros par avortement en moyenne7 –, les non-délivrances et les métrites. Les auteurs estiment toutefois qu’il serait intéressant de poursuivre cette analyse dans le temps. De plus, les données de reproduction ayant été étudiées sur un intervalle de temps antérieur aux avortements, la fièvre Q aurait pu les provoquer sans avoir encore impacté la reproduction. Enfin, comme seuls des troupeaux ayant présenté des avortements à la fièvre Q ont été étudiés, il pourrait être pertinent, selon les auteurs, de l’élargir à l’ensemble des troupeaux infectés, qu’ils présentent des épisodes cliniques (avortements) ou non.

1. Enquête GDS Vétérinaire MSc Grégoire Kuntz – GDS Bretagne Vincent Jegou, responsable projets Ruminants – CEVA Santé animale.

2. Garcia-Ispierto I., López-Helguera I., Tutusaus J. et coll., Effects of long-term vaccination against Coxiella burnetii on the fertility of high-producing dairy cows, Acta Veterinaria Hungarica, 2015, 63 (2), pp. 223-233.

3. López-Helguera I., López-Gatius F., Tutusauset J. et coll., Reproductive performance of high producing lactating cows in Coxiella-infected herds following vaccination with phase-I Coxiella burnetii vaccine during advanced pregnancy, Vaccine, 2013, 26 ;31 (30) :3046-3050.

4. Ordronneau S., Impact de la vaccination et de l’antibiothérapie sur l’incidence des troubles de la reproduction et sur la fertilité dans des troupeaux bovins laitiers infectés par Coxiella burnetii, Thèse Oniris, 2012.

5. Dispositif pilote fièvre Q Bilan de la surveillance événementielle et de l’enquête sérologique, août 2012-août 2015. Surveillance événementielle/Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (plateforme-esa.fr).

6. www.bit.ly/3rc65ua

7. De Vries A., Economic value of pregnancy in dairy cattle, J Dairy Sci., 2006;89 (10):3876-3885.

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