TROUBLES DE LA FLOTTAISON CHEZ UN POISSON - La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021

AQUARIOPHILIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : JENNYFER THIBAUD*, ADELINE LINSART**, EMMANUEL MEUNIER***

Fonctions :
*interne au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Saint-Martin (Saint-Martin-Bellevue, Haute-Savoie)
**responsable du service NAC au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Saint-Martin
***praticien au cabinet Vetofish à Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône)

CAS CLINIQUE

Anamnèse et commémoratifs

Un poisson rouge, âgé d’environ 10 ans, est présenté à l’unité NAC du centre hospitalier vétérinaire (CHV) Saint-Martin pour des troubles de flottaison évoluant depuis plusieurs mois. Les propriétaires décrivent des mouvements non contrôlés accompagnés de difficultés de flottaison (photo 1). Le mode de vie du patient est adapté, en collectivité avec deux autres poissons, dans un aquarium spacieux (2 × 1,50 m) et bien agencé (abris, enrichissement via des plantes naturelles). Les paramètres physico-chimiques de l’aquarium sont bons. Les deux congénères sont en excellente santé. Les propriétaires indiquent que l’animal a fait une chute hors de l’aquarium survenue il y a environ 5 ans, non suivie d’anomalies de la mobilité et de la flottaison.

Examen clinique

L’examen clinique à distance met en évidence une flottaison non contrôlée : le poisson coule en nageant vers le fond de l’aquarium, et, malgré ses efforts, nage la tête en bas, « negative floating ». Une asymétrie de la silhouette est visible, se traduisant par une déviation à gauche de la nageoire caudale. L’abdomen de l’animal semble de taille normale et symétrique.

Diagnostic différentiel et examens complémentaires

Le diagnostic différentiel des troubles de la flottaison inclut des atteintes de la vessie natatoire, du squelette ou un excès de gaz dans le tube digestif (voir encadré ci-dessous). Des radiographies (photos 2 et 3) sont e ectuées afin d’évaluer la forme, la taille et l’aspect de la vessie natatoire, ainsi que d’éventuelles anomalies squelettiques. Pour ce faire, le poisson est placé dans un gant (non poudré) humidifié afin de faciliter sa manipulation. Aucune anomalie de la vessie natatoire n’est observée. En revanche, la radiographie du squelette met en évidence une déviation prononcée de la colonne vertébrale (scoliose).

DISCUSSION

Les scolioses chez les poissons sont des affections rencontrées ponctuellement en exercice vétérinaire. Les objectifs du clinicien sont de rétablir la flottabilité et l’équilibre du patient afin d’améliorer sa qualité de vie. Il n’existe, à l’heure actuelle, aucun traitement médical ou chirurgical. Différents dispositifs ont été proposés par des passionnés, avec plus ou moins de succès, dans le but d’améliorer le confort de l’animal. Il est possible d’améliorer la flottabilité du poisson en créant une « chaise flottante » à l’aide de tubes en plastique1 (photo 4). Ce dispositif ne fonctionne qu’après de minutieux réglages consistant à alourdir une partie des tubes avec de l’eau et des lests, et à alléger une autre partie des tubes avec de l’air. Le deuxième dispositif possible, utilisé dans le cas présent, est un lest accroché à la queue du poisson permettant de faire basculer sa partie caudale vers le fond de l’aquarium (photo 5).

Ces dispositifs étant en contact permanent avec les écailles du poisson, le risque d’ulcérations cutanées et donc de complications infectieuses secondaires est élevé, le poisson doit être surveillé très régulièrement.

1. www.bit.ly/3ponfEy

ÉTIOLOGIE DES TROUBLES DE LA FLOTTAISON CHEZ UN POISSON

Les troubles de la flottaison peuvent être dus à :

Une atteinte de la vessie natatoire, elle-même due à :

– une pathologie inflammatoire, infectieuse ou tumorale de la vessie natatoire (d’origine virale, fungique, parasitaire ou bactérienne). Ces affections provoquent un épaississement de la paroi de la vessie natatoire compromettant ainsi les échanges de gaz et l’élasticité de celle-ci,

– une hernie, un déplacement ou une dilatation anormale de la vessie natatoire induite par un traumatisme, une constipation, une organomégalie (kystes rénaux, rétention d’œufs chez la femelle, etc.) ou une malformation génétique,

– un défaut de vidange par pincement ou torsion du canal pneumatique (conduit reliant la vessie natatoire à l’intestin chez les poissons physostomes).

Une atteinte squelettique dont :

– une malformation due à une sélection génétique abusive ou à de la consanguinité. Des mutations génétiques peuvent induire une scoliose idiopathique (notamment chez le poisson zèbre),

– un traumatisme pouvant induire une déformation du squelette (notamment le rachis),

– une atteinte osseuse ou musculaire provoquée par une carence alimentaire (trypto phane, magnésium, phosphore, vitamine, etc.), une intoxication alimentaire (plomb, cadmium, leucine, vitamine A, etc.) ou une bactérie.

– Mycobacterium marinum est connue pour induire des granulomes évoluant vers des ulcérations cutanées, des déformations squelettiques et un amaigrissement.

Un excès de gaz dans le tube digestif pouvant être provoqué par :

– une alimentation en surface qui peut conduire à un excédent d’air dans la vessie natatoire lorsque l’animal s’alimente,

– une alimentation de basse qualité induisant une augmentation de la fermentation dans le tractus digestif.

Un trouble neurologique induit par :

– une affection au niveau de l’oreille interne ou du système nerveux du poisson (cerveau, mœlle épinière, innervation de la vessie natatoire, etc.).

QU’EST-CE QUE LA VESSIE NATATOIRE ?

La vessie natatoire, ou vessie gazeuse, est un organe issu d’une invagination de l’œsophage : elle se présente comme un sac à paroi mince rempli de gaz, situé dans l’abdomen de certains poissons osseux sous la colonne vertébrale (photo 6). Elle est reliée à un large réseau de vaisseaux sanguins, qui lui transmettent le gaz depuis les branchies pour prendre ou perdre du volume, ce qui modifie la flottabilité du poisson. Pour augmenter sa flottabilité, la vessie natatoire se charge en air, le poisson remonte vers la surface. À l’inverse, pour diminuer sa flottabilité, celle-ci se vide et le poisson « coule » vers le fond de l’aquarium. Sa fonction principale est de compenser le poids des tissus lourds (principalement les os).

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