LOI CONTRE L’ABANDON DES ANIMAUX DE COMPAGNIE : UNE RÉELLE AVANCÉE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR

Le projet de loi contre la maltraitance animale, présenté à l’Assemblée nationale fin janvier, inclut un volet consacré à la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie.

Si les intentions sont louables, les praticiens interrogés soulèvent le risque d’absence de contrôles et le besoin de mesures plus fortes.

UNE LOI QUI REPOSE SUR LA BONNE VOLONTÉ DES ADOPTANTS

CLAIRE CROUAIL (N 98)

Praticienne en canine à Angoulême (Charente)

L’abandon est un problème majeur. L’identification est obligatoire mais, sans moyen de contrôle ni sanction, le problème persiste. Je trouve que cette loi propose de bonnes mesures mais, comme souvent, cela repose sur la bonne volonté des adoptants et, par définition, ceux qui sont de bonne volonté ont déjà conscience des besoins de leurs animaux. Peut-être qu’en passant par la sensibilisation des enfants, on verra une évolution. Le problème n’est pas forcément la non-prise de conscience des besoins de l’animal mais plutôt l’état d’esprit dans lequel il est adopté, perçu comme un faire-valoir, un produit consommable, abandonné dès que contraignant. Les effets de mode aussi participent à ce problème avec des adoptions massives, par exemple de chiens pas forcément faciles à éduquer tels que des malinois, husky ou loup tchèque. Du côté des félins, la lutte contre l’abandon passe notamment par des campagnes de stérilisation, en partenariat avec les communes, mais c’est sans fin.

L’ENJEU EST D’ARRIVER À RESPONSABILISER LES PROPRIÉTAIRES

CLÉMENT JEANNIN (L 20)

Praticien en canine à Blaye (Gironde)

L’abandon des animaux est une réalité à laquelle on assiste quotidiennement en tant que praticien. La base du problème est sans doute économique et sociale. C’est un choix de facilité pour les propriétaires qui ne veulent ou ne peuvent pas faire face aux contraintes liées à leur animal. L’État doit se montrer plus dur pour garantir le bien-être animal, donc cette loi va dans le bon sens. Une mesure forte, symbolique et essentielle, serait de rendre obligatoire l’obtention d’un certificat d’aptitude couplé à l’identification pour valider l’achat d’un animal. Il faudrait dissocier cette étape de la vaccination, cela permettrait d’une part d’allouer au vétérinaire un temps dédié uniquement à l’éducation des propriétaires, et d’autre part de dissuader ceux ne souhaitant pas dépenser une centaine d’euros pour l’adoption d’un animal, ceux-là mêmes qui le négligeraient plus tard quand ils auraient besoin de dépenser de l’argent pour le faire garder ou soigner.

IL NOUS FAUDRAIT DES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES

LAURENCE COUDERT (A 90)

Praticienne en canine à Annecy (Haute-Savoie)

Le plus difficile reste toujours la mise en pratique, surtout quand cela concerne le ministère de l’Agriculture, celui de la Justice pour les sanctions et celui de l’Intérieur pour les contrôles. On le voit bien avec l’identification des chats, obligatoire depuis 2012 et qui pourtant n’en concerne que 25 %. Les vétérinaires ne peuvent l’imposer et l’élargissement du contrôle de l’identification va dans le bon sens. L’abandon illégal, la maltraitance et le défaut de soins doivent être sanctionnés fermement. Mais les procédures sont longues, les animaux saisis restent des semaines, voire des mois, en refuge, il nous faudrait des procédures simplifiées. Le certificat de sensibilisation est un premier pas. L’aide financière pour les refuges et les campagnes de stérilisation des animaux errants est bienvenue. Une chose qui n’est pas envisagée serait une évaluation, à l’instar de la Suisse, de tous les chiens de plus de 25 kg par des inspecteurs, pour éviter les problèmes d’agressivité et d’anxiété de séparation qui sont des causes majeures d’abandon.

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