LA BÉQUILLE DE THOMAS CHEZ LES BOVINS, ÇA MARCHE - La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1885 du 05/02/2021

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIER

PIERRE-YVES MULON, vétérinaire, enseignant à l’université de Tennessee Knoxville (États-Unis).

Article rédigé d’après la présentation faite lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.

Lors de fractures fermes du tibia et du radius/ulna chez les bovins, les techniques de stabilisation chirurgicales avancées (fixateurs externes, ostéosynthèse) onéreuses1 peuvent être remplacées par la mise en place d’une béquille de Thomas. Cette technique permet de maintenir le membre en extension, et par conséquent de réaliser une réduction fonctionnelle de l’os fracturé (transfert des forces compressives de la portion distale du membre à la ceinture thoracique ou pelvienne2). La réduction significative des forces de compression au sein de l’os fracturé limite alors le déplacement des segments osseux de la fracture durant la période initiale de la guérison osseuse secondaire. Toutefois la réalisation de ces béquilles peut prendre du temps, ce qui retarde leur utilisation.

Un outillage adapté

Les béquilles de Thomas ne sont pas disponibles commercialement, cependant, une fois réalisées par le vétérinaire, elles peuvent être stockées et éventuellement réutilisées ultérieurement avec seulement quelques modifications mineures. Le matériel nécessaire pour leur fabrication dépend essentiellement de la taille, et donc du poids, de l’animal. L’armature peut être réalisée à l’aide de barres d’aluminium pour les petits ruminants ou pour les veaux nouveau-nés ou de barres de fer à béton armé de diamètre variable (6 à 10 mm) pour les animaux plus lourds. En complément de l’outillage conventionnel, le vétérinaire a besoin d’un poste à souder et d’une pince ou griffe à cintrer. La mise en place d’une protection adéquate autour de l’anneau est essentielle pour limiter les escarres cutanées. Il convient d’utiliser un matériel résistant ne se comprimant pas au cours du temps. Les gaines denses d’isolation offrent ainsi une bonne alternative, mais elles doivent être recouvertes d’un matériel plus dense maintenu par des bandes autoadhésives, puis par de l’Elastoplast.

Plusieurs étapes de réalisation

La réalisation de l’anneau est la première étape. La mesure est e ectuée avec une corde ou un tube nasogastrique en les passant autour de l’épaule ou de la cuisse. Il convient de bien dégager la pointe de l’épaule et du coude pour le membre antérieur et la pointe de l’ischium et du grasset pour le membre postérieur. Les tiges verticales sont soudées avec un angle de 30 degrés environ pour assurer une bonne assise de l’anneau sur la ceinture du membre, en en limitant l’abduction. La longueur des tiges doit être suffisante pour assurer une extension complète du membre. Une plaque métallique est soudée pour s’adapter aux onglons de l’animal. Une fois la longueur établie, les deux sections sont solidarisées à l’aide de plusieurs colliers de serrage.

Mise en place et suivi

Pour que la béquille puisse être posée, l’animal doit être placé, sous sédation profonde ou anesthésie générale, en décubitus latéral avec le membre fracturé en position haute. Un plâtre en résine de fibre de verre est alors mis en place. La béquille est ensuite ajustée sur le membre et de nouveaux rouleaux de résine sont utilisés pour solidariser le plâtre de coaptation externe avec la béquille. Puis l’animal est placé dans un box individuel avec une litière suffisante pour assurer un confort adapté au décubitus prolongé, mais assez mince pour ne pas nuire à la protraction du membre lors de la locomotion. Généralement, les animaux s’adaptent assez facilement à cette coaptation externe mais un changement rapide du port de poids de l’animal sur son membre est un signe de complication sous le plâtre qui nécessite une réévaluation vétérinaire. La béquille est laissée en place 4 semaines, à l’issue desquelles la phase de maturation du cal osseux offre une stabilité suffisante du foyer de fracture pour permettre l’utilisation d’un moyen plus simple de coaptation externe, comme la mise en place d’un plâtre plein membre. Cette seconde période d’immobilisation dure entre 4 et 6 semaines selon l’âge de l’animal.

Complications et résultats

Outre les difficultés de lever et coucher qui peuvent survenir dans les premiers jours de la mise en place de la béquille de Thomas, la complication la plus fréquente est le degré de déviation angulaire observé du fait de l’abduction partielle du membre. Cette déviation angulaire n’est habituellement pas gênante d’un point de vue fonctionnel, mais peut être un défaut majeur pour un animal de concours. Par ailleurs, du fait de la pression importante des ceintures des membres (ars et aine) sur la portion déclive de l’anneau de la béquille de Thomas, il est possible que des plaies d’escarres surviennent au cours des premières semaines suivant la pose de la béquille. Dans un tel cas, des soins locaux sont suffisants pour permettre de conserver la béquille quelques jours supplémentaires afin de progresser dans le processus de guérison osseuse. Le pronostic de l’utilisation de la béquille de Thomas pour les fractures de tibia et de radius/ulna est généralement bon. Ainsi, dans des études portant sur 21, 11 et 54 cas de fracture de tibia traitée avec une béquille de Thomas, le pronostic favorable varie entre 45 % et 81 %3. La béquille de Thomas reste donc un traitement de choix des fractures proximales, excepté pour les animaux de concours à haut potentiel génétique où une ostéosynthèse sera indiquée.

1. Gangl M., Serteyn D. et Touati A., Recours à l’attelle de Thomas modifiée lors de fractures chez le bovin, Le Point Vétérinaire, 1er décembre 2006, n° 271, p. 56-59.

2. Mulon P. Y., Management of long bone fractures in cattle, In Pratice, 2013;35(5):265-271.

3. Anderson D.E., St Jean G., Vestweber J.G. et coll., Use of Thomas splint-cast combination for stabilization of tibial fractures in cattle: 21 Cases (1973-1993), Agri-Practice, 1994;15(8):16-23.

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