RÉPONSE AUX DÉFENSEURS D’UNE ÉCOLE VÉTÉRINAIRE PRIVÉE - La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1884 du 29/01/2021

EXPRESSION

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 rend possible l’ouverture de l’enseignement vétérinaire au privé. Ce qui ouvre la voie à l’organisme de formation agricole UniLaSalle, positionné sur un projet d’école vétérinaire privée depuis des années. Son directeur, Philippe Choquet, a été récemment interviewé par La Semaine vétérinaire et le Figaro étudiant. Étudiants des quatre écoles nationales vétérinaires (ENV) françaises, nous souhaitions lui répondre et rétablir la vérité, afin d’avertir des écueils d’un tel projet.

Le privé a-t-il sa place dans la formation des vétérinaires ?

Le statut associatif à but non lucratif d’UniLaSalle est présenté comme suffisant pour préserver l’intégrité de la formation. Pourtant le système de « pantouflage » (l’employeur paye les études) vanté par UniLaSalle créera un rapport de force potentiellement dangereux entre l’employeur et le praticien, lequel ne peut aliéner son indépendance professionnelle (code de déontologie article R. 242-33 alinéa II). De plus, ce système profitera probablement aux grands groupes au détriment du recrutement par les structures de taille réduite et intermédiaire. Si notre profession est libérale, elle a aussi la charge d’un mandat de santé publique. Selon le code de déontologie : « Le vétérinaire accomplit (…) les missions de service public dont il est chargé par l’autorité administrative ». La gestion des crises sanitaires fait partie de notre métier ; en témoigne la nomination d’un vétérinaire au Conseil scientifique. Puisqu’il s’agit de santé publique, comment imaginer que l’État cède sa place au privé ?

Une école privée pour former plus et dépendre moins de l’étranger ?

Les formations étrangères permettront toujours de contourner les concours français. En outre, la plupart demeurent moins chères que cette école. Le nombre d’étudiants vétérinaires français à l’étranger a été multiplié par 2,6 en 5 ans. Or les concours français n’ont jamais ouvert autant de places et diversifié leurs voies d’accès, preuve que c’est l’offre à l’étranger qui conditionne ce phénomène. Cette tendance restera incontrôlée, écoles privées ou non. Les cursus étrangers seront toujours aussi attractifs et la France ne fera que sélectionner elle-même une partie des étudiants par l’argent.

Une solution aux « déserts vétérinaires » ?

En quoi privatiser fera-t-il reculer la désertification des campagnes par les vétérinaires ? Actuellement, leur baisse d’attrait pour ces zones est surtout le fruit de la désagrégation du tissu socio-économique rural. Ils n’exerceront pas dans des territoires où l’élevage n’est pas une source de revenu suffisante et où l’activité pour les animaux de compagnie ne compense pas. De plus, comment imaginer que des jeunes endettés à hauteur de 93 000 € aillent dans les déserts ruraux pour un salaire de débutant ?

Une école garante de la diversité des profils ?

UniLaSalle dit conserver un recrutement « diversifié, avec beaucoup de jeunes issus du monde rural ». Vraiment ? En 2019, l’enseignement supérieur privé comptait 22,5 % de boursiers contre 40,3 % dans le public. Les écoles de commerce, avec lesquelles les frais de scolarité sont comparés, n’en ont que 12,7 % contre 30 % dans les ENV.

Selon UniLaSalle, les frais de scolarité – 93 000 euros – ne seront pas discriminants, grâce à un système de bourses internes. Mais elles seront très limitées par le modèle économique de cette école. Dans les ENV, les frais sont nuls pour les boursiers et de 12 500 € pour les autres. C’est une somme substantielle mais qui reste 7,5 fois inférieure au prix avancé par UniLaSalle. Veut-on davantage éloigner les étudiants modestes de notre métier ?

Ce recrutement post-bac, mis en avant, sera fait par les ENV dès la rentrée, preuve qu’elles continuent de diversifier les profils recrutés. Une école privée n’apportera donc aucune solution nouvelle. Elle prétend attirer davantage de jeunes du milieu rural et agricole. Nous ne devons pas connaître les mêmes agriculteurs, car rares sont ceux qui peuvent offrir à leurs enfants des études à 93 000 € !

Résolument opposés à ce projet !

Résolus et déterminés, nous continuerons à lutter contre ce projet, avec le collectif Vétérinaires en colère qui regroupe praticiens et étudiants.

LES ÉTUDIANTS VÉTÉRINAIRES EN COLÈRE

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