UN ÉTAT MEMBRE PEUT IMPOSER L’ÉTOURDISSEMENT LORS D’ABATTAGES RITUELS - La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021

EXPRESSION

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER

Fonctions : PRÉSIDENT DE L’ŒUVRE D’ASSISTANCE AUX BÊTES D’ABATTOIRS (OABA)

Après ses commentaires1 sur la publication des conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement, Jean-Pierre Kieffer, président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), se félicite de l’avis rendu ce 17 décembre 2020, applicable pour l’ensemble des États membres, dont la France.

En 2019, la Flandre puis la Wallonie ont pris des mesures visant à interdire l’abattage sans étourdissement. Ces mesures, motivées par des considérations de protection animale, ont immédiatement été critiquées par les représentants des deux communautés religieuses concernées. La Cour constitutionnelle belge a été saisie afin de faire annuler cette interdiction de l’abattage sans étourdissement au motif qu’elle violerait la liberté de culte. Consciente des enjeux posés par cette question, en termes de droits fondamentaux et de protection animale, la haute juridiction belge a décidé d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Les conclusions de l’avocat général de la CJUE étaient publiées le 10 septembre 2020 et faisaient couler beaucoup d’encre. L’avocat estimait que l’article 26 du règlement 1099/2009, qui permet à un État membre d’adopter des règles nationales plus strictes que celles contenues dans le règlement, ne pouvait conduire à une interdiction de l’abattage sans étourdissement.

Dans un article publié par La Semaine Vétérinaire1, l’OABA indiquait ne pas partager cet avis et rappelait que les conclusions de l’avocat général ne demeuraient qu’une opinion pouvant ne pas être suivie par la Cour de justice de l’Union européenne. Ainsi, dans son arrêt rendu le 17 décembre 20202, la CJUE indique clairement qu’il est possible pour un État membre d’assurer un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté pour les croyants juifs et musulmans de manifester leur religion en choisissant, dans le cadre de l’abattage rituel, d’imposer une technique d’étourdissement réversible qui ne cause pas la mort de l’animal. Compte tenu des techniques d’étourdissement actuellement disponibles, seule l’électronarcose utilisée pour les ovins et caprins est concernée. Les recherches et les essais se poursuivent pour l’étourdissement électrique des bovins adultes. Les procédés électriques utilisés chez les veaux à l’étranger (Australie, Nouvelle-Zélande) donnent déjà satisfaction. Il reste donc à nos abattoirs à développer ces techniques d’insensibilisation des animaux pour que leur mise à mort soit la moins douloureuse possible.

Encore faut-il que l’État français impose cet étourdissement réversible des animaux dans le cadre des abattages rituels. Techniquement et juridiquement, cela est faisable. Politiquement, c’est une autre histoire… Rappelons que l’OABA avait saisi le Conseil d’État afin que le Gouvernement impose un étourdissement réversible dans le cadre des abattages rituels, sous réserve d’une validation technique des pratiques. Dans son arrêt du 4 octobre 2019, la plus haute juridiction française avait rejeté la demande de l’OABA, précisant que l’article 26 du règlement européen permettait mais n’imposait pas à un État membre de renforcer la protection animale lors de l’abattage. En d’autres termes juridiques, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation peut, et non doit, faire progresser la protection animale lors de l’abattage. Ce faisant, la vraie question est donc : s’il le peut, le veut-il ?

1. La Semaine vétérinaire, n° 1871, 16 octobre 2020, p. 46.

2. www.bit.ly/3slJj4w

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr