LES 5 ERREURS DE NUTRITION EN HOSPITALISATION - La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021

RÉALIMENTATION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX

Et si en 2021 on s’engageait à mieux prendre en charge la nutrition des animaux hospitalisés ? L’époque du nil per os est révolue, il est temps de changer d’adage pour « qui ne mange pas sera sondé ». Première bonne résolution, rayer des habitudes ces 5 erreurs courantes.

1 Attendre qu’il remange quand il ira mieux

Toutes les portes de chatterie et de chenil devraient recevoir cette inscription en gros caractère « ils iront mieux quand ils remangeront », pour que toute l’équipe comprenne que, en hospitalisation, la nutrition est aussi essentielle que la perfusion. En effet, lorsque l’animal est malade, l’anorexie conjuguée à l’inflammation entraîne une augmentation du catabolisme des protéines et une diminution de la masse maigre. Or, cette masse maigre correspond aux « points de vie » de l’animal. Toute consommation de celle-ci est extrêmement délétère. L’anorexie entraîne par exemple une diminution de l’épaisseur de la paroi intestinale et une baisse de l’immunité qui augmentent le risque de translocation bactérienne et de sepsis. La paroi intestinale, et notamment les colonocytes, est nourrie par le butyrate, lui-même produit par les bactéries grâce au substrat alimentaire : sans nourriture, la paroi intestinale n’est pas nourrie. Le seul moyen de guérison du tube digestif est d’être alimenté ! Même les animaux qui vomissent, comme les chiens atteints de parvovirose1 ou ceux atteints de pancréatite2, ont un meilleur pronostic s’ils sont nourris précocement plutôt qu’après la fin des vomissements.

2 Ne pas écrire de plan de réalimentation précis et détaillé

Tout animal entrant en hospitalisation devrait être pesé et voir sa masse maigre évaluée. Si une perte de muscle est mise en évidence, la pose d’une sonde devra être envisagée plus rapidement. Le besoin énergétique de repos devrait être calculé grâce à la formule BER (besoin énergétique de repos) = 70×P0,75 avec P le poids actuel sauf pour les animaux en surpoids ou c’est le poids idéal qui sera choisi. La couverture de ce besoin devra être atteinte au bout de 3 à 5 jours selon la longueur de la période de dysorexie précédente. Si l’animal est anorexique ou hyporexique depuis moins de 3 jours, sa prise alimentaire peut uniquement être monitorée pour vérifier qu’elle correspond au moins au tiers de son BER le premier jour, à la moitié le deuxième et à la totalité le troisième. Si l’anorexie ou l’hyporexie sont présentes depuis plus de 3 jours, et d’autant plus si la masse maigre est diminuée, l’animal devra être sondé. Pour de courtes périodes, les sondes naso-œsophagiennes peuvent être posées sans anesthésie, pour les durées plus longues et pour les animaux pouvant supporter une anesthésie, la sonde d’œsophagostomie sera préférée. Le plan de réalimentation comprendra le nom précis de l’alimentation choisie ainsi que la voie – dans la gamelle, par la sonde ou à la main –, la quantité et la fréquence. Si le BER n’est pas couvert, l’animal va entrer en catabolisme et consommer sa masse maigre.

3 Distribuer des aliments diététiques

L’anorexie perturbant le métabolisme du glucose, l’aliment idéal pour réalimenter un animal dénutri est riche en protéines et en lipides. C’est le cas de tous les aliments « convalescence » des gammes vétérinaires. Pour les sondes naso-œsophagiennes, il existe des aliments liquides. Il est aussi possible de mixer une boîte d’aliment pour animal convalescent avec 15 à 20 ml d’eau dans un blender de manière à obtenir un liquide contenant 1 kcal/g. Les animaux qui refusent l’humide comme certains chats n’ayant jamais été habitués à en manger peuvent se voir proposer des croquettes. Les croquettes chaton sont des aliments riches en énergie, en protéines, en lipides et souvent très appétents, ce qui en fait un bon choix. Les animaux, surtout les chats, étant très à risque de faire une aversion alimentaire en associant l’aliment qui leur est proposé à leur hospitalisation, les aliments diététiques seront bannis de la chatterie à part ceux pour alimentation par sonde. La seule urgence de l’hospitalisation est de nourrir l’animal, la prise en charge diététique de l’affection ayant mené à l’hospitalisation peut toujours attendre le retour à la maison. Même les animaux atteints de pancréatite aiguë peuvent recevoir un aliment pour convalescent, cela diminue même l’incidence de la diarrhée et des vomissements3.

4 Gaver les chats à la seringue

Les chats n’étant souvent pas coopératifs pour être gavés, ils ne déglutissent pas et le gavage aboutit à plus d’aliment sur le chat que dans le chat. Cette pratique ne permet pas de mesurer la quantité d’aliment ingérée et ne permet pas de couvrir le BER. Nourrir un chat de force est très stressant pour celui-ci et est quasiment systématiquement suivi d’une aversion alimentaire. Si un chat ne mange pas volontairement, il doit être sondé, pas être traumatisé en lui faisant avaler de force un aliment dont il ne veut pas.

5 Utiliser les stimulants de la prise alimentaire

Les stimulants de l’appétit ne sont généralement pas fiables et entraînent rarement un apport alimentaire permettant de couvrir le BER chez les animaux suffisamment malades pour être hospitalisés. La mirtazapine est un antidépresseur tétracyclique qui semble avoir des effets antiémétiques et stimulants de l’appétit, cependant sa clairance repose sur la glucuronoconjugaison, elle doit donc être utilisée avec prudence chez les chats atteints d’une maladie hépatique. De plus, les effets secondaires de cette molécule comprennent la sédation et l’hypotension, ce qui ne semble pas opportun chez un chat hospitalisé. La pose d’une sonde sera ainsi toujours préférée à l’utilisation de la mirtazapine.

1. Mohr A.J., Leisewitz A.L., Jacobson L.S. et coll., Effect of early enteral nutrition on intestinal permeability, intestinal protein loss, and outcome in dogs with severe parvoviral enteritis, Journal of Veterinary Internal Medicine, 2003;17(6): 791-798.

2. Harris J.P., Parnell N.K., Griffth E.H. et coll., Retrospective evaluation of the impact of early enteral nutrition on clinical outcomes in dogs with pancreatitis : 34 cases (2010-2013), Journal of Veterinary Emergency and Critical Care, 2017;27(4); 425-433.

3. Klaus J.A., Rudloff E. et Kirby R., Nasogastric tube feeding in cats with suspected acute pancreatitis : 55 cases (2001-2006), Journal of Veterinary Emergency and Critical Care, 2009;19(4):337-346.

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