LA CIMENTOPLASTIE, UN OUTIL D’AVENIR POUR LES OSTÉOSARCOMES APPENDICULAIRES CANINS - La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021

CANCÉROLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : AMANDINE CLÉMENT

Une nouvelle technique, basée sur l’injection percutanée d’un ciment phosphocalcique au sein du site tumoral d’ostéosarcomes canins, est actuellement à l’étude. Explications avec Olivier Gauthier, enseignant-chercheur à Oniris et coordinateur de cette étude.

Face à un ostéosarcome appendiculaire canin, le traitement chirurgical classique consiste en une amputation du membre ou en une chirurgie conservatrice (endoprothèse synthétique réservée aux ostéosarcomes du radius), associée à des traitements anticancéreux adjuvants (chimiothérapie, radiothérapie ou immuno thérapie). Cette option d’amputation peut être difficilement acceptée par les propriétaires de chiens. De plus, ces chiens, de races grandes à géantes, présentent souvent des affections ostéo-articulaires dégénératives ou neurologiques concomitantes qui rendent l’amputation inenvisageable. Une technique innovante de cimentoplastie mini-invasive pourrait s’avérer une bonne alternative, et éviter d’en arriver à des décisions d’euthanasie rapides et brutales, explique Olivier Gauthier, professeur de chirurgie et de dentisterie des animaux de compagnie à Oniris (Nantes). Fort de ses années de recherches sur les matériaux de comblement et de remplacement de l’os1, il coordonne la toute première étude clinique prospective multicentrique d’évaluation d’un ciment osseux, BioCera-Vet, en partenariat avec la société belge de biotechnologie vétérinaire TheraVet qui commercialise le ciment.

Un traitement palliatif

Le ciment phosphocalcique proposé par TheraVet est issu de produits développés au début des années 2000 et disponibles en médecine humaine depuis une dizaine d’années. En santé humaine, la cimento plastie est indiquée, notamment en cas de processus cancéreux métastatique des os plats et des vertèbres ; elle n’a toutefois jamais été pratiquée sur le site primaire d’un ostéosarcome. En médecine vétérinaire, cette méthode a pour objectif de conserver la fonction du membre atteint le plus longtemps possible, de prévenir l’apparition d’une fracture pathologique spontanée et de juguler la douleur éprouvée par l’animal afin de préparer sa fin de vie sereinement. « D’après mon expérience, les patients qui bénéficient le mieux de ce type de technique sont ceux atteints par une tumeur bien circonscrite à l’humérus proximal avec une forte composante ostéolytique. Le ciment agit comme un tuteur afin de prévenir la fracture. Il est injecté via un trocart de Jamshidi après avoir réalisé la biopsie peropératoire qui permet d’obtenir le diagnostic histopathologique de certitude. L’acte d’injection du ciment est contrôlé en temps réel sous amplificateur de brillance. Nous avons pu constater un rééquilibrage de la marche et une normalisation de l’appui jusqu’à 5 mois après une unique injection », précise Olivier Gauthier.

Une étude non comparative

Pour cette nouvelle étude, l’objectif est de documenter et de préciser les caractéristiques des candidats éligibles à cette technique – race, localisation, nature de la tumeur et caractéristiques physiopathologiques de son développement. Il s’agit donc d’une étude non comparative (absence de lot témoin). Le temps d’inclusion prévu est de 6 mois, avec des contrôles prévus à 4 et 8 semaines, puis à 6 mois postopératoire. L’évaluation vétérinaire sera complétée par une exploration du site par imagerie médicale avec recherche de métastases pulmonaires (radiographie a minima, scanner non obligatoire) ainsi que par une appréciation subjective par le propriétaire (échelles multiparamétriques de référence concernant la douleur et le bien-être animal). La cohorte visée est de 10 à 20 sujets.

Outre Oniris, 8 autres structures vétérinaires privées, en Belgique et en France, participent également à cette étude. Cette dernière comporte un autre volet dédié à l’utilisation du ciment pour le comblement osseux traditionnel (arthrodèses, fractures). TheraVet envisage la commercialisation pour ces indications à l’horizon 2021, l’application pour l’ostéosarcome canin devrait suivre. Par ailleurs, la prochaine étape consistera à développer des produits combinés : « Nous pouvons envisager d’incorporer des principes actifs dans ce ciment résorbable non exothermique. Ce dernier libérerait in situ la molécule d’intérêt, un antibiotique, un antalgique, un inhibiteur de la résorption osseuse, voire un antimitotique, afin de proposer un effet anticancéreux local complémentaire de l’approche systémique. Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire car la science est en avance sur l’utilisation commerciale du produit », s’enthousiasme Olivier Gauthier.

1. Il a notamment participé au développement et à la mise sur le marché de produits chez l’homme, dont des ciments phosphocalciques, au sein d’une équipe de chercheurs du CHU de Nantes baptisée RMeS (Regenerative Medicine and Skeleton) et du CNRS CEISAM (laboratoire Chimie et interdisciplinarité, synthèse, analyse, modélisation) de l’université de Nantes.

UN MATÉRIAU BIOCOMPATIBLE

La prise du ciment phosphocalcique résulte d’une réaction de type acide-base donnant naissance à un sel phosphocalcique qui précipite. Il est obtenu par mélange de deux composants, l’un sous forme de poudre et l’autre liquide. Lors de la précipitation, des cristaux fusionnent entre eux, donnant sa solidité au ciment. Cet agrégat minéral caractérisé par une forte porosité est produit sans dégagement de chaleur. Il est aussi biocompatible (composition très proche de celle de l’os, aucun effet secondaire lié à l’injection), ostéoconducteur et résorbable.

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