« IL Y A AUSSI SANS DOUTE UN FONCTIONNEMENT TROP CLOISONNÉ ENTRE LES MINISTÈRES » - La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1883 du 22/01/2021

DOSSIER

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

QUESTIONS À PATRICE GAUTIER (NANTES 1994), MAIRE D’ÉVRAN ET VICE-PRÉSIDENT DE DINAN AGGLOMÉRATION (BRETAGNE) EN CHARGE DE L’AGRICULTURE ET DE LA MER

Homme politique en Bretagne, également consultant vétérinaire et expert auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Patrice Gautier appelle de ses vœux une autre organisation sanitaire en France, davantage régionalisée, pour mettre en place concrètement une politique territoriale « One Health ».

Comment expliquez-vous la réticence des acteurs de la santé humaine et des hommes politiques à intégrer les vétérinaires dans la crise sanitaire actuelle ?

La principale raison tient sans doute au fait que la décision est prise par un petit nombre de hauts fonctionnaires et de politiques à Paris. Il y a aussi sans doute un fonctionnement trop cloisonné entre les ministères. Cependant, le président de la République a quand même récemment demandé au président du Conseil scientifique d’intégrer un vétérinaire dans ce comité. La personne choisie devra à la fois avoir une expertise en matière de gestion de crise sanitaire et un lien fort avec les divers experts vétérinaires présents, en France et ailleurs, dont il devra relayer les avis, par exemple sur le rôle et le risque potentiel des animaux (élevages de visons ou autres). Par ailleurs, l’acceptation par la population des mesures proposées serait sans doute augmentée si nous avions des comités scientifiques au niveau de chaque région ou département - avec là aussi des vétérinaires -, en adoptant une bonne communication de gestion de crise. La collaboration avec les élus locaux en serait également facilitée.

Comment analysez-vous la situation française ?

De fait, en France, la collaboration entre nos fonctionnaires vétérinaires et médecins reste limitée, mais les rôles sont bien définis et la performance des services vétérinaires n’est plus à démontrer, tant sur la santé animale, les zoonoses, la sécurité sanitaire de l’alimentation, etc. La collaboration interministérielle se fait déjà sur certains dossiers de long terme, par exemple en matière d’antibiorésistance. Mais il demeure que cette collaboration a été peu testée sur des crises liées à une zoonose. Enfin, il est à noter qu’il était prévu que la France demande à être évaluée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fin 2018 sur le niveau de préparation du pays et sa conformité ou non avec le règlement sanitaire international (RSI). Une telle évaluation externe reste à mon sens nécessaire car elle permettrait d’objectiver les forces et les faiblesses actuelles du pays en matière de coopération intersectorielle et de l’approche « Une seule santé ».

Que la profession vétérinaire passe sous la tutelle du ministère de la Santé serait-ce une solution ?

Je ne le pense pas. Par contre, il faudrait étudier l’opportunité d’avoir une administration vétérinaire régionale sous l’autorité du préfet de région, mais en lien avec le Conseil régional. Cela aurait notamment du sens dans les régions comprenant un faible nombre de départements (Bretagne, Normandie, Corse, etc.). L’approche « Une seule santé » doit donc d’abord se faire à l’échelon régional, qu’il faut structurer. En Bretagne, je verrais bien une entité vétérinaire - fusion des équipes présentes dans les DDPP (directions départementales de la protection des populations) - et une entité de santé publique - l’ARS (agence régionale de santé) actuelle - sous la double autorité du préfet de région et du président du Conseil régional. Les deux entités travailleraient ensemble sur les sujets tels que les zoonoses, la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, etc.

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