UN TRAITEMENT INNOVANT DE L’OTHÉMATOME DU CHIEN - La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021

CHIRURGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : JOACHIM LAHIANI

Fonctions : Praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis, Arcueil (Val-de-Marne)

L’othématome est une accumulation de liquide séro-hémorragique au sein du pavillon auriculaire, dont la pathogénie demeure incertaine. Plusieurs hypothèses ont été formulées sans qu’aucune ne présente de preuves suffisantes. La cause exacte de formation de l’othématome étant inconnue, de nombreux traitements palliatifs ont été proposés, la plupart conduisant à des résultats décevants.

Les traitements usuels

Deux types de traitement sont couramment utilisés actuellement. L’un, conservateur, consiste en une injection de corticoïdes retards au sein de la cavité de l’othématome. L’autre, chirurgical, consiste en un drainage ouvert associé à un dispositif compressif, par des sutures : une éponge spécifique, des boutons de couture ou encore un bandage compressif. De nombreuses complications de ces traitements sont rapportées dans la littérature - récidive, infection, otite, déformation du cartilage, soins contraignants, etc. -, conduisant à un faible taux de satisfaction1.

Un traitement chirurgical innovant

Dans ce contexte, un traitement chirurgical innovant a été décrit en 20152. Son principe repose sur deux piliers : utiliser un dispositif mini-invasif de drainage aspiratif et permettre une aération et une accessibilité du conduit auditif.

Réalisation pratique

Sous anesthésie générale, tondre et réaliser une antisepsie des deux faces du pavillon et de la peau située à la base de l’oreille. Réaliser une antibioprophylaxie. Placer le chien en décubitus latéral. Aspirer le liquide d’othématome à l’aide d’une aiguille fine, de manière à prévenir sa dissémination sur le champ opératoire et assurer une bonne visibilité pendant l’intervention. Réaliser une incision cutanée et cartilagineuse d’environ 1 cm sur la face convexe (latérale si l’oreille est tombante, médiale si elle est dressée) du pavillon, en regard du point le plus proximal de la cavité ; éviter alors tout vaisseau auriculaire visible. Rincer la cavité, délier les éventuelles adhérences fibrineuses qui s’y trouvent. Adapter la longueur du drain aspiratif à la longueur de la cavité, puis l’introduire par l’incision jusqu’à l’extrémité distale de la lésion. Transfixer l’extrémité distale du drain à l’aide d’un point simple réalisé en regard de l’extrémité distale de la cavité. Réaliser une seconde incision d’environ 1 cm à la base de l’oreille. Disséquer un tunnel sous-cutané entre les deux incisions à l’aide d’un long clamp fin. Insérer l’extrémité libre du drain depuis la première et jusqu’à la seconde incision. Sécuriser le point de sortie du drain à l’aide d’un nœud en lacet chinois. Suturer la première incision par des points simples. Connecter un réservoir d’aspiration au drain. En postopératoire, utiliser une collerette et fixer le dispositif d’aspiration à celle-ci ou au collier ou harnais de l’animal. Prescrire des soins locaux quotidiens au point de sortie du drain. Privilégier une absence d’antibiotique en postopératoire, sauf lors d’atteinte septique du conduit auditif externe (otite purulente, othématome infecté). Prévoir un contrôle postopératoire à 7, 15, voire 20 jours. À chaque contrôle, calculer la production journalière du drain et évaluer l’évolution de la cavité d’othématome. Retirer le drain lorsque les deux feuillets de cartilage qui constituaient les parois de la lésion semblent soudés l’un à l’autre et que la production journalière est inférieure à 2 ml/j.

Trucs et astuces

Bien choisir son drain actif est l’une des clés de la réussite du traitement. S’il est trop rigide ou de diamètre trop important, il induira une déformation du pavillon en regard de son trajet. Si ses pores d’aspiration sont trop fins, ils se boucheront par le liquide drainé. Les drains les plus appropriés sont les drains de Blake, qui sont souples, plats, atraumatiques et dont l’aspiration est permise par quatre fenestrations continues.

Le choix du réservoir d’aspiration est aussi l’un des paramètres qui influence la réussite du traitement : un réservoir de 100 ml pourra généralement contenir suffisamment de fluide pour n’être vidé qu’à un contrôle postopératoire à 7 jours et éviter au propriétaire de manipuler le dispositif. Celui-ci devra être équipé d’une valve anti-retour pour empêcher toute contamination ascendante.

Aux contrôles cliniques postopératoires, il convient de réaliser une analyse cytologique sur le fluide drainé. En cas de contamination bactérienne, la considérer comme un précurseur d’infection et prescrire des antibiotiques à large spectre.

Penser à bien fixer le drain et le réservoir d’aspiration à l’animal en prenant en compte son tempérament. Une fixation à son collier peut être envisageable si le chien est très calme. Une fixation à un harnais est préférable pour un chien dynamique. Chez certains chiens très turbulents, il peut même être préférable d’utiliser simultanément deux collerettes de taille identique et de sécuriser entre elles le réservoir d’aspiration.

Enfin, ne pas oublier de traiter l’otite souvent associée : faire nettoyer quotidiennement le conduit auditif de l’animal par les propriétaires au domicile, leur prescrire les traitements topiques ou systémiques nécessaires à la gestion de l’otite.

Résultats et complications

Cette technique a permis d’obtenir d’excellents résultats, rapportés dans la littérature dans les deux études publiées sur le sujet2,3, caractérisés par : une bonne tolérance du montage, un taux de récidive très faible, de très bons résultats cosmétiques et une bonne satisfaction des propriétaires. La durée moyenne de drainage était de 18 jours.

La principale complication rapportée est infectieuse : pour la limiter, utiliser un matériel adapté, manipuler proprement le dispositif et maintenir quotidiennement la région saine en postopératoire.

Avantages et inconvénients

Cette technique présente de nombreux avantages indéniables. Elle est mini-invasive et permet la réalisation de soins auriculaires concomitants souvent nécessaires. Elle n’entraîne ni suintement, ni écoulement, ni macération, comme peuvent le faire les techniques chirurgicales usuelles. Bien tolérée par l’animal, dont le pavillon n’est pas alourdi par un dispositif pesant ou irritant, elle ne demande pas de soins contraignants aux propriétaires.

Elle exige toutefois une rigueur dans le choix du matériel, la sécurisation rigoureuse du montage, le suivi attentif de la production du liquide drainé et le maintien d’une bonne hygiène locale. Il ne s’agit donc pas d’une technique de choix lorsque la coopération des propriétaires semble compromise ou que l’animal est incontrôlable ou vit dans des conditions d’hygiène douteuses.

1. Hall J., Weir S., Ladlow J., Treatment of canine aural haematoma by UK veterinarians, Journal of Small Animal Practice, 2016; 57(7):360-4.

2. Pavletic M.M, Use of laterally placed vacuum drains for management of aural hematomas in five dogs, Journal of the American Veterinary Medical Association, 2015;246(1):112-7.

3. Lahiani J. et Niebauer G.W., On the nature of canine aural haematoma and its treatment with con tinuous vacuum drainage, Journal of Small Animal Practice, 2020; 61(3):195-201.

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