PRISE EN CHARGE DU CLOU DE RUE - La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021

LOCOMOTION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : MARION BOIDOT

CONFÉRENCIER

ANTOINE LECHARTIER, DMV, diplômé ECVS, enseignant à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA).

Article rédigé d’après une présentation lors du e-congrès de l’Association vétérinaire équine française (Avef) les 5 et 6 novembre 2020.

Le « clou de rue » se définit comme la pénétration de la sole par un corps étranger, généralement caractérisée par une faible surface d’entrée et une pénétration profonde, le plus souvent par des objets très contaminants, et pouvant générer des infections rapides et compliquées.

Expression clinique

Les signes cliniques consistent en une boiterie sévère pouvant aller jusqu’à la suppression d’appui, associée à un pouls digité marqué et des signes d’inflammation locale. Le test de pince sera positif s’il est pratiqué. Le diagnostic clinique est évident lorsque le corps étranger est présent et qu’il motive la consultation en urgence. Il est plus délicat lorsque l’objet impliqué a été retiré ou a disparu. Il convient de se poser la question de l’effraction par un corps étranger face à toute boiterie attribuée à un abcès de pied et qui n’évolue pas favorablement après plusieurs jours de soins locaux, et ce, même en l’absence de plaie dans les commémoratifs.

Identification des structures touchées

La phase la plus importante va donc être celle de l’identification des structures profondes touchées. Selon le point et l’angle d’entrée du corps étranger, l’effraction peut provoquer des lésions dans différentes structures, parmi lesquelles le tendon fléchisseur profond du doigt, la phalange distale, la bourse naviculaire et les récessus synoviaux de l’articulation interphalangienne distale.

L’imagerie médicale est indispensable.

Radiographie : le corps étranger ne doit pas être retiré jusqu’à la réalisation de 2 incidences, afin d’identifier le trajet et l’implication probable des différentes structures du pied. En l’absence de corps étranger, l’examen permet notamment d’évaluer la présence de séquestres osseux ou d’ostéomyélite.

Échographie du pied : en complément, un examen échographique du pied par voie transcutanée et transfurcale, après préparation du pied, permet de confirmer l’atteinte de structures profondes et d’identifier d’éventuels signes de sepsis : synovite marquée, présence de gaz, irrégularité osseuse, voire identification d’un corps étranger non visible à la radiographie.

Radiographies complémentaires (après retrait du corps étranger) : l’injection de produit de contraste dans la bourse naviculaire ou dans les récessus synoviaux permet de vérifier l’intégrité de ces structures.

L’utilisation d’une sonde radio-opaque stérile, placée dans le trajet d’effraction, permet d’évaluer la profondeur de la plaie et les risques d’implication des structures profondes du pied.

Notons que la douleur intense peut compliquer l’examen et rendre nécessaire une anesthésie tronculaire abaxiale bilatérale.

Prise en charge médicale et chirurgicale

La prise en charge immédiate vise à contenir l’infection et à gérer la douleur : injection systématique d’un sérum anti-tétanique, mise en place d’une antibiothérapie large spectre agressive - par voie générale : combinaison pénicilline et gentamicine ; par voie loco-régionale sous garrot : amikacine en milieu hospitalier -, administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Le traitement spécifique repose sur le retrait du corps étranger et sur le débridement des zones infectées ou nécrotiques, par un parage agressif de la sole et par des interventions chirurgicales ciblant les structures atteintes (arthroscopie lors d’atteintes des structures synoviales, ténoscopie, curetage de P3, etc.).

Les soins post-opératoires consistent en un drainage important de la zone lésée, passant par des bains du pied désinfectants quotidiens ou par l’utilisation de drains, voire d’asticots stériles, et par la protection du pied vis-à-vis des ré-infections : une ferrure protectrice avec plaque de soins doit être posée, associée à un bandage étanche jusqu’à cicatrisation complète du défaut de corne.

En cas d’atteinte de l’appareil podo-trochléaire, une ferrure compensée sera mise en place.

Pronostic

Si les atteintes superficielles ont un bon pronostic après débridement et drainage de la plaie, les effractions affectant les structures profondes du pied ont un pronostic beaucoup plus réservé, avec un pronostic vital engagé et un taux de retour à l’activité antérieure variant de 30 à 80 % selon les études et la méthode de débridement (endoscopique ou classique). Les lésions de la phalange distale ou de la bourse naviculaire assombrissent le pronostic ; celui-ci est meilleur, du moins variable, lors d’atteinte postérieure ou d’admission dans un centre de référé.

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