LES PILIERS DE LA LUTTE CONTRE L’ABANDON DES ANIMAUX DE COMPAGNIE - La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021

POLITIQUE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Un plan d’action inédit contre l’abandon des animaux de compagnie vient d’être établi par Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture. Trois axes majeurs sont envisagés : sensibiliser, organiser/accompagner et sanctionner. La proposition de loi sera présentée à l’Assemblée nationale à la fin du mois.

Une première dans la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie… Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a présenté le plan d’action du gouvernement fin décembre. Si nombre d’avancées sont saluées, comme une charte signée par les associations vétérinaires et la plateforme Leboncoin, les attentes se portent aussi sur la proposition de loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale à la fin du mois de janvier. Des avancées certes, mais des sanctions qui n’ont pas l’ampleur des attentes en termes de protection animale, et parfois de la déception devant les problématiques retirées de la proposition de loi, comme certaines pratiques de chasse, la notion morphologique des catégories de chiens dits dangereux, etc. Cette proposition de loi est en effet large, car elle aborde les animaux de compagnie, les équidés, l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums, les élevages de visons d’Amérique, etc.

Un certificat de sensibilisation pour toute acquisition

Avec le constat de 100 000 animaux de compagnie abandonnés chaque année, le ministre de l’Agriculture a voulu un plan contre les abandons volontariste qui se décline autour de trois principaux axes : sensibiliser, contrôler, sanctionner. « Il faut se poser la question de l’achat de l’animal de compagnie, car c’est souvent un achat impulsif, et l’acheteur ne se rend pas forcément compte de ce que cela implique en termes de droits et de responsabilités », dresse en premier constat le ministre de l’Agriculture. Pour lutter contre ces comportements impulsifs, « nous souhaitons mettre en place un certificat de sensibilisation pour toute acquisition d’un animal ». Les modalités de ce certificat seront précisées par décret. « Ces certificats permettront une prise de conscience. » Ainsi, dès que la loi sera adoptée, toute acquisition d’un chien ou d’un chat effectuée dans une animalerie, un refuge, etc. sera liée à un certificat de sensibilisation où seront précisées l’ensemble des conséquences de l’acte d’acquisition ou d’adoption : soins, alimentation, engagement financier, etc.

Informer dès le plus jeune âge

Deuxième volet de ce plan, « l’information de toutes et tous, et l’information des plus jeunes, car la relation entre l’animal et l’homme se détermine souvent lors du plus jeune âge », explique Julien Denormandie. Ainsi, un fascicule de communication a été élaboré, porté par les ministères de l’Agriculture et de l’Éducation. En outre, « on a mis fin à la vente des chiens et chats dans les camions ambulants, et nous allons encadrer la vente des animaux de compagnie sur Internet ».

Investir dans les capacités d’accueil

Le ministère de l’Agriculture mise aussi sur le renforcement des capacités d’accueil des structures qui prennent soin des animaux abandonnés. Un plan de 20 millions d’euros est apporté. « Ils seront d’abord destinés à hauteur de 14 millions d’euros pour le renforcement des infrastructures existantes, pour accroître leurs capacités d’accueil et améliorer leurs conditions. Ces 14 millions d’euros font appel à manifestation d’intérêt. Les structures de petites tailles seront à relancer en priorité. Le contenu de cet appel à manifestation d’intérêt a été discuté avec l’ensemble des refuges. »

En outre, 2 millions d’euros vont permettre d’investir dans un observatoire qui permettra de disposer de données sur le phénomène.

Encourager la médecine vétérinaire solidaire

Quant à la prise en charge des soins aux animaux des personnes démunies, « un gros travail a été fait avec la profession vétérinaire. L’État apportera 4 millions d’euros pour aider cette médecine vétérinaire solidaire », explique Julien Denormandie. « Les vétérinaires sont les acteurs quotidiens du bien-être et de la santé des animaux. Ils sont en première ligne assez régulièrement et conscients du rôle social de l’animal et du lien homme-animal. Ils cherchent des solutions et en trouvent chaque jour pour éviter le renoncement aux soins. Cette préoccupation est permanente », explique Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). « Les vétérinaires font preuve de cœur sans jamais en réclamer le monopole. » Le 6 février 2020, lors de la Journée nationale vétérinaire, la profession avait remis au goût du jour l’association Vétérinaire pour tous, née de la profession il y a déjà plusieurs années. « Cette solution doit être accessible à tous et sur tout le territoire. » Cette association ouverte à tous les vétérinaires va devoir se positionner comme un dispositif permanent de médecine solidaire. « Nous aurons à notre charge de trouver un financement pérenne à ce modèle. » En termes de fonctionnement, les services sociaux détermineront qui peut bénéficier de cette aide. Le vétérinaire établira les soins et une facture, et celle-ci sera prise en charge en partie par le praticien, les structures VPT et le propriétaire, car il y a nécessité de le responsabiliser. Chaque animal aura un dossier, pour son suivi chez plusieurs vétérinaires si c’est nécessaire.

Renforcer les sanctions

En ce qui concerne les sanctions, « il est important qu’[elles] soient assez dissuasives pour créer un électrochoc. Je souhaite que nous puissions renforcer les sanctions en cas d’abandon, car c’est un acte de maltraitance », martèle Julien Denormandie. Ce renforcement passe de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à 3 ans et 45 000 euros. Mais les mesures existantes seront-elles déjà appliquées ? Car le dispositif actuel manque de concrétisations dans les faits.

Jusqu’à présent, la sanction du non-respect de l’obligation d’identification n’existe que pour les chiens. Le ministre de l’Agriculture a souhaité l’étendre aux chats via un décret du 18 décembre 2020. Une amende forfaitaire de 135 € - pouvant être majorée à 750 euros - peut ainsi être appliquée aux contrevenants. Les gardes champêtres et la police municipale seront impliqués dans la mise en place des sanctions.

Une charte d’engagement

Une charte d’engagement en faveur de la protection et du bien-être des animaux de compagnie faisant l’objet d’une transaction via une plateforme en ligne a été élaborée entre Leboncoin et les organisations vétérinaires. Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, déclare que « responsabiliser celui qui propose à la vente des animaux, mais aussi celui qui va faire la démarche de les acquérir, est bien l’objet de cette charte d’engagement ».

Des questions restent en suspens. Pour toutes ces mesures, Jean-François Rousselot, président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) estime aussi qu’ « il est possible d’inclure les NAC de façon logique et intéressante ». En outre, Jacques Guérin rappelle que les vétérinaires sont souvent « sur un fil » et que la notion de secret professionnel est à porter en réflexion : « Il nous faut une sécurité juridique, mais aussi une sécurité physique », alors que les agressions dans les cliniques vétérinaires se multiplient.

À suivre donc en cette fin de mois à l’Assemblée nationale.

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