ÉPIDÉMIOLOGIE DES INFECTIONS INTRAMAMMAIRES À STREPTOCOCCUS UBERIS - La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1882 du 15/01/2021

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIER

PHILIPPE ROUSSEL, chef de projet Santé animale Institut de l’élevage, Idele.

Article rédigé d’après la conférence « Épidémiologie des infections intramammaires à Streptococcus uberis dans des troupeaux laitiers français à l’aide d’une méthode de typage moléculaire » présentée par lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.

Les infections mammaires en lactation sont responsables aujourd’hui encore d’un tiers des pertes économiques rencontrées en élevage de bovins laitiers et pénalisent le revenu de nombreux éleveurs. Face à cette problématique, des plans de maîtrise des mammites sont proposés aux éleveurs depuis plus de trente ans et appliqués dans les troupeaux. Ces pratiques ont permis de diminuer la prévalence des mammites subcliniques dues aux pathogènes à réservoir mammaire tels que Staphylococcus aureus.

Mieux connaître les mammites à S. uberis

Cependant, une augmentation de la prévalence des mammites dues à Streptococcus uberis (S. uberis)1 a été constatée, contribuant à une hausse des niveaux cellulaires du lait livré en France. Selon les hypothèses actuelles, il semblerait que ces bactéries se transmettent aux vaches par contamination de l’environnement mais aussi par contagion à partir d’une autre vache2. Toutefois l’incertitude sur la voie de transmission des infections dans des troupeaux fortement infectés complexifie les plans d’action proposés par les intervenants de terrain. C’est pourquoi, afin d’avoir une meilleure connaissance de l’épidémiologie des infections à S. uberis au sein des troupeaux et pour mieux cibler les actions de maîtrise à mettre en place, un programme de recherche avec analyses moléculaires des souches de S. uberis a été lancé en 20103.

Au cours de l’année 2010, 19 troupeaux de bovins laitiers (Bretagne et Pays de la Loire) à problèmes récurrents de S. uberis ont été recrutés. Entre décembre 2010 et juin 2011, 4 à 5 séries de prélèvements aseptiques d’échantillons de lait de quartier ont été effectuées sur toutes les vaches en lactation à intervalle de 6 semaines pour analyses bactériologiques et typages moléculaires. L’identification des espèces bactériennes des échantillons4 a permis de différencier les souches de S. uberis environnementales de celles issues d’une contagion grâce à la technique MLVA (multiple locus variable number of tandem repeats analysis). Cette dernière permet en effet de différencier les souches de S. uberis en étudiant par PCR 8 régions du chromosome bactérien qui contiennent des séquences répétées en tandems et en nombre variable selon les souches5.

Les données collectées dans cette étude ont permis de montrer que lors de mammites cliniques, les bactéries présentes étaient pour la plupart des agents pathogènes mineurs, c’est-à-dire des staphylocoques à coagulase négative et les corynébactéries. En ce qui concerne les agents pathogènes majeurs, S. uberis a été le principal pathogène retrouvé dans ces troupeaux avant les entérobactéries et les staphylocoques à coagulase négative. Pour la plus grande majorité des isolats de S. uberis identifiés, les profils ont pu être regroupés en 203 souches différentes. Le nombre de souches par troupeau variait de 5 à 30, ce qui suggère des différences de dynamique des infections entre troupeaux.

Contamination par l’environnement ou contagion entre vaches ?

Au cours de la période d’étude, 291 quartiers ont été nouvellement infectés par S. uberis. Ces nouvelles infections sont issues pour 44 % de contaminations par l’environnement et pour 56 % de contagions à partir d’un autre quartier, le plus souvent d’une autre vache (80 %). Même si aucune relation n’a pu être mise en évidence entre les pratiques d’élevage et les voies de transmission des infections, une tendance à une plus forte contamination par l’environnement des vaches en début de lactation a été démontrée6.

La méthodologie retenue dans ce protocole pour décrire la dynamique des infections à S. uberis dans les troupeaux est originale par son envergure, par la mise en place d’un suivi longitudinal et enfin par la technique de typage moléculaire employée (MLVA) qui se révèle très discriminante pour différencier les souches de S. uberis. Les résultats obtenus ont permis de confirmer les données des études antérieures7 quant aux deux origines des mammites. Ainsi, selon les auteurs, les infections issues de contaminations par l’environnement pourraient provenir d’infections durant la période tarie qui persistent en début de lactation ; quant aux contagions d’un quartier contaminé vers un quartier sain, elles se font vraisemblablement au cours de la traite ou indirectement par contact entre un quartier sain et un environnement récemment contaminé8. La proportion de contagion versus contamination varie fortement entre élevages avec, dans presque tous les cas, les 2 types de voies d’infection qui se côtoient.

Des traitements plus adaptés

Par ailleurs, le typage des souches de S. uberis a permis d’investiguer la problématique des échecs thérapeutiques constatés dans les troupeaux. Il semblerait qu’ils soient liés aux réinfections des vaches par des souches différentes. En effet, lors de mammites cliniques, le taux de guérison des traitements antibiotiques est de 71 % avec une efficacité d’autant plus élevée que l’infection est récente. La précocité de détection et de traitement des infections cliniques et subcliniques de la mamelle est donc un élément fondamental de l’efficacité des traitements9. Enfin, même si la voie environnementale est systématiquement présente dans les élevages et semble être à l’origine de la présence de l’ensemble des souches de S. uberis, la voie contagieuse, bien qu’extrêmement variable d’un élevage à l’autre, devrait selon les auteurs faire davantage l’objet de mesures de prévention.

1. Leigh, 1999 ; Bidaud et al, 2007.

2. Zadoks, 2007.

3. UMT Maitrise de la santé des troupeaux bovins, avec un financement du ministère de l’Agriculture.

4. Recommandations du National Mastitis Council, NMC, Laboratory Handbook on Bovine Mastitis, 1999.

5. Gilbert et al, 2006.

6. Bradley et al., 2007 ; Kalmus et al., 2011.

7. Khan et al., 2003, Zadoks et al, 2003.

8. Zadoks et al., 2001.

9. Barkema et al., 2006.

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