UNE VENTE QUI INTERROGE LES COMPORTEMENTS - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY

Un jugement aborde la problématique de l’annulation de vente, en raison du comportement d’un équidé qui ne correspond pas aux attentes, et la notion d’intermédiaire.

Les faits

Mme K., cavalière d’un bon niveau amateur en compétition de saut d’obstacles, est propriétaire du cheval Willy qu’elle a mis en pension aux écuries de M. S. depuis mars 2016. Malheureusement, Willy meurt quelques mois plus tard de coliques. Mme K. cherche alors un autre cheval pour continuer sa pratique de l’équitation. Après un premier achat décevant, Mme K. se rapproche de la société de M. V., négoce de chevaux de sport. Le 27 janvier 2017, elle fait l’acquisition de la jument Bouton d’Or pour la somme de 20 000 euros. Mais le tempérament de la jument ne convient pas à Mme K. qui demande au vendeur de lui échanger l’équidé contre un autre. Le cheval Atomic, après une visite vétérinaire satisfaisante effectuée le 1er mars 2017, arrive dans la vie de Mme K. Mais Atomic ne fait pas non plus l’affaire. En avril 2018, Mme K. met en demeure le cédant d’accepter l’annulation de la vente et de lui rembourser le prix en raison du comportement dangereux du cheval qui ne correspond pas à ses attentes.

Saisine de la justice

Les demandes sont multiples, les fondements divers. Fait notable ici : l’acte judiciaire est dirigé contre deux personnes. Mme K. assigne en effet non seulement le vendeur mais aussi le propriétaire des écuries où se trouvait l’équidé, M. S., dans la mesure où il l’avait accompagnée le jour de l’essai d’Atomic. Ainsi, Mme K., qui affirme qu’Atomic est dangereux, attaque à la fois sur le fondement de la garantie de conformité – un cheval dangereux est non conforme – et du défaut de conseil – la dangerosité aurait dû lui être signalée.

Demandes indemnitaires

Plusieurs demandes indemnitaires sont faites : remboursement du prix de vente ; remboursement par Messieurs V. et S. des frais d’entretien et de soins du cheval, à savoir 12 190 euros ; paiement par M. S. de 10 000 euros eu égard à son défaut de conseil ; indemnisation du préjudice moral pour 10 000 euros ; une expertise judiciaire si nécessaire.

Le tribunal

Sur la garantie légale de conformité, le tribunal rappelle que l’acquéreur doit démontrer l’existence d’un défaut de conformité et prouver que celui-ci existait au jour de la vente. Il relève ensuite que Mme K., loin d’être une débutante, pratique l’équitation depuis de nombreuses années, ce qui a une grande importance. En effet, les jurisprudences relatives à un équidé jugé inapproprié au cavalier concernent quasiment toujours des débutants. Le tribunal note ensuite que rien ne vient prouver le caractère dangereux. Bien au contraire, soins dentaires, ostéopathie et autres ont pu être réalisés sans que le cheval ne manifeste le moindre signe d’agressivité. Le tribunal souligne également qu’« il ne saurait être exclu que le tempérament du cheval ait pu évoluer au fil des mois en raison de diverses causes, inhérentes ou étrangères aux parties ».

Conclusion : le demandeur succombe « à rapporter la preuve d’un défaut de conformité de l’animal mais également de l’antériorité de ce prétendu défaut à la vente ». Conséquence : débouté de la demande « en résolution de la vente et (…) en remboursement des frais d’entretien de l’animal ».

Sur les dommages et intérêts, le juge rappelle que le professionnel vendeur et seulement celui-ci doit délivrer au consommateur préalablement à la cession les caractéristiques essentielles du bien vendu (article L. 111-1 du code de la consommation). M. S. n’est pas intervenu à ce titre : « Ce dernier n’était pas partie au contrat de vente litigieux et le simple fait qu’il ait orienté les époux K., à leur demande, vers un professionnel du négoce de chevaux et qu’il ait donné son avis sur l’opportunité de l’opération ne suffit pas à établir sa qualité de partie à la vente litigieuse. » C’est donc un débouté de la demande en dommages et intérêts. Pas de mesure d’expertise non plus eu égard notamment au délai écoulé entre la vente et le jugement rendu.

En conclusion : une décision intéressante par l’abord du comportement du cheval et la notion d’intermédiaire à la vente.

Source : Commentaire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 6 novembre 2020.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr