UN VÉTÉRINAIRE PRÊT À FRANCHIR LA PORTE DU CONSEIL SCIENTIFIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

COVID-19

ANALYSE

Auteur(s) : MICHAELLA IGHO-MORADEL

Après plusieurs semaines de mobilisation des acteurs de la santé animale, l’exécutif semble avoir fini par bouger. Il devrait annoncer dans les prochains jours l’intégration d’un vétérinaire au conseil scientifique Covid-19.

À quand un vétérinaire au conseil scientifique Covid-19 ? Selon des bruits de couloir, cela ne saurait tarder. En quelques semaines, tout s’est accéléré. Le Conseil scientifique a récemment contacté des acteurs de la profession, comme l’Académie vétérinaire de France, à ce sujet. « Il sera annoncé très prochainement l’intégration d’un vétérinaire dans le conseil scientifique. Cette décision est d’une logique implacable », dévoile le député de la majorité Loïc Dombreval et président du groupe d’études Condition animale à l’Assemblée nationale.

Ce vétérinaire de formation a sensibilisé en octobre dernier le président de la République à l’idée d’enrichir le conseil scientifique Covid-19 en y intégrant des vétérinaires. Dès mars 2020, c’était l’Académie vétérinaire de France qui appelait à « associer les vétérinaires dans la gestion de la crise Covid-19 pour gagner en expertise et efficacité ». Son président, Jean-Luc Angot, ne cesse d’ailleurs de sensibiliser les décideurs à une mise en œuvre concrète du concept One Health pour faire face au virus et poursuit son engagement afin qu’un vétérinaire intègre au plus vite le Conseil scientifique Covid-19. Mi-novembre, c’était au tour de Jacques Guérin, président du conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), de demander à Emmanuel Macron de nommer un vétérinaire au conseil scientifique chargé d’éclairer les décisions de l’exécutif pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Ces différentes initiatives ont, semble-t-il, fini par porter leurs fruits.

Une expertise indéniable

« Ce vétérinaire aura une expérience de terrain et un cursus qui démontre qu’il a un haut niveau scientifique sur les maladies infectieuses, les zoonoses ou encore l’épidémiologie », détaille Loïc Dombreval concernant le profil du vétérinaire qui intégrera le conseil scientifique Covid-19. Son identité devrait être dévoilée dans les prochains jours. Pour les acteurs de la santé animale, cette participation des vétérinaires à la prise de décision coule de source. « Dans ce conseil scientifique, l’accent a été mis sur ce qui concerne l’organisation, le traitement et le vaccin en oubliant la question de l’origine animale de la maladie. Or, nous savons bien que les vétérinaires en zone rurale ont l’habitude fréquente de traiter les questions épidémiques, et ce, avec des moyens restreints. Ils ont acquis des méthodes qui ont montré leur efficacité. La médecine de population est leur quotidien », argumente le député. Pour Jacques Guérin aussi, l’expertise vétérinaire serait un vrai plus dans la stratégie du Gouvernement. « Nous avons un certain nombre d’arguments à faire valoir pour enrichir les discussions au sein du conseil scientifique Covid-19. La profession vétérinaire démontre qu’elle est résiliente face à ce type de crise. Ce qui est en jeu n’est pas forcément sa place mais l’approche individuelle d’une pandémie versus l’approche par les populations. J’espère que la crise Covid-19 permettra aux acteurs de la santé humaine de prendre conscience qu’il y a une approche populationnelle à prendre en compte. Les vétérinaires savent le faire. » Un débat qui n’est pas sans rappeler celui du début de crise sur la mobilisation des ressources vétérinaires. Aujourd’hui encore, le potentiel des acteurs de la santé animale n’est pas pleinement exploité. « De façon très surprenante, aucun vétérinaire ne participe aux travaux du conseil scientifique Covid-19, alors que c’est le cas dans d’autres pays européens (…), par exemple en Allemagne ou encore en Italie », rappelle Loïc Dombreval avant de constater une forme de dédain de la médecine humaine envers la médecine vétérinaire.

Mais toujours peu exploitée

Là encore, les vétérinaires sont à l’initiative. Outre-Rhin, le conseil scientifique compte un vétérinaire parmi ses membres. Les vétérinaires « dirigent même la gestion de crise en Allemagne et en Chine. Dans ces deux pays, on peut constater que les tests ont été effectués précocement en mobilisant largement les laboratoires vétérinaires et que les mesures barrières, dont le port du masque, ont été mises en place dès le début de l’épidémie », a souligné le député dans un courrier adressé en octobre au président de la République. Si le Gouvernement semble enfin avoir changé son fusil d’épaule, il y a de quoi s’interroger sur le timing de cette décision qui intervient plusieurs mois après la création du conseil scientifique Covid-19. L’expertise vétérinaire sera-t-elle pleinement exploitée à ce stade de la crise alors que la mise sur le marché d’un vaccin est annoncée ? Et surtout, son rôle sera-t-il pérennisé ? Pour Loïc Dombreval, il n’est pas trop tard pour que la profession démontre sa valeur ajoutée : « Les vétérinaires peuvent également apporter leur expertise sur la stratégie vaccinale anti-Covid-19. Ils n’apporteront pas de solutions miracles dans ce conseil scientifique mais arriveront riches de leurs expertises. Cette crise sanitaire peut être un levier majeur pour apporter cette compétence vétérinaire au plus haut niveau. » Pour Jacques Guérin, dès le début de la crise, les vétérinaires ont su concrétiser « le concept One Health que la France réclame au niveau international ». « Nous mettons les pouvoirs publics en responsabilité devant le concept One Health. Est-ce qu’ils souhaitent lui donner une matérialité ? Je reste optimiste et espère que les choses pourront aboutir. » Affaire à suivre donc !

Une contribution pragmatique en Nouvelle-Aquitaine

Au niveau régional, Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, n’a pas attendu la décision de l’exécutif pour s’entourer d’un conseil scientifique. Lancé il y a quelques semaines, ce groupe de réflexion régional est composé d’une quarantaine de membres avec des compétences diverses. Parmi eux figure Marc Prikazsky, président de Ceva Santé animale.

« Du fait de mon implication dans la vie locale, j’ai été spontanément contacté afin d’intégrer ce conseil scientifique régional (…) Son but est d’accompagner la région dans la gestion de la crise sanitaire actuelle mais pas uniquement. Il mène une réflexion dans le moyen et long terme sur d’autres risques émergents. Nous menons par exemple des réflexions sur le risque nucléaire et sa gestion, l’utilisation de produits phytosanitaires ou encore la gestion des publics fragiles particulièrement touchés dans des périodes de crises sanitaires ou économiques. L’intérêt est d’avoir des contributions de personnes pragmatiques issues de tous les domaines afin de se préparer à une prochaine crise », détaille Marc Prikazsky. Pour lui aussi, l’absence de vétérinaire dans le conseil scientifique Covid-19 est incompréhensible. « Il me paraît logique d’inclure les vétérinaires qui ont cette vision très globale de la médecine de population de par leur formation. La profession vétérinaire est en train de se souder au travers de cette crise. Nous avons un rôle majeur à jouer. » Selon lui, cette initiative locale devrait inspirer d’autres régions. « Il serait préférable de revenir à un niveau régional pour gérer une telle crise et mieux faire passer des messages importants. Il va falloir que l’on se prenne en main localement. Si cette initiative peut permettre d’aider d’autres régions, voire l’État, nous en serions ravis. »

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