PRATIQUES EN ABATTOIRS : DES TOLÉRANCES INACCEPTABLES EN FRANCE - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

EXPRESSION

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER

Fonctions : président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA)

La pratique a parfois force de loi. Ce qui constitue une hérésie dans un État de droit semble pourtant se vérifier dans certains abattoirs français. Alors que la mise à mort des animaux est encadrée par le règlement (CE) n° 1099/2009, certaines pratiques contraires à cette réglementation perdurent, tolérées par les services d’inspection de l’État ou avalisées par le ministère de l’Agriculture dans une note de service. Lors de ses audits en abattoirs, l’OEuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) a ainsi noté la tolérance par le ministère de l’Agriculture de plusieurs pratiques non conformes à la réglementation européenne : usage sur des porcs non adultes d’un appareil soumettant l’animal à un choc électrique (ASACE), ou aiguillon électrique, défaut de contrôle systématique de l’absence de signe de vie avant l’habillage ou l’échaudage, absence d’inspection ante-mortem de tous les animaux de boucherie et de la possibilité de faire contrôler le bien-être des animaux à leur arrivée dans l’abattoir par un transporteur. L’OABA a donc questionné la Commission européenne sur ces différentes pratiques.

Position de la Commission européenne

Dans deux courriers distincts, de 2017 et 2020, la Commission européenne a confirmé que ces pratiques n’étaient pas conformes au droit européen et à son interprétation. Ainsi, l’ASACE ne peut pas être utilisé sur des porcs qui ne sont pas adultes, ce qui est le cas des porcs charcutiers habituellement abattus entre 110 et 120 kilos. Par ailleurs, le contrôle des animaux lorsqu’ils arrivent dans un abattoir doit être effectué par un responsable protection animale (RPA) ou un personnel placé directement sous son autorité, ce qui n’est pas le cas d’un transporteur. Enfin, le contrôle de l’absence de signes de vie avant l’habillage ou l’échaudage doit être effectué pour chaque animal. Les précisions données par la Commission européenne sont essentielles au regard de l’incidence de ces pratiques sur la protection animale en abattoir.

Le ministère de l’Agriculture : législateur malgré lui

Or, certaines de ces pratiques, qui contreviennent au droit européen, sont tolérées, voire avalisées par le ministère de l’Agriculture. Il en est ainsi de la possibilité pour un fournisseur de contrôler l’état des animaux lors de leur arrivée à l’abattoir (note de service DGAL/SDSSA/N2010-8171 en date du 23 juin 2010).

Quant à l’inspection ante-mortem, si elle doit en théorie concerner tous les animaux arrivés à l’abattoir, la pratique est bien différente. C’est le constat fait par l’OABA dans certains des abattoirs audités où le contrôle ante-mortem n’a concerné qu’un nombre réduit d’animaux : 10 à 20 % d’entre eux, voire 2 % dans un établissement.

Des solutions existent

Outre le non-respect de la réglementation, ces tolérances sont d’autant moins acceptables qu’il existe des solutions pour éviter de recourir à ce type de pratiques. Il en est ainsi de l’usage de l’ASACE qui peut être remplacé notamment par une amélioration structurelle des locaux. Le contrôle systématique des signes de vie avant l’échaudage ou l’habillage peut, dans certains cas, être remplacé par des contrôles sur un échantillonnage représentatif. Quant au contrôle des animaux à l’arrivée par une personne habilitée, il revient à l’abattoir de mieux planifier les approvisionnements ou de prévoir du personnel formé, placé sous l’autorité d’un RPA lorsque les arrivées se font en dehors des heures d’activité de l’abattoir. Enfin, pour ce qui concerne le contrôle systématique ante-mortem qui doit être réalisé par les services d’inspection, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son avis du 27 novembre 2019, a rappelé le faible montant de la redevance sanitaire, contrairement à nos voisins européens. Une hausse de cette taxe permettrait sans nul doute d’augmenter les effectifs des services de l’État en abattoirs. Nombre d’abattoirs, qui ont fait des demandes pour une inspection ante-mortem systématique, n’ont pu obtenir satisfaction de la part de leur DDPP… Il est difficilement admissible que le ministère puisse adapter de manière hasardeuse le droit à la contrainte budgétaire, au risque de manquer à sa mission de service public : assurer la bientraitance animale en abattoir et la sécurité sanitaire des viandes.

Communiqué de l’OABA

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