MESURES DE SOUTIEN DE L’ÉTAT, STOP OU ENCORE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

CRISE SANITAIRE

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

Que faire des aides de soutien gouvernementales sollicitées ? Du prêt garanti par l’État si on ne l’a pas utilisé, des reports des échéances sociales et fiscales si la trésorerie se porte bien, du différé d’amortissement obtenu sur un remboursement d’emprunt, etc. Faut-il les arrêter avant la fin de l’année 2020 ou les conserver en 2021 ? Analyses et conseils d’experts.

Par mesure de sécurité, pendant le premier confinement, vous avez accepté la main tendue de l’État et bénéficié d’une ou plusieurs mesures de soutien aux entreprises mises en place par le gouvernement : mise en chômage partiel des assurés, report des échéances sociales et fiscales ou d’emprunt, sollicitation auprès de la banque d’un prêt garanti par l’État (PGE), etc. afin de faire face aux impacts de la crise sanitaire sur votre activité. L’objectif immédiat, alors que personne ne savait où on allait, était de préserver votre trésorerie pendant cette période plus ou moins longue de confinement et d’avoir les moyens de relancer l’activité en sortie de crise. Ces mesures d’accompagnement « pour passer le cap » ont été mises en place avec l’aide de votre expert-comptable. Aujourd’hui, votre activité est redevenue normale, ou si ce n’est pas tout à fait le cas les effets de la seconde vague de Covid-19 se font beaucoup moins sentir que la première. Fort logiquement, vous n’avez plus recouru à la possibilité de chômage partiel, la stabilité de l’activité (activité de convenance maintenue avec toutes les mesures barrières) ne le nécessitant pas. Alerté par votre expert-comptable, vous vous interrogez maintenant sur l’intérêt de conserver ces dispositifs d’aide.

Maintien du PGE : des avis partagés

Le scénario de sortie de crise est un point clé car il conditionne la reprise de l’économie dans un contexte où, il ne faut pas se le cacher, de nombreuses contraintes sanitaires vont probablement se maintenir. La reprise d’activité nécessitera de disposer d’une trésorerie suffisante. Dans l’arsenal des aides, le PGE est le meilleur dispositif pour sécuriser sa trésorerie, pérenniser son entreprise et préserver ses emplois. De mise en place facile, en quelques jours, sur simple demande auprès du partenaire bancaire, il peut tout aussi rapidement être fermé. « Si au bout de 12 mois (ou avant), vous constatez ne pas en avoir besoin, vous pourrez le rembourser en une seule fois », conseille Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet Lecoeur, Leduc et associés. Pour rappel, ce prêt peut être remboursé sur une durée maximale de 5 ans avec un différé de 12 mois. Si ce prêt a été contracté au printemps dernier, le chef d’entreprise dispose encore de quelques mois pour décider de son sort.

Amélie Bouttemy, experte-comptable du cabinet AdequA, estime que les entreprises peuvent avoir intérêt à garder plus d’un an ce dispositif de financement complémentaire particulièrement avantageux. « Des chefs d’entreprise, souvent les plus jeunes, ne mesurent pas l’intérêt du PGE, notamment lorsque la situation de trésorerie leur apparaît favorable aujourd’hui. Attitude peut-être présomptueuse ? En effet, la décision de faire une pause s’inscrit dans une réflexion à long terme avec des emprunts remboursables le plus souvent sur 10-12 ans au départ, et alors que les conséquences de la crise se feront sentir plus tard, dans quelques années. Il faut donc anticiper, car le caractère automatique et simple de cette mesure ne sera pas pérenne, et il apparaîtra plus compliqué de solliciter le soutien de la banque lorsque les difficultés seront vraiment là. »

Un prêt par sécurité

Autre réticence des chefs d’entreprise pour le PGE soulignée par cette experte-comptable : « Ils se focalisent parfois sur le coût de l’opération qui, en réalité, ne dépasse pas le taux d’intérêt des emprunts initiaux (faibles actuellement), et cet inconvénient apparent est bien relatif au regard des avantages de la prudence et d’une trésorerie toujours confortable au service du pilotage de l’entreprise. » Selon elle, la sollicitation d’un PGE s’inscrit dans la même logique de recherche de sécurité et d’anticipation, et donc dans la durée.

« Enfin, il faut reconnaître qu’un certain nombre de dirigeants, en dehors de la crise du Covid, auraient de toutes les façons rencontré de réelles difficultés à aller au terme de leurs emprunts. Elles apparaissent souvent sur les dernières années d’échéances et s’accompagnent nécessairement de mesures préventives traditionnelles comme le réétalement ou le refinancement. Ici, avec les deux dispositifs de soutien (pause des emprunts et PGE), ils ont ainsi été nombreux à trouver une solution simple et efficace pour gérer cette situation prévisible. Ils ont renfloué leur trésorerie, sont plus sereins et en capacité de gérer les prochaines crises locales éventuelles, comme en traverse régulièrement chaque PME. Plus loin même, certains ont pu soutenir plus facilement leurs projets de développement. »

Le conseil de Philippe Becker, expert-comptable chez Fiducial, est à mi-chemin entre les deux positions précédentes : « Pour les entreprises qui ont souscrit un PGE, elles doivent conserver les fonds quelque temps car nous n’avons pas de visibilité sur ce que sera l’économie dans 3 mois et encore moins dans 6 mois. »

Que faire avec les autres mesures ?

Si le chef d’entreprise sollicite un report de 6 mois ou plus du remboursement du crédit sur l’officine sans en changer la durée, avec pour conséquence une augmentation des mensualités, il conviendra d’en tenir compte aussi pour ne pas se retrouver devant un mur de dettes si plusieurs prêts sont à rembourser simultanément.

Une autre conséquence des mesures de soutien à anticiper concerne le paiement des cotisations Urssaf d’indépendant. Après la période de reports massifs de cotisations depuis le mois de mars dernier, la rentrée a donné lieu à une reprise progressive de la collecte et du recouvrement des cotisations selon des modalités adaptées aux secteurs en difficulté. « Les appels de cotisation se font sur la base d’une assiette réduite de 50 %, ce qui signifie que le dirigeant va déclarer moins de cotisations en 2020 avec un effet “kiss cool” d’augmentation de la fiscalité de ses revenus en 2021 », met en garde Joël Lecoeur. Il incite donc les professionnels libéraux qui n’auront pas enregistré une baisse d’activité à la fin de l’année, et si la trésorerie le permet, à régulariser sur 2020 toutes les cotisations sociales du dirigeant mises en report.

Adapter sa gestion financière aux besoins

Le bon sens de la gestion comptable doit dicter vos décisions par rapport au maintien d’autres mesures d’accompagnement, qu’elles soient issues de l’État ou de vos caisses professionnelles. Sur un bateau, il faut réduire la voilure lors d’une tempête. Cette métaphore s’applique parfaitement à la situation de Joëlle Finez-Leteneur, vétérinaire à Cuincy (Nord), qui a ressenti beaucoup d’inquiétude au début de la crise sur le risque de perte économique. Mais elle a renoncé à ces dispositifs de soutien à mesure que l’activité est revenue à la normale. « Nous avions demandé le report des cotisations Urssaf, CARPV et des prêts en cours dès mi-mars pour anticiper le risque de perte d’activité, puis nous avons finalement remboursé toutes ces cotisations dès le mois de juin, pour un lissage plus réaliste de la trésorerie et éviter d’augmenter artificiellement le bénéfice 2020 (et donc les charges, l’IS, etc. qui en découlent) plutôt que de plomber l’année 2021. J’avais sur proposition de mon banquier obtenu un PGE mais ne l’ai pas utilisé, il sera remboursé début 2021. Les prêts ont été aussi remis en place et j’ai préféré régler les dettes reportées (Urssaf, autres cotisations, mensualités) par anticipation. » Joëlle Finez-Leteneur n’a fait qu’adapter sa gestion financière aux besoins réels de son entreprise.

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