LA MÉDECINE COMPORTEMENTALE AU SERVICE DE LA RELATION HOMME-ANIMAL - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

COLLOQUE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Écoute des attentes du propriétaire, évaluation des besoins de l’animal et travail interdisciplinaire, sont les piliers d’une médecine comportementale au service du bien vivre ensemble, comme l’a rappelé la dernière édition du congrès Pet Revolution.

Que faire face à un animal présentant un trouble du comportement ? Quelques éléments de réponse ont été présentés lors du dernier congrès Pet Revolution qui s’est tenu sous un format virtuel les 5 et 6 décembre derniers. Premier point de taille à retenir : ils se révèlent être une cause majeure d’euthanasie et d’abandon des chiens de moins de 2 ans en bonne santé. Dans ce contexte, la consultation comportementale vise à rétablir le lien entre l’animal de compagnie et son détenteur. Elle commence par un examen clinique pour éliminer un trouble physique en fonction des comportements décrits. Ensuite, un questionnement du propriétaire permet d’évaluer les éléments environnementaux et les interactions des différents individus, humains et animaux, dans le foyer. Cette deuxième étape est indispensable puisqu’un comportement indésirable aux yeux d’un propriétaire n’est pas forcément anormal, mais peut découler d’une méconnaissance ou incompréhension des besoins individuels de l’animal. Ce dernier ne fait alors que réagir face à un mode de vie, un environnement ou une relation inappropriée pour lui. Dans ce cadre, le traitement passe forcément par une thérapie comportementale visant à modifier le comportement ou les émotions de l’animal, associée ou non à une prescription de psychotropes. Cette dernière doit impérativement et systématiquement être associée à une thérapie comportementale, au risque d’aboutir à une amélioration transitoire : l’animal va rechuter car ses conditions de vie n’ont pas été modifiées. Enfin, une approche empathique, sans jugement et sans culpabilisation, doit être au cœur de la consultation, pour accompagner au mieux un animal en sou rance et son propriétaire, en sou rance aussi dans un retour à l’équilibre.

Différents courants de pensée

Ceci dit, la médecine du comportement a beaucoup évolué avec les dernières recherches en éthologie, et, si la formation et les diplômes proposés sont nombreux, deux courants de pensées se distinguent en France, l’un davantage axé sur la psychiatrie vétérinaire, l’autre sur l’éthologie stricte. Ainsi, la zoopsychiatrie, distingue des comportements normaux indésirables ou appris, des « maladies comportementales, définies par l’absence de réversibilité spontanée, une sou rance et une perte d’adaptabilité », explique Claude Béata, vétérinaire spécialiste en comportement des animaux de compagnie. Un diagnostic nosographique (d’après la classification des maladies psychiatriques en fonction des symptômes observés) permet alors de nommer cette maladie. Des psychotropes ciblés sont prescrits, afin de redonner sa plasticité au cerveau, qui peut alors être refaçonné par la thérapie comportementale. Cependant, si des travaux scientifiques montrent que certaines psychopathologies humaines et animales ont des bases génétiques communes (par exemple, l’anxiété ou des comportements apparentés à des troubles obsessionnels compulsifs chez la souris), certains vétérinaires rappellent que les troubles mentaux des animaux en tant que tels ne sont pas prouvés. Pour Antoine Bouvresse, vétérinaire comportementaliste, « les modèles psychiatriques établis sont réducteurs et, bien qu’indispensables à la recherche, ils ne peuvent pas se substituer au jugement clinique pour soigner et évaluer un individu en pratique ». Selon lui, la thérapie comportementale est souvent suffisante, sans psychotropes, qui doivent être le dernier recours, d’autant plus que convaincre un propriétaire que son animal est malade peut le démotiver à entreprendre une thérapie. Cependant, pour les psychiatres vétérinaires, rien ne prouve que seul l’homme peut sou rir de maladies mentales, et il convient de ne pas les nier chez les animaux. Leur classification est en cours d’actualisation.

Développer un travail interdisciplinaire

Quel que soit le courant de pensée, un travail interdisciplinaire permet de mieux prendre en compte la relation homme-animal. Ainsi, Thierry Bedossa, vétérinaire comportementaliste, et Sarah Jeannin, psychologue et docteur en éthologie, ont développé une consultation en binôme. Le but est de distinguer le motif de consultation initial lié à la perception que le client a des comportements gênants de l’animal, et les émotions que cela génère chez lui, et le point de vue de l’animal. Cela permet de trouver un compromis entre les attentes du propriétaire et les besoins de l’animal. De plus, faire appel à un professionnel, comme un éducateur, assure un accompagnement régulier et rigoureux de la thérapie comportementale. L’important dans cette collaboration est de ne pas multiplier les recommandations ni de se contredire, et de mettre en place une bonne communication et un cadre d’intervention, recommande Jasmine Chevallier, vétérinaire comportementaliste et membre de l’association Zoopsy. Un éducateur peut également, en amont d’une consultation, entraîner ou désensibiliser un chien aux soins vétérinaires.

Enfin, la vétérinaire et comportementaliste Isabelle Vieira, à l’origine du mouvement interdisciplinaire Le Chien mon ami, souhaite que la vision et les pratiques vétérinaires évoluent dans le sens de l’épanouissement de l’animal, individu et membre du foyer à part entière, et non plus seulement de son éducation. C’est seulement ainsi que pourra se développer un réel vivre ensemble.

TROUBLES COMPORTEMENTAUX ET DERMATOLOGIE

Des symptômes somatiques, en particulier dermatologiques, peuvent être révélateurs d’un mal-être de l’animal, comme le rappellent nos consœurs Emmanuelle Titeux, spécialiste en médecine du comportement, et Noëlle Faivre, spécialiste en dermatologie. Ainsi, une étude menée à l’École nationale vétérinaire d’Alfort a utilisé les outils de mesure du bien-être animal (établissement d’un score suivant la santé, les conditions de vie, etc.) pour quantifier celui des chats présentant des lésions purement auto-induites (score de 21 pour un très mauvais environnement, 0 s’il est parfait). La médiane de ce score est de 16 chez ces chats, contre 7 chez les animaux sains. Après la réalisation d’une consultation de comportement, des modifications de l’environnement ont été proposées pour ces animaux, notamment la pose d’une chatière, et le score de bien-être est descendu à 6 chez les chats guéris. La topographie lésionnelle et la sémiologie aident au diagnostic di érentiel entre une atteinte pathologique et une dermatose auto-induite. Il s’agit chez le chien de dermatite de léchage acrale, avec parfois perte de substance et érythème. Chez le chat, d’une alopécie liée à un toilettage excessif, notamment bien délimitée sans dermatose associée de l’abdomen ou pavillon des oreilles ou des lésions cervicales de grattage latéralisées ou interscapulaires, avec des excoriations et un tissu fibreux cicatriciel, sans autres lésions dermatologiques associées. L’observation de ces lésions doit inciter à référer vers un vétérinaire en médecine du comportement.

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