ENSEIGNEMENT VÉTÉRINAIRE PRIVÉ : LA SOLUTION AUX PROBLÈMES DE LA PROFESSION ? - La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1880 du 18/12/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

La loi récemment votée de programmation de la recherche 2021-2030 a rendu possible l’ouverture de l’enseignement vétérinaire au privé. Seuls des établissements privés, d’intérêt général et agréés par le ministère de l’Agriculture, pourraient prétendre à former des vétérinaires.

En outre, ils devront répondre aux mêmes standards de qualité de la formation que les écoles nationales existantes. À ce stade, pour que le projet aboutisse, reste encore à finaliser la rédaction des décrets d’application.

AMÉLIORONS PLUTÔT L’ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER

EVE MOURIER (L 04)

Praticienne canine à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne)

Oui, il manque des vétérinaires praticiens partout !

Car la lourdeur des tâches administratives, la pénibilité du métier, la baisse de rentabilité financière effraient… Pour que nos jeunes diplômés ne se tournent pas vers d’autres voies, il faut donc améliorer l’attractivité de notre exercice. En revanche, la création d’écoles vétérinaires privées n’est pas une bonne réponse à ces problèmes. En effet, l’indépendance intellectuelle y sera compromise, puisque des laboratoires pharmaceutiques et industriels de l’alimentation pour animaux, au discours partial, pourront y jouer le rôle des enseignants-chercheurs du public – indépendants, car rémunérés par l’État. De plus, l’égalité des chances n’y sera pas respectée : l’accès à ces écoles ne se fera pas par la voie des concours nationaux, et les frais de scolarité impliquent une sélection par l’argent. Mon opinion rejoint celle de milliers de personnes déjà rassemblées dans le groupe Facebook Vétérinaires en colère – Contre la création d’écoles vétérinaires privées en France. Ensemble, signons également une pétition contre, sur le site Change.org.

CELA NE RÉSOUDRA PAS LE MANQUE DE PRATICIENS

CLÉMENT MESTDAGH (T 06)

Praticien mixte à Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

On reproche déjà à notre profession d’être élitiste, ce sera encore pire demain si un enseignement privé contribue à une sélection par l’argent !

J’ai en effet entendu dire qu’une telle formation pourrait coûter dans les 90 000 €. Alors que l’on sait que le salaire moyen d’un jeune vétérinaire salarié sortant d’une école, aux 35 heures et sans gardes, tourne autour des 2 000 € mensuels nets ! Du coup, je m’interroge : s’ils s’endettent pour leurs études, comment pourront-ils rembourser de telles sommes ? Il est aussi évident que ces jeunes diplômés seront forcément attirés par des voies qui paient davantage que l’exercice d’un praticien en libéral. Donc ça ne résoudra pas nos problèmes sur le terrain. Par ailleurs, je m’insurge contre le fait que cette décision ait été prise sans consultation de notre profession. Pire encore, ne peut-on pas suspecter un possible conflit d’intérêts quand l’on sait que Sophie Primas, la sénatrice qui a la première présenté cette idée au Sénat, est également administratrice d’UniLaSalle, l’école privée qui a justement déjà tout prêt dans ses cartons le projet d’un tel enseignement ?

POURQUOI PAS, SOUS CERTAINES CONDITIONS

FRANÇOIS-XAVIER POUX (L 93)

Praticien canin à Pirey (Doubs)

La meilleure solution pour pallier nos problèmes de recrutement serait que nos ENV publiques déjà existantes se voient accorder davantage d’argent pour former plus de jeunes diplômés. Mais on n’en prend malheureusement pas le chemin… Il est évident que l’on manque de vétérinaires en rurale, mais aussi pour soigner les animaux de compagnie dans certaines régions, dont la mienne ! Il faut rechercher des solutions. Actuellement, on recrute aussi de jeunes diplômés formés ailleurs en Europe. C’est une autre voie d’accès qui est déjà « inégalitaire », puisque tous les parents n’en ont évidemment pas les moyens financiers. Par ailleurs, il existe aussi des prépas privées très chères pour préparer au concours en France. Donc, des sélections par l’argent existent déjà… Je verrais en tout cas un avantage à créer un enseignement privé en France si les praticiens libéraux peuvent aller y enseigner une approche du métier qui soit le réel reflet de l’exercice quotidien en libéral, en privilégiant donc davantage un apprentissage pratique correspondant à nos réalités de terrain.

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