LE DÉSARROI D’UN ÉLEVEUR - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON

Jean-François Fichet a repris l’exploitation familiale de ses grands-parents, en y apportant sa passion pour les chevaux de sport. Avec 14 poulinières à la clé, l’aventure démarrée il y a un peu plus de trente ans est une belle réussite. Mais depuis cet été, plane sur les éleveurs la menace des mutilations sur leurs chevaux. Il témoigne.

Depuis quelques semaines, ça s’est calmé, sur le terrain, et médiatiquement. Nous nous sommes organisés, en protégeant nos chevaux et exploitations, avec des cadenas, des caméras reliées à nos téléphones, mais on psychote encore. Depuis l’intervention du ministre de l’Agriculture, le 7 septembre dernier, qui nous a apporté une véritable légitimité dans nos préoccupations et demandes, la gendarmerie nous a pris en considération. “Appeleznous” nous ont-ils dit. Ici, à Cluny, ils font des rondes nocturnes », décrit Jean-François Fichet. Après avoir repris l’exploitation familiale de ses grands-parents, qui élevaient charolais et chevaux de trait en Saôneet- Loire, cet éleveur laisse s’exprimer sa passion pour les chevaux de sport. Avec 14 poulinières, l’aventure démarrée il y a un peu plus de trente ans avec Drop des Varennes, fils de Galoubet A et de Samba du Hecquet, est un vrai succès. Mais depuis cet été, les éleveurs vivent avec la menace des mutilations sur leurs chevaux. À côté du vacarme médiatique en fin d’été, « le silence assourdissant des associations de protection animale m’a choqué. Ils nous surveillent, souvent pour le bien-être des animaux mais parfois de façon inappropriée. »

La pluralité des auteurs

« Quand nous nous sommes réunis fin septembre pour parler ensemble, nous étions près de 70 éleveurs et vétérinaires et nous nous interrogions pour savoir si le ou les auteurs des faits n’étaient pas dans la salle », témoigne Jean-François Fichet. Car avec des cas concomitants, la pluralité des auteurs semble démontrée. Et le professionnalisme de leurs gestes est glaçant. « Très rapidement, nous avons pu éliminer les cas sordides de règlement de compte, de vengeance, de même que les cas “assurance” avec des chevaux morts au pré et sur lesquels les lésions étaient des morsures animales. Et puis il y avait les actes gratuits, du fait de la contagion que la couverture médiatique a entraînée. »

En France, les cas similaires au modus operandi dit « satanique » sont une première. La Belgique, l’Allemagne et les pays de l’Est ont été touchés depuis déjà quelques années. Aux États-Unis, les premières descriptions remontent aux années 1970 ; elles ont duré plus de dix ans, se sont arrêtées du jour au lendemain, sans qu’aucun coupable ne soit identifié ni arrêté. Interrogé, notre confrère américain Phil Arkow (coordinateur pour The National Link Coalition) fournit cette explication : « Nous avons eu de nombreux cas dans les années 1980 sur du bétail, attribués à des prétendus “adorateurs sataniques”. Une étude approfondie a été menée qui a montré qu’il s’agissait dans tous les cas de lésions faites par des prédateurs naturels : c’est un premier exemple de la vélocité avec laquelle une théorie complotiste peut se répandre. Les prédateurs, souvent des coyotes mais aussi des oiseaux, s’attaquent aux tissus mous, avec des dents et becs si pointus qu’ils ont une précision quasi chirurgicale. »

Le souhait d’un retour d’informations

« Nos vétérinaires traitants sont mobiles, ils circulent et peuvent donc nous aider au repérage et à la prévention de nouveaux drames. Mais nous ne savons toujours pas s’ils sont formés à tous adopter la même démarche, de Saint-Lô à Cluny, pour faire les constats, établir des certificats, réaliser des prélèvements. Nous aimerions un véritable retour d’informations, car nous nous sentons bien impuissants par manque de coordination entre eux et nous, ce qui nous laisse sur notre faim », déclare Jean-François Fichet.

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