LE BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL, UNE OBLIGATION DE L’EMPLOYEUR - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

RH

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTEL FOURNEL

Un moyen simple de mesurer et d’améliorer la qualité de vie au travail des salariés est de faire le point sur les risques psychosociaux dans la société et de mettre en place des mesures de prévention adaptées.

Depuis l’Antiquité, le travail était assimilé à de la souffrance, à un dur labeur. À partir du XIXe siècle, son rôle clé dans l’intégration sociale est mis au jour. Aujourd’hui, on considère qu’il permet de se réaliser soi-même et de répondre à ses besoins les plus fondamentaux. Cette forme d’antinomie dans la notion de travail est bien reconnue et c’est pourquoi on parle de bien-être au travail, de qualité de vie au travail, de risques psychosociaux.

La notion de bien-être au travail fait référence à la satisfaction et à l’épanouissement dans et par le travail. Elle dépasse la simple préservation de la santé physique et mentale. Il s’agit donc d’une perception personnelle, subjective : chacun vit de manière différente les contraintes professionnelles en fonction de son éducation, de ses capacités physiques, relationnelles et de ses compétences. Il se traduit là une réalité sociale, collective, qui doit être prise en compte dans l’entreprise.

Ainsi, améliorer le bien-être au travail contribue à prévenir le départ de salariés compétents, les arrêts maladies, les manifestations aiguës de stress, de violence ou d’épuisement. Pour cela, il ne s’agit pas de trouver des faux-semblants qui feront apparaître le chef d’entreprise comme une personne généreuse : la distribution de tickets restaurants ou le paiement de séances de bien-être ne sont pas la solution miracle si le personnel ne se sent pas respecté et reconnu au jour le jour.

Identifier les risques psychosociaux

Prévenir les risques psychosociaux est un début de réponse pour améliorer le bien-être des salariés1. Cette démarche s’inscrit dans l’obligation légale d’élaboration d’un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), dans lequel seront identifiés les risques psychosociaux. Ces derniers correspondent à des situations de travail impliquant du stress, des violences internes exercées au sein de l’entreprise et/ou des violences externes commises par des personnes extérieures comme les clients. Un questionnaire de dépistage devrait être diffusé auprès de chaque salarié. Certains prestataires en ressources humaines dédiés à la profession vétérinaire proposent un outil fiable et exhaustif, car il reprend les différents aspects du métier de vétérinaire ou d’auxiliaire vétérinaire. Globalement, pour chaque structure, chaque organisation, il convient de considérer qu’un salarié peut être considéré en stress, donc potentiellement « en risque psychosocial » quand il est mis face à une problématique et qu’il n’a pas les moyens matériels, financiers, temporels ou les compétences pour la résoudre. Ce document unique est à faire lire à ses salariés et à appliquer. Un salarié qui se sent protégé par son employeur s’estime respecté.

Plusieurs leviers d’action

La prévention des risques psychosociaux est multifactorielle. Un management trop pressant est parfois délétère : trop de contrôle par la hiérarchie, des demandes trop exigeantes et qui dépassent les compétences, des délais restreints, une interruption dans les tâches ou de multiples tâches données simultanément. Le supérieur hiérarchique doit avoir une bonne visibilité de l’activité de chacun, en continu, tout en laissant les salariés s’organiser. Cela suppose aussi de répartir les fonctions en évitant la polyvalence qui entraîne l’interruption de la tâche. Si cette répartition n’est pas possible, alors une gestion des actions étape par étape, animal par animal, client par client, évitera la dispersion dans le travail et au final une certaine inefficacité.

La prise de rendez-vous supplémentaires, le jour même, pour un motif non urgent, dans un planning déjà très chargé, peut apparaître comme extrêmement anxiogène pour les salariés. On pourrait dans ce cas aménager des moments sans rendez-vous dans la journée pour la gestion des imprévus.

Le respect de la vie privée constitue un autre point de vigilance. Les plaintes des vétérinaires salariés et des auxiliaires vétérinaires peuvent venir d’un planning reçu trop tard, ce qui ne permet pas de s’organiser au niveau familial. Les semaines à plus de 45 heures, surtout lorsque les heures ne sont pas toutes rémunérées ou que le salaire de base se rapproche du SMIC, sont une source d’épuisement et de démotivation. La gestion des ressources humaines, dans l’envoi d’un planning assez en amont, l’organisation des vacances de l’année durant le premier trimestre, la régulation des horaires de travail en ayant recours à la modulation sont autant de solutions.

Il convient de ne pas oublier que les clients peuvent également être à l’origine de stress psychosociaux : certaines clientèles sont plus exigeantes, plus désagréables, certains quartiers ne sont pas sécuritaires, ce qui donne lieu à des vols à l’accueil par exemple. L’agression physique ou verbale par un client peut être traumatisante. Un salarié doit se sentir en sécurité, des équipements de surveillance à l’accueil rassurent. Lorsqu’un client oublie les principes de courtoisie, l’employeur doit montrer publiquement qu’il soutient ses salariés.

Bien entendu, la communication dans sa forme et son contenu joue un rôle clé dans la prévention des risques psychosociaux. Dans sa forme tout d’abord, la communication non verbale est signifiante pour les sala riés : une absence de bonjour le matin, des sourires trop rares, un ton autoritaire… Des propos blessants, voire injurieux, peuvent être sources de stress. Parce qu’ils sont chefs d’entreprise, manquer de politesse et de courtoisie à leurs salariés peut paraître acceptables pour certains vétérinaires associés. Évidemment, cet usage n’a plus cours au XXIe siècle.

Sur le fond, il semble crucial de prendre du temps pour communiquer auprès de ses salariés. Le format adopté est spécifique à chaque entreprise, à chaque organisation. Certains auxiliaires vétérinaires préfèrent les cahiers à laisser à l’accueil, d’autres utilisent WhatsApp. Certains vétérinaires détaillent beaucoup leurs comptes-rendus sur le logiciel métier, d’autres préfèrent passer les dossiers en cours par mail. Dans certaines structures, la réunion hebdomadaire ou mensuelle a été mise en place avec beaucoup de succès, pour d’autres, la machine à café remplit bien son rôle de témoin de conversations informelles d’ordre professionnel.

1. bit.ly/3lO84m9

Pour en savoir plus :

Comment concilier la performance et le bien-être au travail ?, mémoire MBA RH 2010, université Paris Dauphine : www.bit.ly/2KnR9ZX

ATTENTION AU « BORE-OUT »

La sous-charge de travail est aussi préjudiciable pour la santé mentale du salarié que la surcharge. Il convient donc de savoir au jour le jour comment les salariés sont occupés. Cela passe notamment par donner l’obligation à certains clients de venir en consultation lorsque la nouvelle remplaçante est présente. De manière similaire, il est nécessaire de prendre garde à la situation d’isolement du salarié qui peut se rencontrer dans les petits cabinets médico-chirurgicaux, annexes de plus grosses structures. Travailler seul peut être délétère sur le long terme.

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