CONFINEMENT, RECONFINEMENT, ACTIVITÉ MAINTENUE : COMMENT RESPECTER LE DROIT DU TRAVAIL - La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1877 du 27/11/2020

DOSSIER

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER

NOUVEAU CONFINEMENT, PERSPECTIVES INCERTAINES SUR LE DÉCONFINEMENT… SI LES ENTREPRISES VÉTÉRINAIRES FONT EXCEPTION À LA FERMETURE DES ÉTABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC, LEUR ACTIVITÉ N’EN EST PAS MOINS IMPACTÉE. DANS CE CONTEXTE, L’EMPLOYEUR A DES RESPONSABILITÉS QU’IL DOIT ASSUMER. IL BÉNÉFICIE EN OUTRE DE MESURES DE SOUTIEN QU’IL CONVIENT DE CONNAÎTRE.

Les mesures de fermeture des entreprises sont reconduites, mais ne s’appliquent pas aux structures vétérinaires et, par extension, aux lieux d’élevage et domicile des propriétaires d’animaux où doivent se rendre les vétérinaires. Contrairement à la première période de confinement où les vétérinaires devaient se concentrer sur les activités qu’ils estimaient essentielles, avec le reconfinement il n’y a pas de restriction d’activité, mais il convient de respecter les consignes de sécurité sanitaire. Une adaptation des conditions d’exercice est donc à nouveau en place : consultation sur rendez-vous, accès régulé, respect des gestes barrières, limitation du nombre de personnes présentes, distanciation, port d’un masque homologué, désinfection des mains et nettoyage des surfaces…

Responsabilité de l’employeur

Aux termes de la loi, « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs ». S’il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques, il doit les éviter le plus possible et, s’ils ne peuvent être évités, il doit les évaluer en fonction des recommandations1 du gouvernement et prendre les mesures utiles pour protéger le personnel exposé2.

La mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER) est une obligation légale prévue par l’article R. 4121-1 du code du travail. Les mesures particulières à ajouter dans le DUER par rapport au Covid peuvent se trouver sur le site de l’Ordre des vétérinaires. Dans les centres hospitaliers vétérinaires, un référent Covid peut être désigné.

Droit et devoir du salarié

Il incombe au salarié, au regard du risque de contamination, d’assurer sa propre protection en respectant les gestes barrières vis-à-vis de ses collègues et des personnes évoluant dans l’environnement immédiat de travail. L’employeur doit mettre à disposition de son personnel les moyens de se prémunir (masques, gel, etc.), ce qui n’empêche pas le salarié d’utiliser éventuellement des moyens de prévention personnels.

En vertu des articles L. 4131-1 et suivants du code du travail, un salarié peut faire valoir son droit de retrait, en se retirant d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit alerter l’employeur de cette situation. Ce droit de retrait vise une situation particulière de travail et non la situation générale de pandémie. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, si l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations sanitaires nationales, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer.

Les déplacements

Dans le cadre du nouveau confinement, les déplacements non essentiels ne sont plus autorisés. Une attestation de déplacement dérogatoire est obligatoire, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020. Pour les vétérinaires travailleurs non salariés, la carte professionnelle délivrée par l’Ordre des vétérinaires est l’unique justificatif à présenter en cas de contrôle lors d’un déplacement professionnel. Le seul caducée derrière un pare-brise de voiture ne suffit pas. Pour les salariés des structures vétérinaires, un justificatif de déplacement professionnel délivré par l’employeur doit être présenté en cas de contrôle. Il n’est pas nécessaire d’avoir une attestation de déplacement dérogatoire pour chaque sortie, il suffit que le justificatif délivré par l’employeur définisse la durée de validité selon les besoins de déplacements professionnels du salarié.

Les propriétaires d’animaux peuvent se rendre chez un vétérinaire, munis de l’attestation de déplacement dérogatoire remplie en cochant la case « Consultations, examens et soins ne pouvant être ni assurés à distance ni différés et l’achat de médicaments » ou en cochant éventuellement la case « Déplacements brefs…, soit aux besoins des animaux de compagnie » dans la limite d’un kilomètre.

Les vétérinaires peuvent envoyer des messages électroniques à leurs clients pour leur confirmer un rendez-vous et leur faciliter un déplacement pour faire soigner leur animal.

Numéro d’information sur les mesures d’urgence

Depuis le 2 novembre, un numéro spécial d’information3 sur les mesures d’urgence pour les entreprises en difficulté est accessible du lundi au vendredi de 9 à 12 heures puis de 13 à 16 heures. Ce numéro d’appel est conçu pour renseigner et orienter les professionnels vers les aides d’urgences mises en place : l’activité partielle, les reports de charges ou d’impôts, etc.

Télétravail et télémédecine

Le télétravail devient obligatoire à 100 % pour tous ceux pouvant télétravailler. Les réunions en audio ou visioconférence doivent constituer la règle et les réunions en présentiel l’exception. Les moments de convivialité réunissant les salariés dans le cadre professionnel sont interdits. Pour la profession vétérinaire, dont les tâches ne peuvent être effectuées à distance, les employeurs sont tenus d’aménager les horaires d’arrivée et de départ afin de limiter l’affluence aux heures de pointe.

La télémédecine est autorisée à titre expérimental pendant 18 mois par décret n° 2020-526 du 5 mai 20204. Les professionnels inscrits au tableau de l’Ordre des vétérinaires peuvent réaliser des actes vétérinaires par voie de télémédecine en complément des modalités habituelles d’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux à la condition de s’inscrire sur la liste constituée pour l’expérimentation, tenue par le conseil régional de l’Ordre.

Le fonds de solidarité

Le fonds de solidarité5 est de nouveau ouvert à tous les secteurs économiques pendant toute la durée du confinement. Ce fonds de solidarité est un dispositif d’aide mis en place par l’État et les régions pour aider les très petites entreprises (TPE) et les indépendants à faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire du coronavirus. Le fonds de solidarité est prolongé jusqu’au 31 décembre 2020.

Pour le volet 1, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent y prétendre dès lors que leur perte de chiffre d’affaires atteint 50 %. Elles peuvent alors bénéficier d’une aide mensuelle de 1 500 euros.

Pour le volet 2, les entreprises faisant l’objet d’une fermeture administrative qui comptent moins de 50 salariés auront la possibilité de recevoir une indemnisation mensuelle de 10 000 euros. Les cabinets de vétérinaires, n’ayant pas fait l’objet d’une fermeture administrative au sens du décret du 23 mars 2020, ne sont donc pas éligibles aux dispositifs de ce volet 2 du fonds de solidarité.

Subvention Prévention Covid

La subvention Prévention Covid6 est prolongée. Cette aide exceptionnelle permet de financer, sous certaines conditions, jusqu’à 50 % des équipements de protection ou de distanciation mises en place dans les TPE. Cette subvention est prolongée jusqu’à épuisement du budget alloué par l’Assurance maladie au titre des risques professionnels. La subvention est conditionnée à un montant minimum d’investissement de 1 000 euros HT, et le montant maximal accordé est plafonné à 5 000 euros. Les demandes sont faites en ligne sur le portail des déclarations sociales, net-entreprise.fr.

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 et l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, permet le versement d’une prime aux travailleurs mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire jusqu’au 31 décembre 2020. Les entreprises vétérinaires peuvent mettre en place cette prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, à condition qu’elle ne remplace pas une prime habituellement attribuée. Elle n’est pas obligatoirement liée à l’exposition au Covid.

Le montant de la prime exonérée de cotisations, de contributions sociales et d’impôt sur le revenu est de 1 000 euros maximum. Cette prime n’est pas versée systématiquement à tous les salariés qui sont exposés au Covid-19 dans le cadre de leur travail. Il s’agit d’une décision unilatérale de l’employeur de verser une telle prime. Le montant de 1 000 euros est le maximum pour bénéficier des exonérations de charges et cotisations. L’employeur peut verser cette prime du montant qu’il souhaite, aux salariés de son choix. C’est de la gestion de ressources humaines.

La garde d’enfant : activité partielle

Cette mesure mise en place pour le premier confinement trouve moins son application avec le nouveau confinement, les établissements d’enseignement n’étant pas fermés, sauf exception.

Depuis le 1er septembre, les parents d’un enfant de moins de 16 ans peuvent être placés en activité partielle si l’établissement d’accueil est fermé en raison de cas de Covid-19 ou si l’enfant est identifié comme cas contact à risque et fait l’objet d’une mesure d’isolement. Le salarié contraint de cesser le travail pour garder son enfant pourra bénéficier du régime d’activité partielle. Il doit remettre à son employeur, soit un justificatif attestant de la fermeture de l’établissement d’accueil, soit un document de l’Assurance maladie attestant que l’enfant est identifié comme cas contact à risque et doit donc respecter une mesure d’isolement. Le salarié doit fournir à l’employeur une attestation sur l’honneur précisant qu’il est le seul des deux parents demandant à bénéficier de ce dispositif.

L’indemnité perçue par le salarié représente 70 % de son salaire antérieur brut. De son côté, l’employeur perçoit jusqu’au 31 octobre une allocation équivalente à celle qu’il aurait perçue pour un salarié placé en activité partielle de droit commun. Au-delà, il perçoit une allocation représentant 60 % du salaire antérieur brut du salarié.

Pour les professions libérales, comme les vétérinaires, l’Assurance maladie procédera au versement d’indemnités journalières forfaitaires dérogatoires.

Le dispositif d’activité partiel

Depuis le 1er novembre et jusqu’au 31 décembre 2020, les modalités de prise en charge de l’activité partielle sont renforcées afin de continuer à soutenir les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire : entreprises accueillant du public qui connaissent une interruption partielle ou totale de leur activité en raison de l’épidémie de Covid-19. Ce dispositif a été très peu utilisé par les entreprises vétérinaires, sauf en cas de fermeture pour raison sanitaire.

1. www.bit.ly/2UIO08N

2. www.bit.ly/35KwCXz (Gestes barrières dans les établissements de soins vétérinaires)

3. Téléphone : 0806 000 245. Accessible du lundi au vendredi de 9 à 12 heures puis de 13 à 16 heures (appel non surtaxé).

4. www.bit.ly/3lK30za

5. www.bit.ly/36MdYy4

6. www.bit.ly/3kIwBrl

Les mesures sanitaires sont éprouvées

TÉMOIGNAGE

MANUEL MERSCH

Vétérinaire canin à Sannois (Val-d’Oise)

Le quotidien de l’exercice libéral vétérinaire a été fortement perturbé lors du premier confinement : assurer le maintien de soins essentiels aux animaux grâce à une régulation téléphonique systématique limitant les flux humains, astreindre chacun à respecter toutes les règles de biosécurité, se procurer (en période de pénurie !) les équipements de protection jetables, préserver en permanence le personnel des risques de contamination jusqu’à recourir à l’activité partielle, veiller à une gestion de trésorerie optimale… Tels étaient nos impératifs alors que l’épidémie, jour après jour, prenait de l’ampleur. Lors de ce second confinement, nous ne subissons aucune pénurie d’approvisionnement de matériels jetables, les gestes barrières sont respectés, les mesures sanitaires dans la structure sont éprouvées et les clients prennent systématiquement rendez-vous. Si les risques de contamination existent toujours, chacun s’en préserve au mieux !

L’activité partielle a été bienvenue

TÉMOIGNAGE

JOELLE FINEZ-LETENEUR

Vétérinaire à Cuincy (Nord)

L’activité partielle a été bienvenue afin de ne pas exposer nos salariés. Nous avons eu dès le 17 mars 1 ASV en garde enfant, 1 autre en arrêt maladie (suivi d’un arrêt maternité), 1 ASV et 1 vétérinaire salarié en chômage partiel. Les 2 salariés en chômage partiel ont accepté de prendre 6 jours de congés payés à titre de mesure solidaire et afin de garder de la disponibilité lors du déconfinement. L’ASV en garde d’enfant a été en chômage partiel du 1er au 11 mai. Le vétérinaire salarié est revenu le 1er mai, l’ASV en chômage partiel le 11 mai. Pour compenser l’arrêt maladie, 1 ASV de remplacement a ensuite été recrutée.

Après pas mal d’incertitudes sur la possibilité d’utiliser la mise en chômage partiel, grâce à l’intervention du SNVEL notamment, cette possibilité s’est finalement débloquée en 15 jours et a pu être mise en œuvre très rapidement, sur simple demande à la Direccte. L’indemnisation a été ensuite créditée par période de 15 jours. En revanche, la garde d’enfant n’a été prise en charge qu’à 50 % par la Sécu, les 50 % restants (et non les 40 % obligatoires) étant compensés par l’employeur (- 300 euros d’indemnisation AG2R reçus il y a quelques jours).

Pendant le deuxième confinement, nous n’utilisons plus cette possibilité de chômage partiel, la stabilité de l’activité ne le nécessitant pas.

Nous avons versé la prime exceptionnelle spécial Covid

TÉMOIGNAGE

ANNE-CHARLOTTE TARDIEU-BLANC

Vétérinaire à Thionville (Moselle) Quand le premier confinement a été instauré, avec mon associé, nous n’avons pas réfléchi et avons mis d’emblée nos 3 ASV et notre vétérinaire salarié en chômage partiel, car nous ne savions pas à quelle sauce nous allions être mangés. Nous avons adopté des horaires restreints d’ouverture au cours desquels chaque associé a travaillé en binôme avec un ASV sans interchanger de salarié pour éviter que si l’un de nous était malade, il contamine l’autre binôme ou le vétérinaire salarié qui, lui, venait travailler 1,5 jour par semaine. La demande de chômage partiel auprès de la Direccte a été assez compliquée à remplir, j’ai donc délégué ce travail à mon expert-comptable. La demande a été prise en compte dans les 48 heures mais nous avons attendu 7 jours avant d’avoir l’autorisation de la Direccte, visiblement submergée. Les salariés ont touché 84 % de leur salaire net, mais nous n’avions pas les moyens de leur verser le reste à charge. En revanche, cet été, nous leur avons versé la prime exceptionnelle Macron spécial Covid dans la mesure où elle n’était plus conditionnée à la mise en place d’un accord d’intéressement au sein de l’entreprise.

Un autre regret en tant que professionnel libéral employeur

TÉMOIGNAGE

CAROLE DENTZ

Vétérinaire à Talant (Côte-d’Or)

Au premier confinement, nous avons mis en activité partielle tous nos salariés, à l’exception de 2 ASV qui ont exercé leur droit de retrait et ont donc été mises en arrêt maladie. Je regrette d’avoir fait cette erreur, car 50 % du coût de ces arrêts maladie ont été supportés par l’entreprise. Alors que le chômage partiel ne nous a rien coûté. En effet, si ces arrêts maladie ont été correctement pris en charge par le régime général d’Assurance maladie, c’est loin d’être le cas par les complémentaires santé et prévoyance. L’AG2R La Mondiale nous a réglé un forfait de 150 euros par salarié, soit 300 euros pour deux mois d’absence pour 1,5 salarié équivalent temps plein. Or, l’État nous avait promis que les mesures de soutien Covid ne coûteraient rien aux entreprises ! Ce choix entre chômage partiel et arrêt maladie ne se pose plus puisque les dispositions ont changé le 1er juin et ne prévoient plus cette possibilité. J’ai un autre regret en tant que professionnel libéral employeur, celui de ne pas avoir pu bénéficier de ce dispositif alors que notre activité a été pénalisée par la crise sanitaire.

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