ACTUALITÉS AUTOUR DE LA TÉTÉE DES NOUVEAU-NÉS - La Semaine Vétérinaire n° 1876 du 20/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1876 du 20/11/2020

NÉONATALOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

Lors d’une soirée de formation organisée en visioconférence le 24 septembre par le centre NeoCare de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, celui-ci a présenté deux thèses inédites, consacrées respectivement au comportement de tétée des chiots et à la composition immunologique du lait de pseudogestation.

Le centre NeoCare (Néonatalogie des Carnivores, reproduction et élevage) de l’École nationale vétérinaire de Toulouse a organisé le 24 septembre dernier une soirée de formation en visioconférence intitulée : « La Tétée, pas si simple !1 ». À cette occasion, deux études inédites, issues de thèses vétérinaires menées au sein de NeoCare, ont été présentées. L’une montre que la qualité du colostrum varie en fonction de la glande mammaire, l’autre laisse entrevoir la perspective d’utilisation du lait de pseudogestation comme substitut du colostrum.

La tétée, le plus tôt et le plus souvent possible

La thèse de Camille Viaud2, présentée par Sylvie Chastant, responsable du centre NeoCare, avait pour objectif d’analyser le comportement de tétée chez le chiot au cours des 12 premières heures de vie. Il s’agissait de décrire les épisodes de tétée, de déterminer si le poids de naissance et le rang dans la portée avaient une influence sur le comportement de tétée, et enfin d’analyser les conséquences de celui-ci sur le transfert de l’immunité passive. Chez le chiot, la barrière intestinale se ferme autour de la 12e heure post-partum, empêchant alors le passage des immunoglobulines (Ig).

L’étude s’est déroulée au Centre d’étude, de sélection et d’élevage de chiens guides d’aveugles et autres handicapés (CESECAH), sur 5 chiennes labrador et leurs 34 chiots. Une observation permanente des animaux au cours des 24 premières heures post-partum a été réalisée, ainsi qu’un dosage des IgG sanguines de chaque chiot au deuxième jour de vie (évaluant la qualité du transfert d’immunité). La qualité immunologique du colostrum a également été mesurée.

Dans les deux premières heures post-partum, 70 % des chiots effectuent leur première tétée. Le poids de naissance et le rang de naissance n’ont pas d’influence sur le délai entre la naissance et cette première tétée. En moyenne, les nouveau-nés tètent 10 fois, pour une durée totale moyenne de 80 minutes, au cours des 12 premières heures de vie. Il a été constaté que les chiots les plus légers au moment de leur naissance et ceux dont le rang de naissance est élevé tètent moins souvent et moins longtemps que les chiots plus lourds et ceux nés précocement.

Il n’a pas été observé de phénomène d’appropriation mammaire, contrairement à ce qui est connu chez le porcelet par exemple. La qualité immunologique du colostrum varie en fonction de la glande mammaire. Cette étude a permis de constater que plus la première mamelle tétée produit un colostrum riche en IgG, plus le taux d’IgG circulant chez le chiot à deux jours de vie est élevé. La qualité du colostrum de la première mamelle tétée a donc un effet important sur le transfert d’immunité passive. Cependant, les chiots ne choisissent pas forcément la mamelle qui sécrète le colostrum de meilleure qualité immunologique et il est à ce jour impossible en pratique d’identifier la mamelle produisant le « meilleur » colostrum - une étude précédente de Neocare a démontré que, contrairement à l’espèce bovine ou équine, l’analyse du colostrum avec un réfractomètre ne permet pas de conclure sur sa qualité immunologique3.

Plus les chiots effectuent un nombre de tétées élevé, plus le transfert d’immunité passive est efficace, sans qu’il y ait une influence du nombre de mamelles tétées. La durée totale de la tétée n’a pas d’impact sur le taux d’IgG à 2 jours, ce qui peut paraître étonnant. L’hypothèse qui pourrait expliquer ce résultat est que la durée observée n’est pas forcément la durée de tétée réelle (phase d’ingestion active). Pendant une tétée, le chiot effectue également une phase dite non nutritive où il effectue une succion sans déglutition du lait. Il est donc recommandé que les chiots passent moins de temps par tétée mais que les tétées soient renouvelées. En conclusion, les chiots doivent téter le plus tôt et le plus souvent possible au cours des 12 premières heures de vie pour bénéficier d’un transfert d’immunité passive efficace. Les chiots de faible poids de naissance et de rang de naissance élevé doivent être particulièrement surveillés. D’autres études seraient nécessaires, sur un plus grand nombre de chiots, et dans différentes races, pour confirmer ces résultats.

Le lait de pseudogestation, un substitut au colostrum ?

Marine Abrard a présenté les résultats de sa thèse4 sur la qualité immunologique du lait de pseudogestation de la chienne. Elle a travaillé sur deux classes d’immunoglobulines, les IgG, qui participent à l’immunité systémique, et les IgA, qui assurent une immunité locale, notamment sur la muqueuse intestinale et pulmonaire. Alors que le colostrum contient environ 50 % d’IgG et 50 % d’IgA (en % des Ig totales), le lait contient 90 % d’IgA et moins de 10 % d’IgG. Aucune étude n’avait été réalisée sur la composition en immunoglobulines du lait de pseudogestation. La concentration en IgG et IgA de cette sécrétion a été comparée à celle du colostrum et du lait de lactation sur 31 chiennes, de format et d’âge différents. Aucune différence significative entre la concentration en IgA et IgG du lait de pseudogestation et celle du colostrum n’a été constatée. Le lait de lactation contenait beaucoup moins d’IgG que le lait de pseudogestation, mais les concentrations en IgA étaient similaires.

Ni l’aspect macroscopique du lait de pseudogestation, ni le moment du prélèvement (dioestrus ou anoestrus) n’ont eu d’impact sur sa qualité immunologique. L’âge et le poids des chiennes ont une influence sur la concentration en IgA mais pas en IgG : les chiennes âgées de plus de 6 ans et celles de grand format (> 25 kg) ont un taux d’IgA plus élevé que les jeunes (< 2 ans) et que les chiennes de petit format (< 15 kg). Comme pour le colostrum, une différence de concentration en immunoglobulines des sécrétions de pseudogestation a été observée selon les mamelles prélevées, mais le nombre d’échantillons n’a pas permis de réaliser une analyse statistique.

En conclusion, le lait de pseudogestation présente des concentrations en IgG et IgA similaires à celles du colostrum, ce qui laisse entrevoir la perspective de son utilisation en cas d’absence de prise colostrale ou d’insuffisance lactée. Cependant, il faut rester prudent avant de pouvoir l’utiliser en tant que substitut colostral. Il est en effet nécessaire de réaliser de nouvelles études, notamment une analyse bactériologique afin de garantir sa qualité sanitaire, et d’évaluer sa valeur énergétique. Il serait également intéressant d’analyser l’évolution de la concentration en immunoglobulines du lait de pseudogestation au cours du temps, et en fonction du nombre de traites et/ou de tétées.

Références :

1. Lien en replay : www.bit.ly/32EFuMC

2. Le Comportement de tétée du chiot et son implication dans le transfert passif de l’immunité, Camille Viaud, 2018, École nationale vétérinaire de Toulouse.

3. Mila H., Feugier A., Grellet A. et coll., Immunoglobulin G concentration in canine colostrum : evaluation and variability, J Reprod Immunol., 2015 ;112:24-28.

4. Étude de la qualité immunologique du lait de pseudogestation de la chienne, Marine Abrard, 2017, École nationale vétérinaire de Toulouse.

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