VETERNITY, UN MODÈLE DE CROISSANCE CONTROVERSÉ ? - La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020

STRATÉGIE

ANALYSE

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL

Le groupe Veternity, anciennement sous connu sous le nom de La Compagnie des Vétérinaires, ambitionne de se déployer à l’international en confortant son ancrage dans l’Hexagone. Ce nouveau tournant éveille des inquiétudes chez certains praticiens. Explications.

Malgré une croissance annuelle à deux chiffres, la stratégie de développement du groupe Veternity ne convainc pas certains praticiens. Elle suscite çà et là des questionnements, voire des critiques de certains d’entre eux qui se sentent floués et l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux. Ils ne se reconnaissent plus dans les choix de cette entreprise qui vise maintenant un déploiement à l’international. Certains y voient un pas de plus vers la financiarisation des sociétés de services vétérinaires. Ces craintes exprimées sont-elles fondées ?

Une flambée des tarifs dénoncée

Vincent Coupry (A 90), praticien canin à Cholet (Maine-et-Loire) et client d’Esthima (anciennement Incinéris), fait partie de ces vétérinaires qui estiment que le groupe Veternity a perdu son esprit coopératif. « Cette société a été créée par des vétérinaires pour des vétérinaires. C’est le modèle qui nous avait alors été présenté. Aujourd’hui, je ne lui reconnais plus cette essence », déclare-t-il. Et pour cause. Il constate une situation monopolistique dans certaines régions qui permettrait au groupe Veternity d’appliquer des tarifs excessifs. « Je n’ai rien à redire sur la qualité de service d’Esthima. Mais cette entreprise a un total monopole dans ma région. » Il dénonce des conditions commerciales modifiées ainsi que la facturation de certaines prestations qui étaient jusqu’ici gratuites. « Il y a toujours un bon argument pour augmenter leurs tarifs, comme l’augmentation du prix du carburant sans que le tarif baisse lorsque le prix de ce même carburant baisse de 30 %. J’ai le sentiment d’avoir été floué par leurs arguments et de financer cette expansion », glisse Vincent Coupry. Pour Marc Jobez (A 92), directeur des affaires vétérinaires chez Veternity, ces inquiétudes sont légitimes. « Nous faisons évoluer un système qui a été mis en place il y a plus de vingt-cinq ans. Ces changements peuvent être source de questionnements. Mais ces modifications sont en phase avec une réglementation qui évolue et le respect de l’éthique. »

Une situation monopolistique ?

Il rejette toutefois l’accusation d’abus de position de monopole. « Il existe de nombreux concurrents dans notre secteur et des projets de crématoriums. Nous sommes régulièrement obligés de négocier avec des GIE, car ils sont tentés d’appliquer des tarifs plus bas en partenariat avec un autre crématorium. Si nous étions en situation de monopole, nous serions rabroués par la DGCCRF1. » Concernant l’un des nœuds du problème, l’augmentation des tarifs évoquée, il précise que le groupe est en train de mettre en place un modèle qui permet de facturer le propriétaire en direct si la clinique le désire. « Si les vétérinaires ne souhaitent pas être dépendants de ces augmentations, notamment liées aux évolutions de la réglementation et aux demande sociétales, ils ont la possibilité d’opter pour la facturation directe du propriétaire par Esthima. Ces modèles existent déjà pour d’autres prestations assurées par des tiers indépendants. » Bien que cette option constitue pour le propriétaire un coût supplémentaire. « Nous ne nions pas cet aspect. Mais les propriétaires sont aujourd’hui plus exigeants. Ils veulent un service de qualité avec plus d’informations et plus d’éthique. Répondre à ces attentes nécessite des engagements et des investissements plus importants de la part de notre entreprise. Et cela coûte plus cher », explique-t-il. Cette démarche suffira-t-elle à rassurer les clients vétérinaires du groupe ? Rien n’est moins sûr car, pour certains praticiens, l’ambition stratégique de Veternity d’un déploiement à l’étranger est synonyme de la perte de son ADN vétérinaire. « Esthima n’est plus au service des vétérinaires mais de ses intérêts. Ils ont fait rentrer des capitaux extérieurs qui ne sont plus des capitaux vétérinaires. C’est une société qui veut des royalties », regrette Vincent Coupry. De son côté, Marc Jobez voit dans cette stratégie la croissance normale d’une entreprise qui passe d’une PME à une ETI, tout en conservant son essence. « Les vétérinaires sont encore nos actionnaires majoritaires. Sans leur expertise et leurs compétences, les financiers ne pourraient rien faire », soutient-il.

1. DGCCRF, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

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