QUELQUES IDÉES REÇUES EN URO-NÉPHROLOGIE - La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020

APPAREIL URINAIRE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS

CONFÉRENCIÈRE

CHRISTELLE MAUREY, maître de conférences en médecine à l’école nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA).

Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), en novembre 2019.

Dans une conférence présentée au congrès annuel de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), Christelle Maurey est revenue sur les idées d’hier en termes d’uro-néphrologie qui sont à nuancer aujourd’hui sur la base des avancées scientifiques.

Idée reçue no 1 : « L’hyperkaliémie différencie une insuffisance rénale aiguë d’une maladie rénale chronique »

Le potassium dépend de la charge filtrée et du débit de filtration glomérulaire, il est réabsorbé par le tubule proximal et son élimination est ajustée par sécrétion sur les parties distales du néphron. Les diurétiques de l’anse sont hypokaliémants alors que les diurétiques thiazidiques sont des épargneurs potassiques en agissant sur le système aldostérone. Si l’hypokaliémie est présente chez le chat lors de maladie rénale chronique (MRC), la littérature montre actuellement qu’elle existe également chez le chien (dans 14 % des cas). Les études n’ont pas confirmé sa présence, longtemps suspectée, lors d’insuffisance rénale aiguë (IRA) en situation post-obstructive, mais dans d’autres situations d’IRA ou de MRC.

Il était d’usage de ne rechercher une hyperkaliémie qu’en situation d’IRA (IRA parenchymateuse oligo-anurique, forme post-rénale, rupture des voies urinaires, maladie d’Addison). La littérature prouve actuellement que l’hyperkaliémie est présente également dans les formes chroniques : 15 % à 47 % chez le chien selon les études. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les sartans, épargneurs potassiques utilisés dans le traitement de la MRC, concourent à cette hyperkaliémie. Alors que ces patients disposent généralement d’une alimentation diététique industrielle enrichie en potassium pour lutter contre l’hypokaliémie, le passage à une alimentation ménagère permet de réduire la kaliémie.

Idée reçue n° 2 : « L’hyperphosphatémie est un élément clé pour suspecter une MRC »

Cette vérité est maintenant obsolète : l’hyperphosphatémie est un élément pronostique dans la MRC, mais aussi l’IRA. L’élimination de phosphore dépend du débit de filtration glomérulaire et est ajustée par la parathormone. Dans l’IRA, le mécanisme compensateur n’a pas ou peu le temps de se mettre en place et le phosphore est directement corrélé à la fonction rénale. Il est rapporté des hyperphosphorémies majeures lors d’obstruction ou de leptospirose par exemple. Lors de MRC, ce mécanisme permet dans un premier temps de limiter l’hyperphosphorémie, mais quand la fonction rénale est totalement altérée, même en forte présence de parathormone, le rein n’élimine plus le phosphore.

Idée reçue n° 3 : « Une hypocalcémie est un élément clé pour conforter l’idée d’une MRC par rapport à une atteinte aiguë »

Cette affirmation reste vraie, chez le chat et le chien : 40 % d’animaux en hypocalcémie ionisée lors de MRC. Cependant, une hypocalcémie peut être rencontrée également lors d’obstruction urétrale.

Idée reçue n° 4 : « La présence d’une hypertension artérielle est un élément évocateur d’une atteinte rénale chronique »

Cela demeure vrai. Mais, selon les études, 37 % des animaux en situation d’IRA présentent au cours de l’hospitalisation un épisode d’hypertension artérielle (HTA) qui s’aggrave avec le temps. Sa prise en charge améliore le pronostic.

Idée reçue n° 5  : « L’anémie arégénérative est un élément clé pour différencier une MRC d’une IRA »

L’anémie observée lors d’insuffisance rénale est d’origine inflammatoire. Elle n’est pas forcément en lien avec une MRC et peut également être présente chez des animaux après une dérivation pyélovésicale extra-urétérale (ou subcutaneous ureteral bypass, SUB) par exemple. Une complémentation temporaire en érythropoïétine est nécessaire.

Idée reçue n° 6 : « Les protecteurs de la muqueuse gastrique sont à utiliser lors d’insuffisance rénale »

Dans les hôpitaux vétérinaires, tous les animaux reçoivent du maropitant à l’admission pour lutter contre les nausées. Or, la littérature rapporte que la gastrite urémique stricto sensu est rare et très rarement mise en évidence lors des examens nécropsiques. Les lésions retrouvées sont de la fibrose et de la minéralisation (dépôts phosphocalciques). Dans les études chez le chat atteint d’ulcère gastrique, aucun animal n’a de maladie rénale. Le rôle de la gastrine jadis incriminée dans l’hyperacidité gastrique est controversé par les dernières études. Ainsi, le consensus récent est que l’utilisation d’antiacides n’est pas indiquée en première intention, car ils ne sont de plus pas dénués d’effets secondaires (effet rebond et déminéralisation osseuse décrits chez l’humain). Ils ne sont prescrits qu’en cas de vomissements. En outre, ils compliquent l’observance, surtout chez le chat.

Idée reçue n° 7 : « La prise en charge des obstructions urétérales chez le chat est chirurgicale »

Jusqu’en 2006, la prise en charge des obstructions urétérales chez le chat était chirurgicale et comportait de nombreuses complications postopératoires. Ensuite, le stent a suscité un engouement puis fut délaissé du fait de la difficulté de sa pose. Aujourd’hui, la dérivation extra-urétérale semble préférable avec peu de complications, même si sont rencontrés des infections, des minéralisations de la dérivation, un inconfort de l’animal ou des cystites au long cours. L’urétrostomie pratiquée par des équipes expérimentées ne doit pas être oubliée. Les stents sont encore posés de façon transitoire.

Idée reçue n° 8 : « Les vulves barrées doivent être opérées »

Des études témoignent d’une réussite thérapeutique (97 %) de la correction chirurgicale des vulves barrées (épisioplastie) dans la gestion des infections récurrentes. L’expérience de notre consœur est plus mitigée et la présence concomitante d’une vaginite est une source d’échec. Selon Christelle Maurey, la chirurgie ne serait à envisager que pour des lésions périvulvaires importantes et vulves encapuchonnées, avec une réserve sur l’efficacité réelle sur la fréquence et l’intensité des infections.

Idée reçue n° 9 : « Le rinçage vésical doit accompagner le sondage urinaire chez le chat bouché »

Notre consœur confirme que les affections obstructives du bas appareil urinaire nécessitent une cystocentèse. En revanche, une étude montre que le rinçage vésical, jadis plébiscité, n’améliore ni la récurrence de l’obstruction, ni la durée d’hospitalisation. Si la pratique était d’administrer du méloxicam au désondage, des études montrent que cela ne modifie pas le devenir de l’animal. Les corticoïdes sont toujours considérés comme inefficaces. La prazosine, active sur le sphincter lisse, est intéressante. Les antibiotiques ne sont utilisés qu’après le désondage.

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