PISTES D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’ÉLEVAGE DES BOVINS À L’ENGRAISSEMENT - La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

Article rédigé d’après l’étude de Cortese M., Bršcic M., Ughelini N. et coll., du département de médecine animale, de production et de santé de l’université de Padoue (Italie), Effectiveness of stocking density reduction on mitigating lameness in a Charolais finishing beef cattle farm, Animals, 7 juillet 2020;10(7):1147.

La production de bovins de boucherie est particulièrement importante en Italie, quatrième producteur européen1. Ce système repose sur l’engraissement de jeunes bovins allaitants qui sont, pour 45 % d’entre eux, importés : principalement de France, d’Irlande et de pays de l’est de l’Europe2. Les animaux sont généralement élevés dans des bâtiments fermés aux dimensions réduites sur un sol bétonné en caillebotis avant d’être abattus à un poids corporel élevé (plus de 700 kg).

Un espace insuffisant ?

Toutefois, des études ont démontré que ces conditions d’élevage augmentent le risque d’abattage dû à une boiterie sévère par environ trois3. Par ailleurs, il semblerait que le faible espace alloué aux animaux puisse avoir un impact majeur sur le bien-être, le comportement, la santé des bovins de boucherie4,5 ainsi que sur les performances des élevages6. Selon Ingvartsen et Andersen5, un espace inférieur à 4,7 m2 par bovin (250-500 kg) conduit à une baisse du gain moyen quotidien (GMQ) allant jusqu’à 300 g en raison de la moindre consommation des animaux. De plus, comme le recommande le comité scientifique de la santé animale et du bien-être des animaux de l’Union européenne (Animal Health And Welfare, AHAW)7, il est important de fournir un minimum de 3 m2 pour les animaux pesant jusqu’à 500 kg, puis 0,5 m2 devrait être ajouté pour tout ajout de 100 kg. Cependant, il n’existe pas actuellement de réglementations européennes qui imposent des normes d’espace pour les bovins à l’engraissement.

De nouvelles normes ?

C’est pourquoi, les auteurs de cette étude8 ont cherché à tester les effets (santé, bien-être, traitement) d’une réduction de la densité d’animaux au cours des phases de croissance (70 jours) et de finition (61 jours). Ils se sont aussi intéressés à l’influence du type de sol sur la survenue des boiteries. L’expérience, qui a porté sur 108 taureaux charolais provenant d’un même centre de collecte de bovins en France, a été réalisée dans un élevage italien, dans lequel la prévalence d’animaux atteints de boiteries était élevée - en moyenne 15 %. Les animaux ont été séparés en deux lots (haute densité (HD) de peuplement de 10 animaux par enclos (3,50 m2 / animal) et basse densité (DL) de peuplement de 8 animaux par enclos (4,37 m2/animal), dans des enclos fermés, en béton, de 5 m de large et 7 m de profondeur, sur un sol en caillebotis. La densité HD est celle couramment adoptée dans ce type d’élevage, tandis que la condition LD était celle suggérée par le groupe de recherche comme un compromis entre les besoins des animaux et des agriculteurs. Toutefois, il est à noter que, dans cette étude, la densité d’animaux a changé au cours de l’engraissement en raison du taux important d’abattage d’animaux : 16 bovins ont été abattus précocement à cause d’une boiterie sévère - 4 dans le lot LD et 12 du lot HD.

Des résultats surprenants

Les résultats obtenus ont montré que, contrairement aux attentes des chercheurs, la densité d’animaux n’a pas eu d’incidence sur le pourcentage d’animaux traités et sur celui de taureaux abattus précocement, ni sur le nombre moyen d’animaux traités par enclos. De plus, les NEC, le poids des animaux, la digestibilité des nutriments et les comportements des animaux (interactions sociales) étaient similaires dans les deux groupes. Cependant, les rechutes ont été moindres chez les animaux du lot LD car des traitements moins répétés ont été enregistrés pour chaque animal malade (p = 0,011) et atteint de boiterie (p = 0,032) dans les enclos LD. De même les enregistrements ont montré que la rumination et l’activité physique étaient plus élevées chez les animaux LD par rapport à HD (p = 0,015). Les auteurs expliquent ce manque d’association entre les performances des animaux et l’espace disponible par le fort taux d’abattage enregistré tout au long de l’essai. Sur la base de ces résultats, il semblerait donc que, si les éleveurs de bovins de boucherie augmentaient l’espace alloué aux animaux, l’état sanitaire (prévalence des boiteries notamment) et le bien-être de ces derniers seraient améliorés. Des recherches supplémentaires sont toutefois nécessaires pour étudier ces effets et trouver une norme d’espace par bovin suffisant à mettre en place en élevage.

1. Eurostat, Agriculture, forestry and fishery statistics, 2019 edition. www.bit.ly/2U5OGon

2. Pieri R., « Il sistema carne bovina nel 2011 », in Il Mercato Della Carne Bovina. Rapporto 2012, Rama D., ed. Franco Angeli, Milano, Italia, 2012,pp. 11-22. ISBN 978-88-568-6614-8.

3. Magrin L., Gottardo F., Contiero B. et coll., Time of occurrence and prevalence of severe lameness in fattening Charolais bulls : Impact of type of floor and space allowance within type of floor, Livest. Sci. 2019, 221, 86-88.

4. Gygax L., Siegwart R. et Wechsler B., Effects of space allowance on the behaviour and cleanliness of finishing bulls kept in pens with fully slatted rubber coated flooring, Appl. Anim. Behav. Sci., 2007;107(1,2):1-12.

5. Ingvartsen K.L. et Andersen H.R., Space allowance and type of housing for growing cattle : A review of performance and possible relation to neuroendocrine function, Acta Agric. Scand. A Anim. Sci., 1993;43(2):65-80.

6. EFSA Panel on Animal Health and Welfare (AHAW), Scientific opinion on the welfare of cattle kept for beef production and the welfare in intensive calf farming systems, EFSA J., 2012;10(5):2669.

7. Scientific Committee on Animal Health and Animal Welfare (SCAHAW), European Commission, The Welfare of cattle kept for beef production. www.bit.ly/32s8dUD

8. www.bit.ly/3esm0zk

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