LE CONSEIL D’ÉTAT SE PRONONCE SUR LA DÉPILATION DES LAPINS ANGORAS - La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Saisi par l’association de protection animale One Voice, le Conseil d’État se prononce sur la conformité de la pratique de la dépilation des lapins angoras avec leur bien-être.

Les faits

L’association One Voice, par lettre du 22 janvier 2018, saisit le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation d’une demande visant à interdire la pratique de la dépilation dans les élevages français de lapins angoras et la commercialisation des produits en découlant. Elle sollicite devant le Conseil d’État l’annulation de la décision implicite de refus que le ministre a opposé à sa demande.

L’arrêt du Conseil d’État

Par un arrêt rendu le 24 juin 2019, le Conseil d’État rejette la requête.

Pédagogie de l’arrêt

Après avoir écarté le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision défavorable, et rappelé les textes applicables en l’espèce, le Conseil d’État examine les moyens soulevés par l’association.

1 - Concernant le respect des exigences de bien-être des lapins

Il ressort des pièces du dossier que le lapin angora, animal domestique, mue naturellement tous les cent jours environ. La dépilation, méthode privilégiée en France, est pratiquée au moment de la mue naturelle. Elle consiste à retirer les poils de l’animal, maintenu en contention, par peignage ou à la main. Un « guide de bonnes pratiques » a été mis au point par l’Institut technique de l’aviculture des productions de basse-cour et des élevages de petits animaux, et son respect conditionne l’appartenance des éleveurs à la filière de l’angora français. Axé sur le bien-être animal, il prévoit des mesures relatives à l’élevage et à la récolte du poil et est mis en œuvre par la très grande majorité des éleveurs français.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode de dépilation des lapins angoras telle qu’elle est préconisée par la filière française serait, en tant que telle, source de souffrances évitables causant des dommages irréversibles aux animaux et emporterait des effets négatifs sur la santé des animaux quand elle est pratiquée dans des conditions normales.

Par ailleurs, la répression pénale des pratiques constituant des mauvais traitements à l’encontre des animaux sur le fondement de l’article R. 654-1 du code pénal permet de sanctionner, le cas échéant, les pratiques qui méconnaîtraient les dispositions relatives à la protection des animaux en leur infligeant des souffrances évitables.

Tout en écartant l’erreur d’appréciation du ministre au regard du bien-être des lapins, l’arrêt semble ouvrir la porte à la possibilité d’une action pénale devant les juridictions répressives.

2 - Concernant le respect du code de l’environnement

Il appartient à l’autorité administrative de rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution.

La méthode de dépilation des lapins angoras n’est, en tout état de cause, pas de nature à créer un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé.

La dépilation des lapins angoras ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme affectant la biodiversité.

En conclusion, selon le Conseil d’État, ni les exigences de bien-être animal, ni les considérations environnementales ne justifient d’accéder à la requête de l’association exigeant l’arrêt de la dépilation des lapins angoras, alors même qu’une proposition de loi, dite Villani, propose d’interdire l’élevage des animaux pour leur fourrure à l’horizon 2025, et que la ministre de la Transition écologique annonce dans le même délai la fin des élevages de visons à fourrure en France.

Source : Conseil d’État, 24 juin 2019

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