CAPITAL IMMATÉRIEL : UNE ÉVALUATION RENTABLE - La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1875 du 13/11/2020

FINANCES

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

Le capital immatériel, ou goodwill, est la valeur invisible de l’entreprise. Son analyse valorise une opportunité stratégique et ses résultats constituent le guide de l’action future du dirigeant pour augmenter la rentabilité de son affaire. L’évaluer permet aussi de ne pas dilapider cette richesse cachée et d’anticiper les écueils financiers.

Parmi les nombreuses méthodes d’évaluation des entreprises, celle du capital immatériel n’est certes pas la plus simple à adapter à un établissement de soins vétérinaires. Elle a cependant le grand mérite d’appartenir à la famille des méthodes qui recherchent une valeur dite de « rendement ». Les vétérinaires qui s’intéressent de plus en plus à leur excédent brut d’exploitation (EBE) peuvent aussi utiliser cette méthode pour calculer la valeur de rendement de leur clinique ou de leur cabinet. C’est important car les repreneurs achètent au travers d’un fonds libéral une capacité à créer de la rentabilité dans le futur.

Sur le principe, elle se rapproche de celle de toute entreprise en s’attachant à la notion même de valeur. « La valeur d’une entreprise est rarement égale à sa valeur comptable et le bilan ne permet pas de cerner la qualité des facteurs de production de la richesse future », explique Alan Fustec, président de Goodwill-management.

Le but de cette méthode un peu déroutante, mais en fait très rationnelle, est d’évaluer la richesse cachée de l’entreprise. « L’évaluation du capital immatériel ne remplace pas l’évaluation traditionnelle financière, elle la complète et lui donne sa crédibilité », ajoute-t-il.

La valeur d’une entreprise repose principalement sur deux choses : d’une part, ses actifs, eux-mêmes convenablement évalués, desquels il faut déduire le passif pour obtenir un actif net, c’est la valeur patrimoniale ou valeur mathématique ; d’autre part, la capacité de l’entreprise à générer un cash-flow et une rentabilité, aussi bien pour financer sa pérennité et son expansion que pour rémunérer ses apporteurs de capitaux, c’est la valeur de rendement.

Une double analyse

La comptabilité ne permet de mesurer qu’un quart à un tiers de la valeur de l’entreprise, deux tiers de la valeur sont immatériels et ne se retrouvent pas dans le bilan. Le principal apport de cette méthode est d’étudier ce que l’entreprise possède et ce qu’elle peut générer en « survaleur » non comptable. Elle permet d’expliciter les écarts généralement constatés entre la valeur mathématique, simple réévaluation de l’actif net comptable, et la valeur de rendement, liée à la rentabilité future.

Pour évaluer la santé financière et les ressources internes et externes d’une entreprise lors d’un audit, Timothée Olender du cabinet AdequA, s’inspire du modèle Thesaurus-Capital-Immatériel développé par Alan Fustec. « L’analyse de l’entreprise comporte deux volets, expose-t-il sur le plan méthodologique. Le premier consiste en une approche financière des données du bilan et donne une cotation du risque de défaillance de l’entreprise entre 10, risque de défaillance très faible, et 1, risque très fort. La deuxième partie de la mission s’intéresse à l’environnement opérationnel de l’entreprise. Elle a pour objectif de déterminer les points forts et points faibles de l’organisation, de l’environnement et des équipes. Elle se traduit aussi par une évaluation de chaque élément entre 100 %, excellente qualité, et 1 %, très faible qualité. »

Les 8 « capitaux immatériels »

Ce second volet de la mission d’audit, l’analyse du capital immatériel, emprunte au modèle d’Alan Fustec la classification des caractéristiques non comptables de l’entité en 8 « capitaux immatériels » : capital sociétal, partenaires, clients, métier, humain, organisation, actionnaires et système informatique « L’objectif est de recueillir le maximum d’informations sur l’entreprise – bilans, informations sur l’environnement, visite des lieux et entretien avec le dirigeant – pour évaluer ces différents aspects du capital immatériel, explique Timothée Olender. Chacun de ces éléments obtient une note qualitative en pourcentage. Par exemple, la qualité des infrastructures s’étudie par rapport à la proximité des transports en commun et des facilités de stationnement à proximité. L’idée derrière cette analyse est qu’une dégradation du capital immatériel se répercute sur le résultat quelques mois ou années plus tard. »

La méthodologie

Dans l’ordre, l’analyse commence par l’étude des éléments de l’environnement géographique et infrastructurel, regroupés sous l’appellation « capital sociétal ». « Je m’intéresse à la situation géographique de l’entreprise et à sa zone de chalandise, à la qualité des locaux et des infrastructures environnantes, aux services publics », détaille-t-il.

Les relations avec les fournisseurs sont étudiées au sein du « capital partenaires ». On y évalue la qualité de service et de la relation commerciale, conditions commerciales, délais de paiement…

Le « capital clients » représente la qualité de la patientèle : évolution de la fréquentation, du panier moyen, satisfaction et responsabilité (absence de vols et impayés). Tous les critères, hormis la satisfaction, reposent sur des données objectives tirées du logiciel de caisse. L’évaluation de la satisfaction du client garde toute son importance à une époque où tous les services et commerces sont susceptibles d’être évalués par les consommateurs : notations des restaurants sur Trip Advisor, voire de tous les commerces sur Google et Facebook.

Le « capital métier » évalue le positionnement stratégique et les choix marketing de l’entreprise, ou sa façon d’exercer son métier (« business model ») : positionnement prix et service par rapport à la concurrence, suivi des innovations dans la profession et spécialisation. « Je m’intéresse aussi à l’intérêt que porte le dirigeant à la préservation de sa réputation sur le Net (réponse aux commentaires et aux éventuelles notations », poursuit-il.

Ensuite, sans rentrer dans un audit détaillé des ressources humaines pour lequel il est plus judicieux de faire appel à un professionnel, une analyse globale du « capital humain » est effectuée : niveau d’absentéisme, chiffre d’affaires et panier moyen par opérateur. Ces éléments présentent l’avantage de pouvoir être extraits des données de la paie et du logiciel de caisse de l’entreprise.

Est également analysé le « capital organisationnel » : « L’organisation interne est évaluée au travers de la gestion du crédit client et des réceptions financières, ajoute-t-il. La politique de formation et la gestion des plannings font aussi l’objet de l’entretien. »

Enfin, les caractéristiques de l’actionnariat permettent de noter un « capital actionnaires » : capacité à soutenir la société, entente entre associés et notoriété éventuelle.

Une approche globale de la fiabilité du système informatique et du système d’information complète l’étude qualitative. Par exemple, pour apprécier la gestion du stock.

L’évaluation en pratique

Ces huit « capitaux » sont évalués à partir d’un questionnaire à choix multiples adapté au secteur d’activité de l’entreprise. Les éléments qui influent significativement sur la rentabilité sont privilégiés. Pour répondre à ce questionnaire, un guide méthodologique est proposé qui commence par des recherches sur le Net (Google map pour l’environnement et les avis clients, site internet de l’entreprise, statistiques Insee sur la population de la commune et des alentours), puis visite des lieux (observation des locaux et du quartier, observation du comportement professionnel des équipes) et enfin entretien avec le titulaire.

Les indicateurs quantitatifs – conditions commerciales entre autres – sont calibrés par rapport aux statistiques annuelles publiées par les cabinets spécialisés dans l’accompagnement de leurs clients.

LES ACTIFS IMMATÉRIELS ET LEURS CRITÈRES

– Le capital clients : fidélité, solvabilité, rentabilité, dynamique des secteurs…

– Le capital humain : motivation, savoir-être, compétence, climat, expertise, leadership…

– Le capital organisationnel : politique qualité, sécurité, orientation client, processus de contrôle, supply chain, réseau de distribution…

– Les systèmes d’information : couverture métier, ergonomie, fiabilité, coûts…

– Le capital de savoir : R&D, secrets de fabrication, brevets

– Le capital de marque : notoriété, réputation, singularité…

– Le capital partenaires : nombre par produit stratégique, satisfaction du client, fidélité…

Source : Goodwill-management

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